Reportage dans une «boîte à bébé»

Couvent des sœurs franciscaines, statue de Saint Joseph, patron des familles

Les « boîtes à bébé », ou « fenêtres de vie » comme on les appelle en Pologne (okno życia), sont ces points d’accueil pour bébés abandonnés qui existent dans plusieurs pays d’Europe comme l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la République Tchèque, la Hongrie, la Lituanie et la Pologne. À Varsovie, il y en a deux : un dans le quartier de Praga, l’autre au 53 de la rue Hoża, dans le centre, à quelques rues de la gare centrale. La fenêtre de vie de la rue Hoża appartient à un couvent de sœurs franciscaines qui pendant la deuxième guerre mondiale sauvaient déjà des enfants, juifs ceux-là, en les dissimulant et en les évacuant en cachette de Varsovie. La mère supérieure de l’époque fait d’ailleurs partie de ces plus de six mille « Justes parmi les nations » polonais qui ont leur arbre au mémorial de Yad Vashem à Jérusalem.

La fenêtre de vie de la rue Hoża n’existe que depuis 2007 mais le 18 avril dernier elle accueillait déjà son douzième bébé. Le mécanisme est simple : une simple fenêtre qui donne sur la rue avec une « boîte » juste derrière. La mère qui souhaite abandonner son bébé n’a qu’à ouvrir la fenêtre et déposer le nourrisson dans le petit réceptacle, puis à refermer la fenêtre et s’en aller. À chaque ouverture de la fenêtre, les religieuses ont automatiquement un signal sur leur pager et viennent voir immédiatement. Sœur Barbara, qui m’a reçu, m’explique qu’il y a régulièrement des fausses alertes, sans doute à cause de personnes qui cherchent à voir si quelqu’un vient effectivement contrôler la présence d’un bébé. Mais à douze reprises, elles ont bien trouvé un bébé qui venait d’être déposé. Cela se passe généralement le soir, sauf pour le dernier qui a été déposé au milieu de la nuit. Une fois le bébé recueilli, une ambulance est appelée, l’enfant est examiné par un pédiatre sur place puis emmené à l’hôpital.

La boîte à bébé vue de l’intérieur

Les bébés abandonnés ont de quelques semaines à quelques mois. À la manière dont le cordon ombilical a été sectionné et soigné, sœur Barbara m’assure que sur les douze bébés, onze étaient très probablement nés à l’hôpital.

Ces fenêtres de vie ne sont pas une alternative à l’avortement, interdit en Pologne sans raisons médicales, mais plutôt à ces bébés abandonnés dans des poubelles ou dans un coin de rue. Ce genre de situations se produit encore mais cela arrive moins souvent à proximité des boîtes à bébé. J’ai interrogé il y a un certain temps un père salésien à propos de la «fenêtre de vie» ouverte par des bonnes sœurs dans le quartier de Praga. Il m’a affirmé que si aucun nouveau-né n’y avait encore été laissé (c’était avant leur premier bébé recueilli l’année dernière), il n’y avait plus eu dans ce quartier populaire de Varsovie aucun cas de nourrisson abandonné dans la rue depuis que cette « boîte à bébé » s’y trouvait.

Le couvent de la rue Hoża et sa « fenêtre de vie »

Rue Hoża, sœur Barbara me dit être pleine de respect pour ces femmes qui sont très certainement dans des situations dramatiques et qui ont malgré tout porté leur enfant pendant neuf mois et l’ont mis au monde avant de le déposer dans une boîte à bébé. La femme qui lui a donné la vie est assurée que son enfant sera accueilli très rapidement dans une famille adoptive. Il y a en Pologne, comme en France d’ailleurs, plus de parents candidats à l’adoption que d’enfants adoptables. Les enfants élevés en orphelinat ne sont généralement pas adoptables car ils ont encore des parents qui n’ont pas renoncé à leurs droits sur eux. Tandis que le bébé déposé dans une boîte à bébé sera définitivement adopté au bout de quelques semaines. Sœur Barbara m’affirme qu’il s’agit toujours de bébés en bonne santé, sans handicap, et qu’on voit souvent, par certains signes, que le sort de l’enfant n’est pas indifférent à la mère ou aux parents qui se décident à l’abandonner. Ces signes, ce sont par exemple un chapelet glissé dans les vêtements du bébé, ou un carnet de vaccination où ont été découpées les pages qui permettraient de l’identifier mais qui évite au bébé d’avoir à subir deux fois les mêmes vaccins.

Sœur Barbara, religieuse et infirmière

Contrairement à la personne qui abandonnerait son enfant dans la rue, celle qui le dépose dans une boîte à bébé n’encourt aucune poursuite puisque cette forme d’abandon anonyme est légale. De la même manière qu’une femme qui vient d’accoucher en Pologne peut abandonner son bébé à l’hôpital, avec un délai de rétractation de quelques semaines, sans avoir à donner aucune explication. Certaines familles adoptives restent en contact avec les religieuses de la rue Hoża. Elles ont reçu récemment pour les fêtes une lettre avec la photo d’un petit garçon avec sa famille adoptive : c’était justement un de leurs douze bébés. Pour les enfants dont elles n’entendent plus parler, les religieuses se servent du prénom qu’elles donnent elles-mêmes à chaque bébé accueilli et elles prient régulièrement pour chacun d’eux en se servant de ce prénom connu d’elles seules.

> Un reportage dOlivier Bault paru le 9 mai 2013 dans l’édition de Varsovie du Petit Journal, le journal des Français et francophones à l’étranger.

Lire aussi :
> L’ONU demande à l’Europe de supprimer ses « boîtes à bébé »

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30 Comments

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  • 0 / 10
  • Fvern , 13 juillet 2013 @ 10 h 34 min

    Toujours pour en revenir à Votre cas, à ce que je vois

  • Magali , 13 juillet 2013 @ 11 h 43 min

    “Il vaut mieux qu il reste orphelin” vous ne savez pas encore que le nombre de couples en attente d enfant depasse le nombre d enfants adoptable? Il faut etre de mauvaise foi apres tous ces debats ou ce n est pas possible!
    Les pays d origine des enfants ne souhaitent pas confier leurs enfants a des couples de meme sexe, mais rassurez vous, nos conseils de famille ici en France se verront sans dout bientot obliges de choisir quelques couples homo pour les bebes de trois mois nes sous x en attente de famille… Sinon quelle hypocrisie non?
    Quant aux femmes dont vous parlez, qui ont deliberemment prive leur enfant d un pere et de ses origines, je ne sais pas quelle sorte de parent elles sont… Pour les adoptions dans un couple d hommes, les enfants etant issus d un precedent mariage (le vrai) ils ont une mere, je ne vois pas comment ni au nom de quoi ils pourraient etre adoptes par le nouveau conjoint masculin…

  • MP , 13 juillet 2013 @ 11 h 55 min

    A voir absolument jusqu’au bout (5mn), pour se faire une meilleure idée de certaines “boîtes à bébé” non tenues par des religieuses, en l’occurence ici en Allemagne :
    http://www.wat.tv/video/boite-bebe-5fwyl_2hop7_.html

  • MP , 13 juillet 2013 @ 11 h 57 min

    A voir absolument jusqu’au bout (5mn), pour se faire une meilleure idée de certaines “boîtes à bébé” non tenues par des religieuses, en l’occurence ici en Allemagne :
    http://www.wat.tv/video/boite-bebe-5fwyl_2hop7_.html

  • MP , 13 juillet 2013 @ 12 h 05 min

    Sur l’Hôpital général de Paris sous l’ancien régime, en fait lieu d’enfermement concentrationnaire des miséreux et des orphelins, tenu par des laïcs “dévots”, en fait sadiques et pervers (en particulier à partir de 56:00, par rapport au trafic d’enfants) :
    * http://www.dailymotion.com/video/xzhx0p_marion-sigaut-conference-a-aix-en-provence-17-avril-2013_news?start=119#.UdYAOvkvngs

    * http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4pital_g%C3%A9n%C3%A9ral_de_Paris

    => Quid de l’assistance publique et des orphelins d’aujourd’hui (nés sous X en particulier), par définition intraçables, puisque personne hormis les institutions en charge de ces enfants n’a de contrôle sur les entrées et les sorties, et personne ne peut plus venir s’en soucier ou les réclamer ?

    * http://www.humanite.fr/node/390344

  • MP , 13 juillet 2013 @ 12 h 15 min

    Sur l’Hôpital général de Paris sous l’ancien régime, en fait lieu d’enfermement concentrationnaire des miséreux et des orphelins, tenu par des laïcs « dévots », en fait sadiques et pervers (en particulier à partir de 56:00, par rapport au trafic d’enfants) :

    http://www.youtube.com/watch?v=Q32D4gk658Q

    http://fr.wikipedia.org/wiki/H%C3%B4pital_g%C3%A9n%C3%A9ral_de_Paris

    => Quid de l’assistance publique et des orphelins d’aujourd’hui (nés sous X en particulier), par définition intraçables, puisque personne hormis les institutions en charge de ces enfants n’a de contrôle sur les entrées et les sorties, et personne ne peut plus venir s’en soucier ou les réclamer ?

  • C.B. , 13 juillet 2013 @ 16 h 30 min

    “vivent déjà dans un foyer homoparental : c’est les conjoints qui adopteront des enfants de leur moité.”
    Et cette adoption fait perdre à l’enfant tout droit à savoir qui sont ses deux parents. Ces deux adultes (un homme et une femme) qui ont conçu cet enfant ont donc sciemment organisé son “orphelinage”?
    La “moitié” qui adopte vole donc à l’enfant la réelle moitié de son ascendance.
    Je subodore que vous avez vécu avec vos deux parents?

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