Et si Fillon disait vrai ?

Fillon

Un événement s’est produit le dimanche 27 novembre 2016. Le candidat qui a été désigné par les deux tiers des électeurs de la primaire de la droite et du centre propose aux Français un projet dont l’orientation est clairement libérale et conservatrice. C’est du jamais vu. Cela paraissait tellement impossible que jusqu’à quelques encablures du premier tour de scrutin, François Fillon était loin derrière Alain Juppé et Nicolas Sarkozy.

Il y avait le technocrate sérieux qui allait l’emporter pour rétablir le chiraquisme, c’est-à-dire une politique radicale-socialiste faite de demi-mesures et de compromis propre à pérenniser l’immobilisme et à poursuivre le déclin du pays. L’ancien Premier Ministre de Jacques Chirac allait certes afficher la fermeté, mais droit dans ses bottes, et donc bien incapable d’avancer, il allait maintenir notre Etat-Providence ruineux en réduisant un peu la voilure, persévérer dans une politique internationale conformiste, et surtout rejoindre la gauche dans le discours suicidaire qui fait reposer de façon absurde notre identité sur la diversité. La guerre déclarée au Front National et une conception de la laïcité aussi ouverte à l’islam qu’ignorante de cette religion renvoyaient évidemment tous les électeurs attachés à notre identité vers une opposition de droite. De même, son insistance à défendre les prétendues avancées sociétales, comme l’avortement ou le mariage unisexe, ne pouvait que révulser l’électorat conservateur. Juppé, c’était la droite à laquelle nous sommes habitués, c’est-à-dire une gauche avec vingt ans de retard et quelques mesures économiques positives que la gauche pratique d’ailleurs dans les pays où l’idéologie ne la rend pas stupide, c’est-à-dire à peu près partout, sauf en France.

Il y avait le bonimenteur de talent qui voulait pour la troisième fois séduire l’électorat de droite tout en balançant son discours par quelques propositions d’équilibre. Mais le tour était connu : à droite toute, tout en préférant les socialistes au Front National, et puis après l’élection, un virage à gauche pour faire plaisir à Carla. L’artiste avait perdu ses souffleurs. Ses revirements sur la loi Taubira lui ont aliéné les électeurs issus de « la Manif Pour Tous », et le soutien de sens commun. Sans Buisson pour la hauteur de vue et la dimension historique, ses pas vers la droite étaient maladroits. Sans Guaino, et ses citations marquantes, la corde lyrique aux tonalités de gauche était rompue. Alors, on a eu les Gaulois pour tous, et la deuxième ration de frites à la place du jambon pour les musulmans. Les spectateurs se sont lassés, ont pesé le bilan, ont redouté que l’acteur soit arrêté en pleine représentation, et ont voulu éviter une réédition de 2012. Nicolas Sarkozy n’a pas dépassé le 1er tour. Alain Juppé a été écrasé au second.

Sauvé des eaux noires des élections de l’UMP, fin 2012, qui avaient étalé les rivalités féroces et les tricheries, nouveau Moïse, François Fillon brandit aujourd’hui son projet comme les tables de la loi. Il a ridiculisé son adversaire de 2012 Jean-François Copé réduit à 0,3% des voix au premier tour et atteint au second une avance sur Juppé qui lui assure une légitimité inédite. Il va en user pour réorganiser le parti Les Républicains afin d’en faire l’instrument décisif de sa campagne. Un gaulliste ne peut que déplorer le retour des partis, mais en remarquant qu’ici, le « patron du parti » a bel et bien été écarté par les votants et que c’est celui qu’ils ont désigné qui va y prendre le pouvoir.

La grande question est de savoir si François Fillon va maintenir sa volonté d’imposer son programme « radical » à la France, ou s’il va l’édulcorer. Ses propositions ont séduit une part de l’électorat qui a été très motivée de voter en sa faveur. Mais cette part n’est pas majoritaire dans le pays et se trouve même jugée peu représentative. Les spécialistes estiment donc qu’il va devoir faire des compromis, recentrer son projet pour le faire accepter par les partisans de Juppé, et plus encore par ceux de Bayrou, tentés par d’autres alliances. Une telle orientation révélerait que Fillion est un habile tacticien qui change de stratégie à chaque nouvelle bataille : à droite toute, mais sans populisme pour séduire l’électorat de la droite classique ; au centre pour le premier tour, afin d’éviter une coalition de centre-gauche avec Bayrou et Macron ; et, pourquoi pas, quelques inflexions de gauche au second tour contre Marine Le Pen.

Cette hypothèse réjouit les commentateurs du microcosme qui considèrent la politique comme un jeu. Ils sont payés pour en expliquer les finesses au grand public. On peut cependant espérer que François Fillon, dont la personnalité, à la fois chaleureuse et placide, est assez rare en politique, surprendra aussi sur le fond en appuyant sa démarche non sur les calculs électoraux, mais sur le Bien Commun. Son projet n’est pas destiné à plaire à des secteurs ou à des groupes de pression. Il est destiné à redresser le pays par une rupture nette avec les erreurs et lâchetés accumulées depuis quarante ans. Puissent les Français, dans ce cas, dépasser leurs intérêts particuliers ou corporatistes pour suivre un panache que certains jugent trop blanc, mais dont la France a objectivement le plus grand besoin.

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18 Comments

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  • TUTTBULL45 , 3 décembre 2016 @ 11 h 59 min

    @jacky4556
    Que dieu (le notre) vous entende…Mais la politique, politicarde, politicienne, et les pouvoirs de l’argent, sont hélas plus forts que le sens commun.Mais il en faut “UN”, et il faudrait que ce soit celui-la, car la démolition en cours, est de plus en plus
    rapide.Ce n’est pas gagné…

  • François2 , 3 décembre 2016 @ 12 h 51 min

    Le seul problème capital, c’est que Fillon n’a pas annoncé les deux premières mesures de survie (annoncées comme telles par le journaliste du Point, Jean Schmitt, en 1986, donc il y a 30 ans) :
    – IMMIGRATION ZERO;
    – FRANCISATION ZERO (tapez avec guillemets).

  • jacky , 3 décembre 2016 @ 15 h 47 min

    François Fillon , c’est l’homme du traité de Lisbonne, et il ne saura pas davantage faire valoir les intérêts français face aux élites berlino-bruxelloises qu’il ne saura imposer la France historique dans ces quartiers qui ont fait sécession.

    Rappelez-vous : il est le seul Premier ministre de l’histoire de la Ve République à avoir inauguré une mosquée. Ce moment symbolique a eu lieu à Argenteuil en 2010. Même Sarkozy s’en était moqué.

    FILLON est et reste un faux « trangressif », un faux souverainiste, un faux identitaire, mais un vrai hypocrite , n’en doutez pas .

    FILLON ne propose aucunement de remettre en cause les points clefs qui sont la cause de nos problèmes .
    – Avez-vous entendu Fillon expliquer que nous avions un problème avec l’euro ? NON
    – Avez-vous entendu Fillon expliquer que nous avions un problème avec la mondialisation et les délocalisations devenues totalement iniques pour la France ? NON
    La mondialisation reste un marché de dupes dans lequel nous nous faisons couillonner dans les grandes largeurs sans rien faire et en contemplant nos usines fermer et nos emplois disparaître !
    – Avez-vous entendu Fillon expliquer que nous avions un problème avec l’Union européenne qui détient tous les volets de pouvoir en particulier législatifs ? NON
    – Avez-vous entendu Fillon expliquer que nous avions un problème avec l’exercice de notre souveraineté, de respect de nos frontières, ou encore de choix de guerre ou de paix en étant désormais intégrés à l’Otan ? NON
    – Avez-vous entendu Fillon expliquer que nous devions peut-être sortir de l’OTAN et ne plus être inféodés aux intérêts US au détriment des nôtres ? NON
    – Avez-vous entendu Fillon parler du dumping fiscal ou social des autres pays ? NON
    – Avez-vous entendu Fillon expliquer les dangers du totalitarisme marchand et des multinationales qui confisquent la démocratie et les leviers de pouvoir à leur profit et contre les peuples ? NON
    – Avez-vous entendu Fillon parler des banques ou des mécanismes de création monétaire ? NON

    NON, Fillon reste avant tout un pur produit du système , un mondialiste européiste indécrotable qui ne fera que prolonger la lente agonie du peuple qui vit encore ….
    Tout cela n’est qu’un grand mirage , un marché de dupes dans lequel nombre de citoyens vont encore se laisser enfermer et berner .

    François Fillon n’est pas la solution pour redresser la France.
    Il jouera, au mieux, un rôle d’anesthésiant avant le grand chaos.

  • JSG , 4 décembre 2016 @ 11 h 25 min

    Depuis Charles de Gaulle, je ne me rappelle pas d’un score aussi net.
    Quand au conservatisme dont on nous rebat les oreilles, est-ce être conservateur que de reconnaître ce qui est ? faire respecter notre passé, l’assumer, être conscient que le passé conditionne notre avenir, et que l’oublier n’est pas viable pour une société. Toutes celles qui ont renié le leur, n’ont eu de durée que celle de leur promoteur, pour se terminer dans un bain de sang.
    Alors, tous, vous pouvez critiquer, vous seriez mieux inspirés à trouver meilleure solution.

  • jacky , 4 décembre 2016 @ 15 h 10 min

    JSG , je ne vous connais pas mais je me permets de vous faire cette réponse :
    Arrêtez de vous bercer d’illusions .
    Déjà , votre introduction : ” Depuis Charles de Gaulle, je ne me rappelle pas d’un score aussi net ” ;
    cette affirmation n’a aucun sens dans la mesure ou cette consultation ne faisait appel qu’aux soutiens d’une certaine droite ; seul 10% du corps électoral s’est exprimé ce qui ne présume en rien de la suite . De plus , rien de tel n’existait du temps de l’UDR ou du RPR du grand Charles , donc , désolé mais on ne peut faire aucun parallèle avec d’autres consultations .
    Aujourd’hui , LR n’est plus un parti mais un rassemblement ( ex UPM ) incluant Parti Chrétien Démocrate , Centre National des Indépendants et Paysans ( CNIP ) , Parti Radical , UDF , autant dire “l’auberge espagnole”.
    Donc , les querelles de personnes et d’ego y feront toujours subsister les divisions .
    C’est mon avis et je n’en attends plus grand chose .
    Je souscris tout à fait à votre affirmation qu’il faut tirer toutes les leçons de nos expériences passées pour préparer un futur viable pour tous . A cet effet , voici une citation que j’ai fait mienne et qui m’aide souvent à faire mes choix :
    ” Seul ceux qui ont la mémoire longue sont capables de penser l’avenir ” ( Nietzsche )
    En attendant , un renouveau ne peut éclore qu’à partir de racines bien établies ( durée ) mais sûrement pas de fleurs déjà fanées ( ceux qui ont trempé de près ou de loin dans tous nos échecs ) .

  • jsg , 4 décembre 2016 @ 22 h 12 min

    Jacky,
    OUi, admettons, mais alors qui proposez-vous ? MlP elle ne propose rien contre l’invasion musulmane et ses exces. Elle a raté son tour, pour trop d’ambition personnelle, après avoir comme son père écarté des gens brillants. Sa nièce par exemple, Le FN est toujours une épicerie qui ne raliera pas la masse en cas de coup dur; Fillon, si, désolé.
    Quant à Charles de Gaulle, même si le contexte électoral n’est pas le même, ce que j’avais remarqué, l’ambiance est la même, je le sais pour l’avoir vécu ! et vous ?

  • Gaudin , 5 décembre 2016 @ 17 h 48 min

    Nous sommes au pied du mur. Nous n’avons pas le choix dans un pays où 50% votent “naturellement” à gauche. Si Fillon est accepté par ce genre d’électeurs emboîtons le pas sans trop se poser de questions. Il faut reconstruire le pays. Le catholicisme EST un bon départ, la famille aussi, elle qui a été laminée par la gauche. Nous serons comme des rugbymen dans un pack, pousser sans comprendre mais de toutes nos forces pour gagner. Courage, on les aura. G.

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