L’avortement bientôt interdit en Espagne ?

C’est une promesse de campagne du gouvernement actuel qui n’a toujours pas été tenue. Dimanche dernier, des dizaines de milliers d’Espagnols répondaient malgré le froid et la pluie à l’appel des nombreuses organisations pro-vie en défilant dans 47 villes du pays pour demander la loi anti-avortement maintes fois promise par le ministre de la Justice Alberto Ruiz-Gallardón. L’association Derecho a Vivir (Droit de vivre) rappelle que ce sont plus de 300 enfants qui sont tués en moyenne chaque jour (environ 120 000 par an) dans le cadre de la loi actuelle qui autorise les avortements sans raison médicale jusqu’à la 14e semaine de grossesse. Cette quatrième Marche annuelle pour la Vie se déroulait sous le slogan « L’Espagne pour l’avortement zéro. Pour une vie qui n’est pas raccourcie ».

Cela fait deux ans que le Parti Populaire gouverne en Espagne avec la majorité absolue au parlement. Le ministre de la Justice a promis six fois des délais qu’il n’a pas tenus. La dernière fois, c’était pour le mois d’octobre dernier. Aujourd’hui, à défaut de donner une septième date, il affirme simplement que la loi est « imminente » en expliquant que l’avortement est un sujet complexe mais que la loi est très avancée. Comme l’année dernière, les marcheurs de dimanche ont prévenu le gouvernement : ils ne veulent ni de l’avortement du PSOE (le parti socialiste espagnol), ni de l’avortement du PP (le parti populaire du premier ministre Mariano Rajoy). Car avant la légalisation de l’avortement à la demande par les socialistes en 2010, l’exception à l’interdiction d’avorter en cas de danger pour la santé mentale de la femme enceinte permettait tous les abus. C’est cette loi de 1985 qui avait permis au docteur Morín, un gynécologue, de réaliser près d’une centaine d’avortements illégaux et à un tribunal de Barcelone de l’innocenter le 30 janvier dernier avant que la Cour suprême espagnole n’annule récemment ce jugement (le gynécologue encourt une peine de 270 années de prisons). C’est aussi cette loi qui avait fait de l’Espagne la destination européenne des femmes candidates à un avortement tardif.

Cinq activistes de l’organisation Femen ont fait irruption dans la marche madrilène avec la vulgarité et l’agressivité qui caractérisent toutes leurs actions. Elles ont été arrêtées par la police et mises à la disposition de la justice espagnole pour délits de troubles de l’ordre public, dommages matériels, exhibitionnisme et atteinte aux droits fondamentaux et aux libertés publiques (en cherchant à gêner le déroulement d’une manifestation autorisée). Une des féministes « sextrémistes », ainsi qu’elles se qualifient elles-mêmes, est aussi accusée d’avoir porté des coups à une jeune fille qui participait à la marche. Il semblerait donc que ce groupe d’extrême-gauche ne bénéficie pas en Espagne de la même impunité que dans la France socialiste.

Si le gouvernement de Mariano Rajoy n’interdit pas rapidement les avortements dits de confort en Espagne, il pourrait le payer cher aux prochaines élections. Un sondage Metroscopia publié au printemps montrait que 41 % des Espagnols considèrent que l’avortement ne doit être autorisé que dans certains cas bien précis et 10 % que l’avortement doit être interdit dans tous les cas, contre 46 % qui se disent satisfaits de la loi actuelle. Si la société dans son ensemble est donc partagée avec un léger avantage aux anti-avortements, l’électorat de droite est lui plus majoritairement opposé à un droit de tuer. Un sondage commandé il y a quelques mois par l’association HazteOir (« Fais-toi entendre ») sur un échantillon de 1 000 personnes montrait même que 46 % de ceux qui ont voté pour le PP en 2011 déclarent qu’ils ne revoteront pas pour le Parti Populaire si celui-ci persiste à ne pas réaliser sa promesse électorale de restreindre l’accès à l’avortement.

Quelques jours avant la Marche pour la Vie de dimanche, plusieurs célébrités espagnoles, parmi lesquelles des acteurs, des journalistes, des juges et des politiques, lançaient un appel commun et présentaient une nouvelle association, +VIDA, dont le but est de mobiliser les jeunes pour faire prendre conscience à la société de la réalité de l’avortement et promouvoir le droit fondamental à la vie.

Sources : La Gaceta, La RazónEl PaísDroit de naître.

Photo en Une : capture d’écran du site du journal conservateur espagnol La Gaceta

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115 Comments

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  • Apéro 64 , 22 novembre 2013 @ 8 h 27 min

    Au moins les espagnols se posent Des questions sur ces lois absurdes qui n amènent que des souffrances suite finallement le plus souvent à de la négligence mais c est tellement facile d avorter après en plus c est remboursé!!!!!!

  • eric-p , 22 novembre 2013 @ 11 h 10 min

    Ça tombe à pic ! Je vis à Barcelone depuis 2004 et je vais vous donner une impression un peu personnelle
    de ce qui se passe ici:

    J’ai plutôt le sentiment que les gens sont relativement indifférents face à la question de
    l’avortement. L’église catholique s’est peu mobilisée.
    Je n’ai pas été invité à l’occasion de la marche pour la vie mais j’y participerais volontiers
    si on me donnait une date et un lieu.

    Le divorce a été légalisé en 1977 en signe de “modernité” de même que l’IVG avec des restrictions théoriques…qui étaient largement détournées.
    Ainisi, des femmes pouvaient avorter pour “détresse psychologique” à 8 mois de grossesse.
    Je n’ai pas vu beaucoup de manifs contre ces ignominies et, comme le souligne l’article, les praticiens qui ont effectué ces crimes n’ont jamais été condamnés (pour le moment).

    Lorsque le gouvernement du PP est revenu aux affaires entre 1996 et 2004, il n’a strictement RIEN fait pour corriger les âneries du gouvernement précédent socialiste.
    De même, la consommation de marijuana est toujours légale (les revues pro-joints sont toujours autorisées) et les bordels sont toujours ouverts.

    Aux dernières nouvelles, le PP veut restreindre le droit à l’IVG mais le gouvernement a beaucoup de mal à redresser la situation économique du pays. La gauche est prête
    à instrumentaliser ses militants et leur idéologie toxique (Ils considèrent l’IVG comme une liberté, un “progrès social” et les religieux comme des arriérés)
    pour tenter de discréditer encore un peu plus le gouvernement dont la cote de popularité ne vole pas beaucoup plus haut que celle de Hollande (En plus Mariano Rajoy est apparemment impliqué dans des histoires de corruption -Affaire Barcenas,etc…-).

    Je rappelle à tout hasard que 25% de la population active est toujours au chômage
    et que le taux de chômage des jeunes est d’environ 50%.

    Pour couronner le tout, il est possible que le gouvernement Rajoy subisse des pressions de l’U.E. (dont l’idéologie dominante favorise l’IVG) comme elle le fait actuellement sur d’autres Etats comme l’Irlande ou la Pologne.

    Le sentiment religieux en Espagne ?
    Comme partout en Europe (sauf quelques pays de l’Est ?), le sentiment religieux est en déclin, les jeunes ne vont pas à la messe et on reproche à l’église catholique sa “collaboration” avec le régime de Franco ( ce qui est parfaitrement injuste d’un point historique vu que l’église catholique a été victime de persécutions AVANT la guerre civile
    espagnole par les mouvements gauchistes anticléricaux).
    Le nombre de divorces a considérablement augmenté ainsi que celui des IVG.
    De même, le nombre de naissances s’est effondré après la fin du régime franquiste.

    La population a bien tenté de s’opposer au “mariage gay” voté par l’illuminé Zapatero
    en organisant une grande manifestation pro-famille (1 million de manifestants).
    Qu’a répondu le gouvernement ? Que les gens étaient espacés entre eux et qu’il n’y avait
    “que” 300.000 personnes !!!

    C’est un peu la même choses qu’aux USA (qui bénéficient pourtant d’un lobby “pro-life” bien plus puissant).
    Tous les présidents républicains depuis Reagan se sont prononcé contre l’IVG…mais aucun
    d’entre eux n’a pris de mesures sérieuses (notez toutefois quelques mesurettes
    de G.W Bush, toujours ça de gagné !).

    Le combat contre l’IVG sera long et difficile. Il faut gagner le coeur des gens et désintoxiquer
    l’Espagne et l’Europe d’une certaine idéologie libérale et socialiste.
    On finira par gagner ce combat en diversifiant notre stratégie.

  • samovar , 22 novembre 2013 @ 11 h 51 min

    Je pense que les premiers pays qui interdiront l’avortement deviendront par la force des choses (ou plutôt de la nature) les plus dynamiques et les plus “heureux de vivre” ! Si c’est comme en France ou 1 bébé est tué pour 4 naissances, vous imaginez le Baby Boom gigantesque, la baisse du chômage (il faut bien bosser pour nourrir ses petits), l’augmentation de la consommation (Baby 9 etc …), les fêtes, les bons repas en famille pour fêter ça, les cadeaux de Noel qui augmentent de 20% etc … etc …

  • zaan , 22 novembre 2013 @ 12 h 48 min

    Bonjour, vous dites que l’église est en déclin comme un peu partout, mais que ses combats finiront par gagner. en dehors du fait que c’est contradictoire et contre toute logique, vous ne trouvez pas que ça fait un peu fanatique qui se voile la face?

  • zaan , 22 novembre 2013 @ 12 h 54 min

    bonjour, on peut se dire que pour remplacer les vies enlevées par l’ivg il y’a l’immigration en France. cet apport d’actifs ne fait pas pour autant monter le dynamisme et les chiffres de l’emploi. quand il y’a un problème dans l’économie mondiale des solutions locales ne peuvent pas faire grande chose.

  • samovar , 22 novembre 2013 @ 13 h 42 min

    Un bébé qui arrive ce n’est pas la même chose qu’une personne qui arrive avec tous ses a-priori et sa culture venant d’ailleurs, attirée par le miroir aux alouettes appelé “France” !

  • Frédérique , 22 novembre 2013 @ 13 h 43 min

    “Bonjour, vous dites que l’église est en déclin comme un peu partout, mais que ses combats finiront par gagner.”
    L’église n’est pas seule à combattre l’IVG, le mariage homo, la destruction de la famille… La propagande fait du bon boulot en matière de manipulation mentale, mais la réalité est là. Athée jusqu’au bout des ongles, mon entourage de même, mais tous acquis à ces causes.

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