La coopération militaire avec la Russie pourrait faire perdre à la France de gros contrats d’armement en Europe centrale

 

Photo Wikimedia Commons : Le Bâtiment de Projection et de Commandement (BPC) Mistral

Ce pourrait notamment être le cas des contrats pour la défense antimissile à courte et moyenne portée dans laquelle la Pologne envisage d’investir 13 Mds $ après avoir pris la décision d’accélérer à cette année le choix du fournisseur en raison du déploiement de missiles russes Iskander-M dans l’enclave de Kaliningrad, capables avec leur portée de 500 km d’atteindre quasiment n’importe quel point sur le territoire polonais, mais aussi du fait de l’annexion rondement menée de la Crimée par la Russie accompagnée de nouvelles provocations russes dans l’est de l’Ukraine, en Moldavie et dans les régions frontalières des pays baltes. En effet, le gouvernement polonais de Donald Tusk, ainsi que je l’expliquais dans cet article, a dû se rendre à l’évidence que l’éventualité d’une attaque russe contre certains pays de l’OTAN, Pologne comprise, n’est pas du tout aussi irréaliste qu’il se l’imaginait. Outre la volonté affichée de renverser la vapeur après six ans de coupes budgétaires dans les budgets de la défense et six ans de reports successifs des décisions concernant l’acquisition de systèmes de défense modernes, par exemple de systèmes antimissiles et anti-aériens de dernière génération pour remplacer la défense anti-aérienne polonaise qui date encore de l’époque soviétique, la Pologne s’efforce aussi d’obtenir une présence militaire américaine conséquente sur son territoire. D’autres pays de la région, comme les Pays baltes ou la Roumanie, exercent d’ailleurs eux aussi des pressions en ce sens. La Lituanie a elle-même annoncé qu’elle allait augmenter ses dépenses militaires dans les années qui viennent en les faisant passer de 0,8 % (!) à 2 % de son PIB, et la Roumanie a pris la décision de remplacer enfin ses antiques MIG-21, certes modernisés, par des F16 d’occasion.

Pour revenir à la défense antimissile polonaise, celle-ci doit assurer la défense

Photo Wikimedia Commons : Missiles Iskander russes sur un véhicule lanceur

du territoire polonais contre les missiles d’une portée inférieure à 1000 km tandis que la défense contre les missiles de portée supérieure sera assurée par le bouclier antimissile de l’OTAN en cours de déploiement. Il s’agira donc pour la Pologne d’acheter 8 batteries antimissiles à moyenne portée et 19 à courte portée, ainsi que les systèmes de détection et de communication qui vont avec. Des contrats portant sur une valeur double de celle des quarante-huit F16 américains en service dans l’aviation polonaise depuis 2006. Parmi les cinq concurrents  encore en lice, il y a, outre les systèmes Patriot et MEADS américains les missiles Aster français. Il semblerait néanmoins, d’après le quotidien conservateur Gazeta Polska Codziennie, que le gouvernement polonais ne ferait pas confiance à l’offre française en raison de la coopération militaire entre la France et la Russie. Ces mêmes missiles Aster auraient été dans le passé proposés à la Russie et la France est en passe de livrer à ce pays deux navires porte-hélicoptères d’assaut de classe Mistral avec transfert des technologies. Deux autres navires du même type doivent être construits dans les chantiers navals russes. Comble du comble, les deux navires livrés par la France porteront les noms de Vladivostok et… Sébastopol ! Rien ne garantit donc à la Pologne que la technologie des missiles Aster pourrait ne pas être parfaitement connue de l’attaquant potentiel contre lequel ces missiles seraient censés la défendre. La Géorgie avait eu le problème avec ses drones israéliens en 2008 car les codes de ces drones auraient paraît-il été vendus par Israël à la Russie. C’est pourquoi l’offre israélienne de systèmes antimissiles sera elle aussi probablement exclue et il est vraisemblable que la Pologne choisira des systèmes américains, et ce d’autant plus qu’elle pourrait devenir partenaire du programme MEADS aux côtés des États-Unis, de l’Allemagne et de l’Italie.

Quant à la politique française vis-à-vis de la Russie et de ses alliés de l’OTAN, n’est-il pas extrêmement curieux que la France, qui livre ses technologies militaires à la Russie, propose parallèlement d’envoyer des avions Rafale patrouiller le ciel des Pays baltes pour les protéger contre une éventuelle agression russe ?
Rappelons que le commandant en chef de la marine russe lui-même avait déclaré après l’invasion en 2008 de la Géorgie que des bâtiments du type Mistral avaient alors cruellement manqué à la Russie.
Et que penser de l’aspect commercial d’une opération par laquelle la France, quatrième exportateur d’armements dans le monde, vend ses technologies au deuxième plus gros exportateur ?

L’image de la France n’en sort pas grandie dans les pays de l’ex-bloc de l’Est.

 

 

Du même auteur :

La volte-face atlantiste du premier ministre polonais Donald Tusk

L’illusion russe

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38 Comments

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  • Miguel Quallari , 12 avril 2014 @ 17 h 12 min

    Mouais… Si les pays de l’Est, au premier rang desquels la Pologne, n’avaient pas snobé l’industrie française – et même européenne – de l’armement pour ouvrir si grand ses bras à Mickey, manifestant un mépris inique pour la famille qui les accueillait, ce genre de considération n’aurait certainement pas lieu d’être…

  • Goupille , 12 avril 2014 @ 18 h 26 min

    Tous ces gouvernements sont des fantoches manipulés par l’OTAN. Ils ont vendu leurs peuples au machin pseudo-européen, leurre pour la puissance militaro-industrielle yankee.

    Il s’agit maintenant de savoir ce que l’on préfère : l’Eglise orthodoxe ou le pullulement des sectes mystiques-gazeuses éventuellement satanistes, les zakouskis ou les macdos pré-mâchés et graisseux, Tchekhov ou les comic-stips, Alexandre Sokourov ou les films catastrophe manichéistes débiles, etc, etc.
    Bref, choisir entre notre culture et la connerie épaisse, ampoulée, satisfaite d’elle-même et distributrice de leçons et de gnons.

    C’est un peu caricatural ? D’accord, d’accord. Chacun son tour.
    C’est encore un Yankee qui vient d’accuser la France de complicité dans le génocide rwandais. Ces pourris osent tout quand il s’agit de s’approprier l’Afrique.

    A part cela, on pourrait peut-être se demander pourquoi la France ne brille que dans le commerce de ce qui ne sert qu’à pas grand’chose, ou au pire : le luxe, ou les armes et le nucléaire.
    Le premier s’évapore. Les autres nous retomberont forcément sur le nez.

  • Smarties , 12 avril 2014 @ 18 h 52 min

    Tous ces armements sont obsolètes.

    Lisez déjà paru dans les années 2000, le livre “OVNI et armes secrètes américaines”, qui contrairement à son titre, ne parle pas du tout d’OVNI, mais bien d’armements… pour avoir une petite idée de ce qui est en jeu.

    Poutine vient de réaliser l’Anschluss avec la Crimée, mais aussi avec les 3 provinces de l’Est de l’Ukraine semble-t-il, ainsi que l’annexion de l’Abkhazie et de l’Ossétie du Sud.

    La Chine est aujourd’hui alliée avec la Russie ainsi qu’avec l’Iran et depuis 10 ans la Chine se dote d’une armée pour supplanter les USA, ce qu’elle est en passe de réussir très rapidement.

    Des armes spatiales proliférantes commencent donc à arriver aux USA, en Russie, en Chine, en Iran, des armes qui rendent la bombe atomique totalement obsolète.

    Alors que les pressions sur les ressources naturelles permettent à certaines puissances (Russie, Iran etc.) d’accroitre plus encore la mise sous tutelle de ceux qui ne possèdent pas ces ressources (Europe etc.).

    Pendant ce temps et plus encore en cas de guerre, toutes les centrales atomiques présentent une vulnérabilité mortelle pour l’espèce humaine dans son ensemble.

    Nous vivons un paroxysme d’entropie sur terre.

    Alors, plus que les armes, il faut considérer que l’Europe doit maintenant gagner sa complète autonomie énergétique, en privatisant l’énergie, en arrêtant immédiatement les centrales atomiques et en laissant le secteur privé développer notamment des centrales solaires thermique de production continue d’électricité ou encore des houlomoteurs de production continue d’électricité, ainsi que des barrages électriques nanotechnologiques partout où c’est possible en Europe, ou encore faut-il si ce n’est supprimer les brevets, du moins réformer les brevets pour que le biopétrole d’origine solaire puisse être plus librement et plus intensivement développé par le secteur privé.

    L’indépendance énergétique et l’arrêt immédiat des centrales atomiques pour pallier la guerre, est une clef.

    Ensuite, il ne faut pas restaurer le service militaire, mais il faut instaurer une armée citoyenne de milices, comme elle existe en Suisse.

    Une armée de citoyens soldats, qui ainsi ne couterait rien à entretenir et qui permettrait d’assurer la sécurité intérieure à la place de la police, s’il fallait envoyer les soldats et policiers sur un front extérieur.

    Il faut donc que les policiers puissent être aussi intégrés à l’armée, pour faire double fonction en cas de besoin.

    Il faut que les citoyens puissent assurer la police par les armées de milices citoyennes et que les policiers puissent être engagés comme soldats sur un front en cas de besoin…

    Il faut faire cela partout en Europe.

    Il faut donc instaurer la proportionnelle intégrale, préalable à l’armée de milices.

    Ensuite, si Poutine s’obstine à ne pas comprendre que la Russie appartient à la civilisation Occidentale, alors, puisque la Chine n’a pas de ressources naturelles, l’Europe pourrait passer un accord avec la Chine pour prendre les ressources naturelles de Russie et nous les partager entre l’Europe et la Chine.

  • Smarties , 12 avril 2014 @ 18 h 56 min

    La Chine, alliée à la Russie et à l’Iran, déclare ouvertement dans les médias nationaux en chinois, qu’ils auront annexé l’Afrique avant 2050.

    Pour cela, la Chine veut revenir sur la politique de l’enfant unique pour déclencher la guerre démographique de colonisation.

    La Russie développe un bombardier en commun avec la Chine, un bombardier possiblement spatial, la Russie et la Chine s’échangent des sous-marins et la Russie livre à l’Iran la bombe atomique, en association avec la Chine.

    Vous fantasmez donc une Russie qui n’existe pas, une Russie qui vient pourtant de réaliser l’Anschluss avec la Crimée, comme un certain Hitler avec l’Autriche, alors que les français à ce moment là, disaient aussi que tout allait bien se passer et qu’Hitler n’irait pas plus loin que l’Autriche…

  • Rapadian , 12 avril 2014 @ 19 h 15 min

    Tiens, revoilà le gugusse à l’enthropie et ses élucubrations.
    Au fait, où sont les deux ou trois milliards de morts annoncés suite à la manutention des barres de Fukushima par Sepco ?
    On attend toujours, professeur Nimbus.

  • patrick Canonges , 12 avril 2014 @ 19 h 17 min

    La crise criméenne a eu au moins un côté positif, qui aurait ravi de Gaulle, à savoir que laisser la sécurité de l’Europe aux USA est très risque depuis la chute du communisme. On voit bien aujourd’hui que l’Amérique est complètement indifférente à la finlandisation de l’Ukraine qui est en train de se matérialiser. Pourquoi cela? Parce que la Russie débarrassée (pense-t-elle) du communisme et donc d’une ambition impérialiste, n’est plus un danger.
    Que le but de Poutine soit d’empêcher l’émergence d’une Europe-puissance est une évidence. L’incapacité des pays européens qui comptent d’adopter une politique commune et résolue risque de se payer très cher. L’incohérence est reine en ce domaine. La France se fait l’arsenal de la marine russe. La Grande-Bretagne se fait le banquier de la Russie, l’Allemagne son fournisseur de technologies. Et pour couronner le tout, on se rend dépendant sur le plan énergétique.
    Préférer la Russie à la Pologne, aux pays baltes, à l’Europe centrale, c’est un choix. Calamiteux comme tous les choix faits depuis des décennies, dans tant d’autres domaines.

  • colargol , 12 avril 2014 @ 22 h 10 min

    L’Europe de l’est n’est pas encore un des endroits où la France fait ses gros contrats d’armements. Le marché de l’armement y est même inexistant pour le moment, la crise ukrainienne venant juste de changer la donne et de réveiller les gouvernements européens de leur léthargie en matière de défense.
    A part un éventuel marché de missiles antiaériens/antimissiles en Pologne, il n’y a rien d’autre à l’horizon.

    En revanche, si le gouvernement français ne respecte pas son contrat de vente de deux Bâtiments de Projection et de Commandement, comme la marine nomme les porte-hélicoptères, à La Russie, les clients du Moyen-Orient ou d’Asie y regarderont à deux fois avant de signer un contrat avec la France.
    Quant aux technologies militaires livrées par la France avec ces deux BPC, il s’agit de systèmes de communication qu’effectivement la Russie ne savait pas fabriquer. Idem pour les deux autres BPC qu’elle souhaitait construire chez elle. Cela a de très grosses chances que cela ne se produise pas par manque de savoir-faire.
    De toutes façons, si la Russie veut envahir l’Ukraine, elle n’a pas besoin qu’on lui livre le Vladivostok et le Sébastopol pour le faire.
    La France en revanche, doit passer pour un constructeur qui respecte ses engagements auprès de ses clients.
    Si la Pologne veut acheter des Aster 30 pour avoir des missiles de qualité et ne pas mettre tout ses oeufs dans le même panier étatsunien, elle le fera.

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