Syrie : remettre les pendules à l’heure (4/4)

8) Une guerre prévue de longue date

Comme nous l’avons vu, les Anglo-Américains essayent par tout moyen de fragmenter l’Eurasie et d’empêcher toute union entre l’Europe, dépendante énergétiquement, et la Russie, producteur majeur d’hydrocarbures. Une guerre du gaz et du pétrole commença à l’aube du troisième millénaire entre les États-Unis et l’Europe occidentale d’une part, la Russie, la Chine, l’Iran et les États laïcs arabes d’autre part. Poutine a conçu deux acheminements massifs gaziers pour l’Europe : en son nord, via la mer Baltique, le gazoduc Northstream qui relie directement la Russie à l’Allemagne sans passer par l’Ukraine et dont bénéficie aussi la France et le gazoduc Southstream qui relie, via l’Ukraine, l’Europe du Sud (Italie, Grèce) et l’Europe centrale (Autriche et Hongrie).

Les Américains, pour contrecarrer ces deux transits, ont construit le gazoduc Nabucco déversant à l’Europe du gaz des alliés américains en Asie centrale et dans le Caucase (Afghanistan, Turkménistan, Azerbaïdjan, Géorgie devenue pro-Russes depuis l’arrivée du premier ministre Bidzina Ivanichvili fin 2012, soutenu par le Kremlin, et la Turquie). Néanmoins, Nabucco procure un ravitaillement insuffisant : pour qu’il devienne vraiment concurrentiel, les Américains souhaiteraient y rajouter l’apport du gaz iranien des côtes caspiennes mais aussi le gaz découvert en 2011 aux larges des côtes syriennes, libanaises et israéliennes, et surtout la gigantesque réserve qatarie, géant pétrolier mais aussi gazier.

Le refus, en novembre 2010, de Bachar el-Assad, fortement appuyé par les Russes, d’ouvrir des oléoducs et gazoducs saoudiens et qataris afin de les faire transiter vers l’Europe pour réduire sa dépendance à la Russie est l’une des causes importantes de la guerre. Mais cette réponse négative ainsi que la concurrence gazière en général ne font que rajouter à la volonté de démembrement de la Syrie pour un Grand Moyen-Orient atlantico-sionniste déjà prévu depuis les années 70 et enfin réalisable grâce à l’effondrement soviétique et sa rétractation consécutive au Proche-Orient.

Le 12 décembre 2003, quelques mois seulement après l’intervention en Irak, le Congrès à Washington vota le « Syria Accountability Act » (traité d’incompatibilité avec la Syrie) décrétant un embargo à l’instar de celui qui avait encerclé l’Irak (de 1991, après la première Guerre du Golfe à 2003, la deuxième) ayant tué plusieurs millions d’Irakiens dont environ un million d’enfants pour un pays de 24 millions d’habitants comme l’avoua froidement l’ancienne secrétaire d’État (ministre des Affaires étrangères) Madeleine Albright, tristement célèbre, entre autres, pour avoir fait accepter à la Maison Blanche de soutenir les monstres mafieux de l’UCK kosovar musulman afin de fragmenter définitivement l’ancienne Yougoslavie de Tito et d’affaiblir la Serbie, vecteur de consolidation des rapports entre Européens et Russes. Mais, à la différence du régime de Saddam Hussein qui, en 1991, très affaibli par les bombardements massifs de la Première guerre occidentale, ne put trouver personne de suffisamment puissant pour contenir les effets néfastes de l’embargo, Bachar el-Assad pu temporiser celui qu’il subissait grâce à des alliances avec l’Iran, la Chine émergeante, la Russie de Poutine mais aussi le Japon, avec qui une très grande coopération économique s’enclencha, permettant à la Syrie de se moderniser sans le concours des pays industrialisés de l’Ouest.

Mais, en plus de ce vil et vain embargo, notre ancien secrétaire d’État aux Armées, l’admirable général Marcel Bigeard (1916-2010) expliquait dans son célèbre livre testament Adieux ma France que des échauffourées importantes avaient eu lieu en 2005 entre les armées syrienne et américaine à la frontière irakienne, longue de 620 km. Prétextant à raison que les Syriens fournissaient discrètement aux résistances irakiennes à l’oppression atlantique des armes russes SA-14 et SA-18, types bazooka-missiles extrêmement efficaces, les États-Unis entreprirent deux opérations en mai et juin 2005, baptisées Matador et Lance, suite auxquelles des villages, voire des petites villes furent totalement rasés tels qu’Al Anbar et Al-Karabiloune. Les autorités américaines demandèrent à leur armée positionnée en Irak de faire d’une pierre deux coups en envahissant aussi l’Iran et la Syrie afin d’avoir la main mise sur la totalité des hydrocarbures du Moyen-Orient regroupant les 2/3 des réserves mondiales, demande vigoureusement refusée par les généraux connaissant les limites d’une telle action alors qu’ils se trouvent à la tête de régiments totalement embourbés en Mésopotamie qu’ils n’arrivent pas à pacifier, frappés mensuellement par environ 450 attentats !

Mais, du moins pour la Syrie, ce n’était que partie remise…

En 2009, notre ancien ministre aux affaires étrangères sous François Mitterand, Roland Dumas, alors en visite à Londres pour nos relations économiques fut approché par des agents du MI-6 et la CIA lui expliquant que bientôt le gouvernement laïc syrien s’effondrerait face à des opposants qu’ils soutiendraient. Pour cette raison, ils aimeraient vivement avoir son avis à propos de leur futur action, le sachant, à l’instar de nombreux anciens ministres français tels que Villepin ou Védrine, anti-atlantiste…

Cette demande n’est pas anodine. Bien que Kouchner puis Fabius sont très pro-Anglo-saxons, ces derniers savent pertinemment qu’il en est pas de même pour un certain nombre de diplomates du Quai d’Orsay et d’agents de la DGSE acquis à la vision gaullienne d’indépendance énergétique de la France qui fut réalisée partiellement par De Gaulle, Pompidou et Giscard à travers une coopération avec les régimes musulmans progressistes et plus particulièrement l’Irak et l’Iran, échangeant, contre l’exclusivité d’approvisionnement de certains puits pétroliers, des technologies pour former du nucléaire civil.

Il leur répondit lors d’un déjeuner qu’il était évidemment opposé mais ne prit toute la mesure de cette discussion qui lui sembla au départ anodine. C’est deux ans plus tard, au commencement des troubles début 2011, qu’il comprit toute l’importance de cet entrevue avec les espions de Sa Majesté et de l’Oncle Sam.

9) La guerre depuis mars 2011

Des escarmouches éclatèrent le 18 mars 2011 dans la petite ville de Deraa au sud de la Syrie à quelques kilomètres de la frontière jordanienne. On pouvait penser au départ que, comme la région du Sud-Est syrien limitrophe à la Jordanie est relativement pauvre, que les protestataires majoritairement sunnites demandaient simplement une amélioration économique. Mais très vite, la contestation enflamma une petite ville de banlieue nord de Damas, Douma, majoritairement sunnite elle aussi, mais bien plus aisée. Donc la révolte n’était pas économique mais religieuse, majoritairement sunnite contre un pouvoir chéri et gardé uniquement par les Alaouites minoritaires. Très vite, toutefois, des témoignages expliquèrent que de très nombreux manifestants étaient inconnus des quartiers où ils contestaient et parlaient des dialectes de la péninsule arabique (Arabie saoudite, Qatar, etc.) et non syriens. L’ingérence étrangère saoudienne, qatarie, turque, anglo-américaine et française s’est dévoilée dans la foulée. On apprendra par la suite que la Jordanie, contrainte par les Occidentaux et récompensée par des aides économiques massives, soutient les islamistes syriens via son service de renseignements.

Peu de temps après les troubles, les Occidentaux au Conseil de Sécurité de l’ONU appelèrent plusieurs fois à condamner le régime de Bashar el-Assad. Systématiquement et en réponse à la guerre franco-otanienne en Libye, les Russes et Chinois refusèrent. En effet, alors que les agitations libyennes débutaient en Cyrénaïque, à l’Est du pays, les Anglo-Américains et les Français votèrent avec l’acquiescement des Russes la fermeture du ciel libyen. Cette résolution devait empêchait au régime de Kadhafi de bombarder la région insurgée. Mais, profitant de la garde baissée des Russes et des Chinois, la coalition franco-otanienne viola sa propre résolution en profitant du fait que le ciel soit vide pour bombarder à son tour la Libye. Plusieurs dizaines de milliers d’expatriés chinois, travaillant surtout dans l’extraction pétrolière, durent fuir la Libye et Vladimir Poutine, qui avait des intérêts croissants avec le colonel, fou de rage, fulmina dénonçant une trahison.

C’est pour cette raison qu’ils ont dit non à tous les votes proposés par les Occidentaux au Conseil de Sécurité pour la Syrie. Néanmoins, cela n’explique pas pourquoi les Occidentaux ont finalement refusé de bombarder le régime syrien. En effet, malgré l’opposition de l’ONU, les Anglo-Américains détruisirent l’Irak en 2003 et, quatre ans auparavant, attaquèrent la Serbie en l’absence de l’aval de l’ONU qui adopta une résolution après coup. Donc pour le cas syrien, malgré le veto sino-russe, ils auraient bien pu trouver une parade pour bombarder un pays dont la destruction était prévue de longue date au lieu de soutenir une rébellion nourrie par des islamistes aussi coûteux qu’imprévisibles.

La raison est que la Russie, ayant de très lourds intérêts dans la région et alliée de longue date du régime syrien, a livré les redoutables missiles anti-aviation militaire S-300 et S-117 grizzlis. Ces missiles ressemblent, pour ceux qui ont visionné le premier Iron Man, à l’arme Jéricho qui, une fois dans les airs, se déploie en une myriade de fusées créant un véritable mur de feu impossible à franchir. Fin juin 2012, selon Le Figaro, la Turquie, associée aux États-Unis, demande à l’un de ses avions militaires fourni par les américains, le F-4 Phantom, de longer les côtes syriennes près de la base de Tartous et de la ville majoritairement alaouite, Lattaquié. Il est détruit tout près des côtes syriennes… probablement par ce fameux armement russe.

C’est pour cette raison que les Occidentaux et leurs alliés de la péninsule arabiques vont considérablement intensifier la lutte via les djihadistes qu’ils soutiennent financièrement, diplomatiquement et militairement. Dans une note publiée sur le site du Centre français de recherche sur le renseignement, intitulée “Syrie : Situation Début 2014”, l’ancien agent de la DGSE Alain Rodier dénombre au sein de l’Armée syrienne libre, du Front Islamique, du Front islamique syrien, des Kurdes syriens et des autres groupes djihadistes indépendants environs une vingtaine de milices composées le plus souvent de musulmans extrémistes luttant violemment contre le pouvoir syrien et soutenus par les puissances étrangères, tous totalisant une centaine de milliers d’hommes. Malgré les dires des médias officiels qui prophétisent depuis trois ans une victoire imminente des rebelles mais aussi en dépit de la réinfosphère pensant que le régime syrien gagne toujours plus de terrain, Alain Rodier explique qu’en réalité les forces sont toujours à l’équilibre actuellement et que nous risquons de nous embourber dans un scénario à l’Afghane.

C’est à cause de cette paralysie que les dirigeants occidentaux accusèrent en mai et août 2013 le régime syrien d’avoir utilisé des armes chimiques contre les « rebelles » afin de légitimer une intervention de leur part encore plus musclée et directe afin de précipiter l’effondrement du régime…

10) Manipulations médiatiques concernant les armes chimiques et « nouvelle crise nucléaire de Cuba »

En mai 2013, un jet d’arme chimique tua de nombreuses personnes. Les gouvernements occidentaux dénoncèrent immédiatement le régime. Pourtant, dans la foulée, l’ancienne présidente du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie et du Tribunal pénal international pour le Rwanda, Carla Del Ponte, démentit l’accusation occidentale et pointa la responsabilité sur l’Armée syrienne libre composée d’islamistes liés aux Occidentaux.

Voici ce que dit le journaliste Emmanuel Ratier dans le numéro 358 de son excellent Faits et Documents : « Carla Del Ponte, surnommée « Calamity Carla » pour sa dureté et son indépendance est sans doute l’un des magistrats internationaux les plus expérimentés et les plus respectés.(…) Membre majeur de la Commission internationale de l’ONU sur les violations des droits de l’homme en Syrie, elle a dénoncé, à la mi-mai, l’usage d’armes chimiques (gaz sarin) par les membres de l’Armée syrienne libre, donc par des terroristes soutenus par l’Union européenne, les Etats-Unis et les monarchies fondamentalistes pétrolières. On aurait pu penser que son témoignage, fondé sur de multiples éléments probants, auraient fait la « une » des grands médias internationaux. Au contraire, son témoignage, faute de mettre en cause les autorités syriennes légales, a aussitôt été mis en doute par sa propre commission puis rapidement passé à la trappe. (…) Aucune allusion n’a également été faite à la découverte, fin mai, par la police turque dans ses bases arrières d’insurgés d’Al-Nusra à Adana (Turquie) d’armes neurotoxiques (gaz sarin) ».

Trois mois plus tard, le 21 août 2013, entre 500 et 1 300 victimes meurent d’une nouvelle attaque au gaz sarin dans la banlieue de Damas dite Ghouta Est. Encore une fois, immédiatement après la catastrophe, les autorités occidentales rejettent la responsabilité du drame sur Bachar el-Assad. Le 2 septembre, Jean-Marc Ayrault présente aux présidents des deux chambres du Parlement un document intitulé “Synthèse nationale de renseignement déclassifiés” censé démontrer qu’une attaque « massive et coordonnée » a été conduite dans la nuit du 21 août, jetant la suspicion sur les autorités syriennes.

“Une coopération prépondérante en matière énergétique et économique entre les pays membres de l’espace francophone pourrait créer peu à peu une ‘Troisième voie géopolitique mondiale’ à même de temporiser le choc terre/mer qui ensanglante l’humanité depuis maintenant 200 ans, qui a eu raison de l’indépendance de la France en 1815 et du reste de l’Europe en 1945, et qui depuis, enferme le globe sous ‘l’équilibre de la Terreur’.”

La coupe est pleine. À peine le document transmis, des anciens membres des services de renseignements s’insurgent contre le pouvoir politique l’accusant de volontairement transformer des propos pour légitimer la guerre auprès de l’opinion publique. Alain Chouet, l’ancien directeur du département des affaires arabes et du contre-terrorisme à la DGSE expliquera sur France Inter que cette note n’accuse en aucun cas le régime syrien mais émet de simples hypothèses de provenances, tant du régime que des rebelles.

Dans son éditorial publié sur le très bon site du Centre français de recherche sur le renseignement du 6 septembre, l’ancien espion au Secrétariat Général de la Défense Nationale (SGDN), Éric Denécé, n’y va pas de main morte : « Un fait nouveau doit être mis en lumière : la tentative maladroite des plus hautes autorités de l’État de manipuler la production des services de renseignement afin d’influer sur l’opinion publique et de provoquer un vote favorable des parlementaires. Ce type de manœuvre avait été conduit par Washington et Londres afin de justifier l’invasion de l’Irak en 2003, avant d’être dénoncé. Onze ans plus tard, le gouvernement recourt au même artifice grossier et éculé pour justifier ses choix diplomatiques et militaires. Compte tenu de la faiblesse des arguments présentés dans la note gouvernementale – qui n’est pas, rappelons-le, une note des services -, celle-ci ne sera d’aucune influence sur la presse et l’opinion. En revanche, par sa présentation, elle contribue à décrédibiliser le travail des services de renseignement, manipulés à leur insu dans cette affaire. Le mépris des politiques français à l’égard des services est connu. »

Dans son livre, Renseignement français : nouveaux enjeux, l’ancien directeur de la DCRI, Bernard Squarcini décrypte pour nous cette fameuse note démontrant que la DGSE n’a jamais dit que la responsabilité incombait au pouvoir syrien dans l’utilisation des armes chimiques.

En janvier dernier, un rapport rendu par le prestigieux Massachussetts Institut of Technology (MIT) sous l’inspection de l’ex-directeur des Nations-Unies Richard Lyold, concluait que selon toute vraisemblance, les attaques au gaz sarin ne pouvaient pas avoir été le fait des forces de Bachar el-Assad.

Pourtant, c’est au nom de cette fausse accusation que les Anglo-Américains et Français expédièrent tout de suite des bateaux de guerre au large des côtes syriennes afin de bombarder le pouvoir en place sans risquer d’envoyer des avions ne pouvant pénétrer dans l’espace syrien sécurisé par les missiles anti-aériens russes. Le 28 août, selon le journaliste du point Jean Guisnel, spécialiste des affaires de renseignement, la frégate française Chevalier Paul se joignit aux quatre frégates lance-missiles et aux sous-marins nucléaires américains et britanniques.

Les autorités russes répondront par une déclaration toute poutinienne immédiatement suivie d’effet : « La Russie ne rentrera pas en guerre pour la Syrie mais envoie sur le champ deux bâtiments militaires nucléaires » pour accueillir les Occidentaux. Au nez et à la barbe de l’humanité entière, à l’ombre des projecteurs médiatiques, une « nouvelle crise des missiles de Cuba » inversée qui aurait pu se terminer dans une guerre atomique mondiale a eu lieu : des bâtiments militaires nucléaires occidentaux et russes se sont retrouvés face à face, aux portes de l’Europe.

Comme disait si bien Frédéric II de Prusse, « les armes sont à la diplomatie ce que les instruments sont à la musique ». Les crocs de Poutine, soutenu par les Chinois, calmeront tout de suite les Occidentaux. Ainsi, le lendemain au Royaume Uni, la chambre des communes refuse par vote une intervention militaire. Barack Hussein Obama, qui a un droit de pouvoir unilatéral en matière d’Affaires internationales, préfère finalement laisser au Congrès, en vacance, la « décision de trancher » pour une intervention et d’accepter l’ouverture de négociations diplomatiques avec les Russes. Manœuvre politique pour masquer son impuissance.

Néanmoins il ne faut pas trop attendre des négociations diplomatiques incarnées notamment par les entrevues de Genève, chacune des parties, les Occidentaux soutenant les islamistes d’un côté, les Sino-Russes de l’autre tentant de gagner discrètement du temps pour vaincre en Syrie. Il y a quelque jours The Wall Street Journal a rapporté que les Saoudiens et les Américains avaient de nouveau livrés des missiles antichars à l’Armée syrienne libre composée majoritairement d’islamistes…

11) Fronde à la DGSE ?

La politique que suit la France à l’égard du monde arabo-musulman est de plus en plus contestée dans nos services. Selon l’africaniste Bernard Lugan, dès la guerre en Libye, la DGSE avait noyé l’Élysée de télégrammes demandant de ne pas renverser le colonel Kadhafi, dont la poigne de fer contenait des tribus aux vues antagonistes qui, le jour où elles seraient libérées du joug politique, s’entredéchireraient, engendrant une nouvelle Somalie ou un nouvel Irak aux portes de la France. Le bourbier syrien intensifiera la contestation et la politisation du service.

« Ainsi, plusieurs membres de ce service, exaspérés à la longue de voir que les renseignements transmis à l’Élysée ou au Quai d’Orsay n’étaient pas pris en compte et qu’une politique internationale, dont il est possible de se demander si elle était favorable aux intérêts nationaux ont fini par créer, début 2012, un mouvement de protestation, discret à l’image de la maison, intitulé Les Cassandres » explique Eric Denécé.

En effet, la politique gaullienne de la France (à l’inverse de sa politique atlantiste actuelle consistant à aider les islamistes en échange de gaz et de pétrole) consiste à soutenir les régimes laïcs et progressistes du monde arabe afin de sécuriser son environnement géopolitique proche. Pendant la guerre du Liban (1975-1990), la France était en désaccord avec le pouvoir syrien qui organisa plusieurs attentats contre les autorités françaises soutenant les franges libanaises qui refusaient la domination syrienne, notamment contre l’ambassadeur Louis Delamarre. Peu après l’attentat, Alain Chouet rencontra le frère du Président Syrien Hafez el-Assad, en Suisse, et conclu discrètement une paix qui enclencha peu à peu une très grande coopération entre nos services et les services syriens, réputés les meilleurs de la région dans la lutte antiterroriste.

Cette coopération produisit deux très beaux succès pour la France. Dans un témoignage judicieusement relayé par Le Salon Beige produit dans l’hebdomadaire Afrique Asie, un ex-officier de la DGSE raconte que les responsables des services syriens ont reçu les remerciements de grands groupes pharmaceutiques pour avoir démantelé des fabriques clandestines de faux médicaments et pour avoir arrêté de grands trafiquants de drogues qui utilisaient la filière syro-libanaise pour écouler leurs marchandises de mort en Europe et surtout en France. De plus, grâce à la coopération avec la Syrie, de précieux renseignements ont conduit la DGSE à déjouer en 2008 un plan terroriste qui aurait fait des milliers de morts dans le métro de Paris.

Conclusion

Ainsi en soutenant les rebelles islamistes, la France participe un peu plus à la destruction et à l’instabilité de son environnement proche. Elle n’a strictement aucun intérêt à s’aligner sur la politique américaine. Malgré tout, à la différence du géopoliticien Aymeric Chauprade, conseiller en affaires étrangères du FN, je ne crois pas non plus que ce soit l’intérêt de la France de s’additionner sans condition à la politique russe qui, qu’on le veuille ou non, refuse fermement à Bachar el-Assad d’ouvrir sur son territoire un convoi gazier américano-qatarie remettant en cause la dépendance énergétique toujours plus grande de l’Europe envers la Russie.

Ne nous y trompons pas, les deux Guerres mondiales ont été une lutte à mort entre les Anglo-Américains, l’Europe sous la férule de l’Allemagne bismarckienne puis hitlérienne, et la Russie tsariste puis soviétique pour le contrôle du gaz et du pétrole se trouvant majoritairement au Moyen-Orient. L’Europe, perdant cet affrontement, ne maîtrise plus son approvisionnement et donc son destin et sa liberté. On peut résumer la Guerre froide en une lutte entre les deux vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale, l’axe tellurique sino-russe malgré ses aléas et la puissance thalassocratique anglo-américaine, pour la mainmise hégémonique finale sur les réserves pétrolières et gazières afin de les revendre notamment à l’Europe, le plus gros PIB économique mondial et donc le plus grand consommateur d’énergie.

Pourtant, la France a une carte majeure à jouer : en développant au maximum le nucléaire de troisième génération puis de fusion, en exploitant ses propres gaz de schistes et en trouvant de nouveaux fournisseurs pétroliers en Afrique subsaharienne lui permettant de sortir de l’ornière de « l’islamérique », c’est-à-dire de son approvisionnement quasi-exclusif en Algérie et dans la péninsule arabique, dont les entreprises et gisements pétroliers appartiennent majoritairement aux Américains.

Mais cette indépendance énergétique retrouvée, garante de sa liberté politique (et donc, entre autres, de la maîtrise de ses frontières et des flux migratoires…) serait insuffisante si elle ne s’alliait pas avec les « petits » de la planète qui veulent s’extirper tant de la puissance terrestre sino-russe (pays de l’ancienne Indochine et de l’Europe de l’Est, Inde) que de la puissance maritime anglo-américaine (Amérique du Sud et pourquoi pas Québec ?). Une coopération prépondérante en matière énergétique (notamment par diffusion du nucléaire insuffisant dans ces pays-là, cette fameuse énergie bleue capable de supplanter à terme la dépendance aux hydrocarbures s’amenuisant et qui sont détenus par les géants russe et américain) et économique entre tous ces pays majoritairement membres de l’espace francophone pourrait créer peu à peu une « Troisième voie géopolitique mondiale » à même de temporiser le choc terre/mer qui ensanglante l’humanité depuis maintenant 200 ans, qui a eu raison de l’indépendance de la France en 1815 et du reste de l’Europe en 1945, et qui depuis, enferme le globe sous « l’équilibre de la Terreur ». Un équilibre qui peut déraper à tout moment en Troisième Guerre (atomique ?) mondiale…

Sources :
– Alain Chouet, Au cœur des services spéciaux [Broché]
– Eric Denécé, La Face Cachée des Révolutions Arabes [Broché]
– André Sellier, Atlas des peuples d’Orient : Moyen-Orient, Caucase, Asie centrale
– Aymeric Chauprade, Chronique du choc des civilisations
– Alain Chouet, La Syrie dans la tourmente des printemps arabes (http://alain.chouet.free.fr)

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11 Comments

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  • 0 / 10
  • roy , 5 mai 2014 @ 17 h 00 min

    Article mensonger, notamment sur les origines du conflit syrien

  • Eric Martin , 5 mai 2014 @ 17 h 49 min

    Pourriez-vous développer svp ?

  • jejomau , 5 mai 2014 @ 18 h 51 min

    Votre conclusion est belle mais un peu longue

    Je vais résumer votre article en quelques mots :

    Hollande est ILLEGITIME aux yeux du peuple de France parce qu’il n’est pas leur président. C’est le président des carpettes LGBT dans lesquelles les Français ne se reconnaissent pas. Et ce n’est pas l’émission de Bourdin demain qui fera quoi que ce soit parce que les questions qui seront posées seront sélectionnées et que les dés sont pipés; ce que J.J. Bourdin sait pertinnement et il s’en moque puisque c’est un copain de Valls de longue date.

    Voilà !!

    Vive la France ! Saint Micheeeel ! Monjoiiiiiiiiiiiie ! et sus aux LGBT !!!

    http://www.youtube.com/watch?v=8_Gl0nDs3Q8

  • jejomau , 5 mai 2014 @ 18 h 57 min

    …. oui et je rajoute à l’intention des médias menteurs que ce n’est pas “86% des Français qui le désavouent aujourd’hui” comme ils aiment à le répéter. C’est exactement : “14% seulement qui soutiennent Hollande” l’Illégitime !

    façon de présenter les chiffres…..

    http://www.youtube.com/watch?v=r1Kwq_exdlQ

  • V_Parlier , 5 mai 2014 @ 19 h 12 min

    Les origines du conflit syrien telles qu’elles sont exposées dans le billet sont très probablement 100% exactes quand on voit jusqu’où le conglomérat US/UE est prêt à aller dans la perfidie en Ukraine. Les atlantistes, et leurs suiveurs inconscients et zombifiés, se sont assurément fait encore plus d’ennemis ces derniers jours. C’est une fracture qui dépasse d’ailleurs maintenant le clivage gauche-droite.

    Je parle du clivage à l’ancienne, car le hollandisme, quant à lui, ne représente rien même sur l’échiquier politique européen, si ce n’est ce néo-socialisme dit “libéral” (pour prétexter une soumission totale aux USA et au libre échange) et “social” (pour invoquer le laxisme et l’achat de paix sociale à coup d’allocs) qui se fait appeler parfois comme l’UMP “social démocratie” pour se donner la belle figure UMPS.

  • Bernie , 6 mai 2014 @ 10 h 20 min

    Je vais essayer d’être succinct sur ces origines.

    Comme je l’avais dit précédemment, le conflit syrien remonte aux années 80 à l’époque où c’était l’oncle de Bachar Al-Assad qui gouvernait la Syrie. Pour mémoire, une Fatwa avait été déclarée au 14è siècle contre les Alaouites considérés comme des “mécréants” (alors qu’ils sont musulmans) et celle-ci est toujours en vigueur.

    Or, dans les années 1980 (je ne me souviens plus de la date exacte), des terroristes musulmans ont fait irruption à l’école des jeunes officiers de l’armée et se sont faits sauter, tuant ainsi les futurs cadres politiques et économiques de la Syrie. En effet, ces futurs cadres étaient Alaouites (minorité sur un plan quantitatif mais qui détient les leviers de commandement du pays).

    Après cet attentat, l’oncle de Bachar Al-Assad a organisé une répression sanglante et a fait tuer environ 20 000 musulmans en représailles. C’est depuis cet épisode là que la guerre fait rage en Syrie et non depuis 2011 comme nous le font croire les médias (il ne suffit pas de passer 4 jours en Syrie pour comprendre toutes les problématiques du pays).

    Le maintien de Bachar Al-Assad est une nécessité pour la stabilité du pays et pour la sauvegarde des différentes minorité présentes (alaouites, druzes, coptes, chrétiens,…). C’est malheureux à dire, mais si les musulmans prennent le pouvoir là-bas, ces minorités sont vouées à l’extermination.

    Pour ceux qui ne me croiront pas, je tiens ces informations d’un ancien patron de la DGSE qui a passé plus de 20 ans en Syrie.

    J’espère avoir été clair et compréhensible.

    Bien à vous,

  • V_Parlier , 6 mai 2014 @ 10 h 41 min

    “Pour ceux qui ne me croiront pas, je tiens ces informations d’un ancien patron de la DGSE qui a passé plus de 20 ans en Syrie”.

    Même si je pense que nous sommes tous conscients de ce fait sur le présent fil de discussion, c’est toujours bien de l’avoir rappelé, avec témoignage à l’appui.

    (Petite correction: Vous écrivez “musulmans” là où il faudrait plutôt écrire “sunnites pro-charia”, ceux que les USA et l’UE soutiennent actuellement dans le monde, quand ils ne soutiennent pas des nazis avérés).

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