Une apostasie massive dans le Caucase

La République autonome d’Adjarie fait partie de la République de Géorgie. Elle n’a pas subi l’annexion de facto par la Russie en 2008 parce qu’elle n’est pas contigüe à celle-ci. D’une superficie de 3 000 km², elle comptait 376 000 habitants d’après le recensement de 2002. Elle a une frontière commune avec la Turquie et donne sur la mer Noire. Les Adjares sont ethniquement des Géorgiens. Leur spécificité provenait de leur confession musulmane, car à l’issue de sa conquête par les Turcs ottomans au XVIIe siècle, l’Adjarie est devenue majoritairement islamique. En 1878, elle est conquise par l’Empire russe. En 1991, après la chute du communisme et l’indépendance de la Géorgie, elle fait sécession et jusqu’en 2004, cette République “indépendantiste“ est gouvernée par un oligarque musulman, Aslan Abachidzé, aujourd’hui en fuite.

En 1991, 75% des Adjares étaient musulmans. En 2002, ils sont devenus à 64% orthodoxes (241 000 personnes), et les estimations actuelles portent ce chiffre à 75%. Le métropolite de Batoumi, la capitale, estime que ces conversions ne sont qu’un retour aux sources. Selon ses déclarations, « les Adjares continuaient à porter secrètement une croix. Ils peignaient des œufs de Pâques et ils conservaient des icônes chez eux». L’Église orthodoxe est un pilier de l’identité nationale géorgienne. Le pays a été envahis par tous les voisins, Iraniens, Turcs, et Russes. S’il n’y avait pas eu le ciment de la religion, il n’y aurait plus de peuple géorgien. Périodiquement des politiciens turcs parlent d’un retour de la province adjare au sein de la Turquie.

En fait, le recul de l’islam au profit de l’orthodoxie a commencé dans les années 1950. Le mouvement s’est accentué dès la dislocation de l’Union soviétique avec des conversions encouragées par le gouvernement géorgien qui a médiatisé des baptêmes collectifs dans les rivières. Les musulmans étaient encore 115 161 (31%) en 2002, dont 10% d’origine turque. L’islam reste assez vivace dans les montagnes adjares.

Cette apostasie de masse en Dar al Islam (monde islamique) est unique. Si des conversions individuelles peuvent se produire, il n’y a pas d’exemple, à part les Adjares, d’un peuple musulman se convertissant. On se prend à rêver que les Berbères, et même les arabisés égyptiens, levantins ou mésopotamiens retournent au christianisme de leurs ancêtres. Mais là, c’est une toute autre affaire.

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21 Comments

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  • vu de sirius , 15 avril 2014 @ 16 h 42 min

    Enfin une bonne nouvelle dans une période où celle ci sont rares! (je ne parle pas des élections). A comparer avec la situation de la Tchétchénie, restée dans le giron russe, et où la Charia est désormais de rigueur… je comprends que la Russie ait ainsi en lâchant du lest préservé leur intégrité territoriable, ce n’en est pas moins déplorable!

  • guy lux , 15 avril 2014 @ 16 h 47 min

    Cher Patrick,

    C’est oublier un peu vite quelques conversions massives au catholicisme au 16e siècle;

    Celle des maltais originaires de Libye dont la langue est un mélange d’arabe ifriqiyen, de sicilien et d’italien en alphabet latin. S’ensuit la plus grande victoire contre le turc, 600 chevaliers et 9000 maltais mettent en déroute 40 000 turcs. Aujourd’hui encore Malte est le pays le plus catholique d’Europe avec l’Irlande.

    Celle des andalous et mauresques qui ont préféré se convertir et rester en Espagne plutôt que de partir au Maroc ou en France et rester soumis à l’Islam. Estimé à la moitié de la population de l’Epoque.

    Celle des mêmes; qui passé en France pour y trouver l’asile d’Henri IV se sont installé au sud de la Garonne dans un triangle compris entre Tarbes, Pau et Bordeaux, convertis au bout de 2/3 générations environ, abandonnant leur culte et leurs noms. Ces “gascons” de fraîche date fourniront les gros bataillons des armées d’Armagnac dans les guerres qui feront le pré carré et la France catholique.

    Comme quoi, les conversions tardives des peuples attachés à leur terre donnent des guerriers vaillants et des catholiques fervents…

  • ema , 15 avril 2014 @ 18 h 54 min

    Beau retour à la foi ancestrale de leurs ancêtres du 1er au XVIème siècle environ (cette région était sous influence romaine au début de notre ère.
    Massivement musulmanisés surtout du XVI au XVIII (empire ottoman triomphant).

    @Guy Lux
    Il me semble qui faut nuancer…
    Les Maltais étaient chrétiens (empire byzantin) avant l’arrivée des arabes musulmans,
    Pour les “Moriscos” (donc noms historisques des Musulmans restés en Espagne après la prise de Grenade 1492) et malgré les divers arrangements des souverains catholiques, se sont révoltés – cf notamment ‘les guerres de Alpujarras’ fin XV, ils sont alors éparpillés y compris dans en Aragon, donc le nord, mais les troubles vont reprendre encore plus fort et partout (deuxième partie du XVI) avec recherches d’ alliances avec les ottomans, les barbaresques et mêmes les navarrais protestants…. Certains qui étaient devenus catholiques, ont repris leurs noms musulmans, dont un noble qui menait la sanglante révolte.
    Pour en finir avec cette menace intérieure et extérieur, les “moriscos” ont du quitter l’Espagne sous Philippe III, début XVIIème.
    J’apprends grâce à vous que certains auraient fait souche côté Gascogne. Mais je pense que néanmoins leur nombre n’était pas si important que cela.
    En tout ils devaient peut-être être ravis de se battre contre l’Espagne dans les rangs de l’armée française de Louis XIII ou Louis XIV!
    L’histoire est complexe…

  • Fleur , 15 avril 2014 @ 19 h 01 min

    “On se prend à rêver que les Berbères, et même les arabisés égyptiens, levantins ou mésopotamiens retournent au christianisme de leurs ancêtres. Mais là, c’est une toute autre affaire.”
    Pourquoi pas ? Ces pays furent les premiers christianisés, les premières terres chrétiennes, pour lesquelles de nombreux martyrs ont versé leur sang… Ces saints n’intercèdent-ils pas sans cesse pour leurs descendants ?
    On peut donc rêver (et aussi prier pour hâter le mouvement…) !

  • Kanjo , 15 avril 2014 @ 19 h 32 min

    ce qui complique l’affaire, c’est la durée de l’occupation musulmane. Sur deux ou trois siècles, on arrive à garder discrètement la vraie foi, mais avec le temps, de plus en plus de familles sont constituées d’au moins une personne qui a été élevée dans la fausse religion et y convertira ses enfants.

  • Patrick Canonges , 15 avril 2014 @ 19 h 56 min

    Cher Guy,

    A ma connaissance, les Maltais sont les descendants des puniques de l’île Melita christianisés dès l’antiquité et arabisés (je dis bien arabisés et pas islamisés) comme le furent les mozarabes d’Andalousie demeurés chrétiens.
    En revanche, vous avez raison concernant des groupes (pas des peuples constitués en entier) passés de l’Islam au christianisme après les diverses reconquêtes au Portugal, en Espagne, en Occitanie, en Italie (Sicile).

  • Patrick Canonges , 15 avril 2014 @ 20 h 00 min

    Votre observation est judicieuse. J’y souscris.

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