Lech Walesa, héros ou traître ?

Voilà une question qui surprendra le lecteur français. Lech Walesa, leader de Solidarnosc, héros polonais de la lutte contre le communisme, puis premier président démocratiquement élu de la Pologne au début des années 90. Et pourtant…

Une question récurrente

La question revient régulièrement sur le devant de la scène. Dernièrement, c’est le magazine conservateur Uważam Rze qui a fait sa couverture sur « le retour de l’affaire Walesa » à propos de documents de l’ancien « service de sécurité » (SB) communiste sur l’activité de « TW Bolek » (TW pour « tajny współpracownik », c’est-à-dire « collaborateur secret ») qui seraient conservés dans les dossiers classés secrets d’État de la Diète, la chambre basse du Parlement polonais. Des documents qui n’ont finalement pas été retrouvés par les experts de l’Institut de la Mémoire nationale (IPN), l’institution à laquelle ce genre de documents doivent normalement être confiés. Il s’agit d’un dossier qui avait été étudié par une commission parlementaire en 1992 et qui avait fait l’objet de copies et de notes prises par certains des membres de la commission, avant que le dossier ne soit emprunté à deux reprise par le président Lech Walesa puis par le ministre de l’Intérieur pour revenir à chaque fois amputé de centaines de pages contenant les délations de « TW Bolek ».

Il n’est pas aisé en Pologne de parler des faiblesses qu’aurait eues Walesa avant de devenir le héros du syndicat Solidarnosc que nous connaissons. Les historiens Cenckiewicz et Gontarczyk en ont fait l’expérience à leurs frais quand ils ont publié un livre intitulé Le SB et Lech Walesa. Pourtant l’activité d’agent de Walesa entre 1970 et 1976 semble établie. Même s’il faut toujours traiter les documents de l’ancien SB avec beaucoup de prudence, ceux qui n’ont pas été sciemment dérobés ou détruits (certaines opérations de nettoyage ont été menées à bien au changement de régime, opérations dont on accuse notamment un autre personnage célèbre de Solidarité, Adam Michnik, car il a eu pendant de nombreux mois un accès privilégié à ces dossiers du SB et que son journal Gazeta Wyborcza s’est toujours battu contre ce qu’on appelle en Pologne la « lustration », c’est-à-dire le passage en revue des anciens agents et collaborateurs) sont une source d’informations importante et permettent à des gens d’apprendre qui les dénonçaient et ce qu’ils disaient sur leur compte. À l’époque communiste, le recours à ces « TW », ces collaborateurs secrets, étaient un des moyens utilisés par le régime totalitaire pour contrôler ses citoyens. Les gens devenaient « TW » parce que les agents du SB les faisaient chanter, par exemple en les menaçant de dévoiler une relation adultère ou un autre détail gênant de leur vie privée, ou bien par conviction personnelle ou parce que cela pouvaient être source de revenus importants. Lech Walesa aurait ainsi, d’après Cenckiewicz, gagné à un moment donné deux fois son salaire d’ouvrier grâce à ses dénonciations.

Ses anciens amis en sont convaincus depuis longtemps

Certains de ceux qui ont lutté au sein de Solidarnosc aux côtés de Lech Walesa, comme Krzysztof Wyszkowski, son mentor aux tout débuts du syndicat indépendant, ou Anna Walentynowicz (qui a trouvé la mort dans le crash de Smolensk) sont depuis très longtemps convaincus que Walesa collaborait avec le régime, y compris pendant les grandes grèves du syndicat Solidarnosc en 1980-81. Walesa président les a d’ailleurs renforcé dans cette conviction puisque c’est sous sa présidence que la transition a pu se faire en douceur pour les apparatchiks et agents du régime et c’est lui personnellement qui a fait renverser en 1992 le gouvernement de Jan Olszewski, le seul avant celui de Jaroslaw Kaczyński (2005-2007) a avoir tenté une décommunisation du pays, justement parce que le gouvernement Olszewski s’apprêtait à passer au crible tous les anciens agents et « collaborateurs secrets » et que Lech Walesa se trouvait lui aussi sur la liste.

Une justice au service du nouveau régime ?

Récemment, après avoir perdu en première instance, Lech Walesa vient d’obtenir une victoire partielle en appel contre Krzystof Wyszkowski qui l’avait publiquement accusé d’avoir été le fameux « TW Bolek ». En effet, si la cour a considéré que Wyszkowski, en tant que journaliste, avait fait preuve de toute la diligence nécessaire pour étayer ses informations, il n’est cependant pas prouvé que Walesa soit le Bolek en question. Une décision de justice curieuse mais que l’on comprend sans doute mieux quand on sait que la justice polonaise n’a pas elle non plus été décommunisée et que ce sont souvent les mêmes juges, auparavant au service de l’ancien régime, qui rendent aujourd’hui des jugements. Toujours, la justice a semblé rester au service du pouvoir et aucune condamnation sérieuse n’a d’ailleurs jamais pu être prononcée sous la IIIe République, qui a succédé à la « République populaire », à l’encontre des responsables des meurtres commis contre les opposants par les autorités communistes. Voici d’ailleurs une vidéo qui montre bien comment Lech Walesa peut tout se permettre puisqu’on voit, dans un procès contre l’auteur d’un film documentaire sur lui, comment l’accompagnateur de Lech Walesa, qui n’est autre que le président de l’Institut Lech Walesa, frappe d’un coup de poing dans la salle du tribunal le journaliste freelance Ryszard Szołtysik et comment la sortie de Lech Walesa et de l’agresseur est protégée par la police qui refuse de prendre les dépositions des témoins puis refuse de donner le matricule des policiers qui ont protégé la sortie de l’agresseur. Celui-ci ne sera finalement jamais inquiété pour son acte (la vidéo est en polonais, mais les images permettent de voir le déroulement de l’action).

De notre correspondant permanent en Pologne.

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2 Comments

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  • Eryx , 6 mars 2012 @ 13 h 57 min

    Le procès de Vilnius ne risquait pas d’avoir lieu ! Et toujours un parti communiste en Russie ! En France, à la Libération, les communistes ont fait inculper et tuer des innocents !

  • Paul-Emic , 6 mars 2012 @ 18 h 23 min

    je pense qu’en fait tous les renseignements étaient centralisés par les services secrets du Pape et directement communiqués par celui-ci au directeur du KGB grâce à son papatelefono ….

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