Y a-t-il encore un peuple français ?

Y a-t-il encore un peuple français ?

Les Suisses viennent de rejeter massivement, à 77%, la proposition d’un revenu universel appelé Revenu de Base Inconditionnel, qui aurait permis à tout citoyen helvétique et à tout étranger résidant en Suisse depuis cinq ans de percevoir 2500 Francs suisses (2250 euros), les mineurs se contentant de 650 FS. Deux remarques s’imposent : d’abord, une fois encore, il faut saluer la démocratie suisse et ses votations organisées obligatoirement lorsque le nombre des signatures dépasse la barre fixée soit pour refuser une loi votée par le Parlement, soit pour soutenir une initiative populaire fédérale, c’est à dire une nouvelle loi proposée par des citoyens. Ici, l’initiative venait d’un collectif qui se disait apolitique, mais qui avait le soutien des Verts. En second lieu, la large majorité dégagée prouve que malgré les différences marquées entre les Suisses sur les plans linguistique ou confessionnel et le caractère confédéral du pays, il y a un peuple suisse, puisque la totalité des cantons a voté non. Les Suisses sont fiers de leur identité qui repose sur la religion du travail, et du travail bien fait. C’est ce qui leur assure des performances économiques et un niveau de vie exceptionnels pour un pays dépourvu de richesses naturelles : l’opposé absolu du Venezuela socialiste où l’argent du pétrole a finalement ruiné le pays en détruisant la production locale au profit des importations. Les Suisses sont un peuple adulte qui a l’habitude d’être consulté et qui, le plus souvent, répond avec bon sens aux questions qui lui sont posées, lesquelles ne remettent nullement en cause le gouvernement, et sont débattues avec le temps et les informations nécessaires. Rien à voir avec les référendums français où les questions reviennent à plébisciter ou à rejeter le pouvoir en place. C’est la raison pour laquelle les gouvernements les craignent et n’hésitent pas à les contourner. En revanche, les citoyens suisses lorsqu’ils votent contre le RBI, l’augmentation des impôts des riches, ou l’allongement des congés légaux expriment une conception politique intéressante : ils choisissent l’intérêt global du pays, sa compétitivité, son attractivité, d’abord parce qu’ils sont capables de comprendre que tous les Suisses en bénéficieront, alors que les avantages immédiats obtenus par certains  pourraient induire un appauvrissement général. Ensuite, cela signifie  implicitement que chacun est responsable de sa vie. C’est l’effort de chacun qui contribue à la prospérité de tous.

La comparaison avec la France est humiliante. En premier lieu, notre pays n’est pas une démocratie, mais une oligarchie qui méprise un peuple qu’elle juge ignorant, et qui le craint. On lui demande uniquement de choisir entre les professionnels politiques de gauche qui précipitent le pays régulièrement dans le marasme par démagogie et incompétence, et ceux de la prétendue « droite » qui réduisent la politique à une robinetterie économique et font preuve d’une lâcheté constante dès qu’ils reviennent au pouvoir. En second lieu, ce grand peuple chargé d’histoire, qui de Bouvines à Verdun, en passant par Denain et Valmy avait inventé la Nation, c’est-à-dire un peuple conscient d’un grand destin, n’existe plus. Pour qu’il y ait une démocratie, comme l’indique l’étymologie du mot, il faut qu’il y ait un peuple. Or deux constats et une question s’imposent : d’abord, les Français ont une attitude exactement opposée à celle des Suisses. En France, c’est chacun pour soi, et l’Etat pour tous. L’idée d’un revenu universel de base aurait l’aval de 51% (Sondage BVA) des Français. La solidarité dont on pourrait bénéficier sans effort personnel  séduit chez nous évidement plus à gauche ( 74% pour) qu’à droite (59 % contre), ce qui prouve que contrairement à ce que pensent les benêts, ces notions de droite et de gauche désignent une réalité. La situation actuelle renforce cet état d’esprit national. Les appels à la solidarité face aux inondations sont considérés par les opposants à la loi El Khomry comme un moyen hypocrite de faire cesser des conflits.  Revendications catégorielles, et crainte de perdre des avantages voire des privilèges, passent avant tout. La méfiance envers le pouvoir, envers l’entreprise, l’obsession des droits acquis, même lorsqu’ils nuisent au bien commun de la Nation prédominent dans notre pays.

Un mauvais esprit dirait, en revanche, que dans cette attitude réside précisément notre identité. Curieuse identité que celle qui détruit un pays et le fait chuter inexorablement sur le plan économique au point que le monde entier le regarde aujourd’hui avec commisération, que les touristes hésitent davantage à y venir, que les investissements étrangers reculent et que les sièges d’entreprise renoncent à y être implantés. A court d’arguments sérieux pour faire cesser les grèves, le Président Hollande brandit maintenant celui qu’il juge le plus opérant : les perturbations dans les transports vont gêner l’accès des spectateurs aux stades pour « l’Euro 2016″ (article L’Equipe). La prédiction de Tocqueville se trouve entièrement vérifiée. Le nouveau despotisme est arrivé : « il aime que les citoyens se réjouissent pourvu qu’ils ne songent qu’à se réjouir ». Le grand dessein national est que la compétition de football soit un succès populaire, que les  » fans zones » soient remplies, fût-ce au détriment de la sécurité, que les supporters puissent vivre pleinement leur passion. Grévistes contre amateurs de football : où est donc passé le peuple français ? Où est passée la grande Nation ?

Max Gallo cite une confidence du Général de Gaulle à Jacques Foccart : « je fais croire que la France est un grand pays… il n’en est rien. La France est une nation avachie… elle est faite pour se coucher, elle n’est pas faite pour se battre. » Depuis un demi-siècle, la France a changé. Beaucoup de Français ne le sont que sur le papier. A l’égoïsme « gaulois », s’ajoutent les communautarismes parfois hostiles à un pays où ils songent surtout à revendiquer de nouveaux droits. Cette pente est-elle irréversible ? Le peuple français a-t-il quitté l’Histoire entre 1918 et 1940, paru y revenir en 1958, pour se dissoudre aujourd’hui définitivement ? Il y a des politiciens qui ne posent pas cette question et se contentent de vivre à la charge du mourant et il y a ceux, qui étaient à Béziers notamment, qui veulent que la France renaisse. Peut-être n’est-il pas trop tard, mais cela demande non un changement de majorité, mais un renversement du système.

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6 Comments

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  • alienor , 10 juin 2016 @ 9 h 00 min

    excellent article, et qui fait peur 🙁

  • parfenoff , 10 juin 2016 @ 10 h 57 min

    Un changement de système est effectivement impératif , la priorité étant évidemment d’éradiquer les gouvernants actuels qui ne sont que des fossoyeurs de notre Patrie .

  • Régis , 10 juin 2016 @ 17 h 10 min

    Excellent article en effet.
    Je voudrait revenir sur le revenu universel. Tel qu’il était présente en Suisse il est fort logique qu’il ait été refusé.
    Cependant travaille différemment il pourrait simplifier bien des choses
    En partant le montant serait non pas de 2250€ mais de 1250€, à partir de l’âge de 18 ans, réserve aux nationaux. Il sera imposable en fonction du revenu global.l’allocation ne sera pas donnée aux revenus dépassant les 180000€ bruts annuels. Bien sûr l’octroi de la nationalité française aura été corrigé avant. Contrôle biométrique pour les bénéficiaires.
    Suppression de toutes les allocations : chômage, rmi,cmu, allocations familiales, retraite etc.
    Cela fera économiser des milliards de prestations familiales dues au regroupement familial , et aux diverses fraudes aux allocations chômage, rmi etc.. Et coupera l’envie a de nombreux candidats à l’Eldorado allocataire de venir en France.
    De plus cela fera beaucoup moins de fonctionnaires liés à ces allocations, et les postes libérés seront tout ou en parti réaffectés aux forces de l’ordre et à l’armée, et services de santé.

  • Droal , 12 juin 2016 @ 9 h 04 min

    Cette parole de De Gaulle est à tempérer par une autre phrase du même qui disait le 12 septembre 1966, à Alain Peyrefitte :
    « L’État est fait pour stimuler les citoyens, et le Président est fait pour stimuler l’État.

    Les Français sont UN PEUPLE FORT, mais ils ne le savent pas. Ils peuvent surmonter leurs difficultés, relever les défis, faire des bonds en avant. Mais ils n’y croient pas, tant qu’on ne les en a pas convaincus. Ce sont des déprimés permanents. C’est le rôle du Président de la République de les sortir de là, de leur faire sentir leurs capacités, de leur donner confiance en eux-mêmes, pour les amener à organiser leur existence de manière qu’ils puissent donner le meilleur d’eux-mêmes. »

    Peuple FORT, puisqu’il a survécu – notamment – à une guerre de « cent ans », cinq ans de Terreur non stop, deux guerres mondiales espacées de seulement 21 ans dans la première moitié du 20ème siècle.

    En dix ans, de 1958 à 1968, la France est recrée comme un seul homme, voire comme une seule femme, voire les deux.

    Après le peuple juif, le peuple français est le peuple le plus fort de la planète et sous le rapport « féminin », le plus fort. En ce sens que les Juifs c’est LE PEUPLE par excellence et les Français LA NATION par excellence. André Frossard, chroniqueur au Figaro disait que c’était les deux peuples qui avaient le plus de morts sous leurs pieds.

    La question est : « Y a-t-il encore un peuple français ? ».

    La réponse est : « OUI. » C’est d’ailleurs ce qui fait hautement chier le Gouvernement mondial.

    Lorsque le 29 mai 2005, le PEUPLE français – et lui seul – dit NON à la constitution €uropéenne à hauteur de 55%, c’est la fin des haricots pour ces messieurs zé dames de chez €urope du saint Fric exposé. Nicolas, décide donc d’invalider le peuple français, par le traité de Lisbonne, grâce à ses copains zé copines du parle & ment réunis chez Versailles.

    Actuellement on a Machin, très bien secondé par Truc et Bidule qui se sont bien organisés avec Tartempion. Tartiflette est là qui tient la chandelle. C’est la Sainte famille…

    Dernière parole du Général adressée aux Français juste avant le référendum de 1969 : « Votre réponse va engager le destin de la France, parce que, si je suis désavoué par une majorité d’entre vous, solennellement, sur ce sujet capital et quels que puissent être le nombre, l’ardeur et le dévouement de l’armée de ceux qui me soutiennent et qui, DE TOUTE FAÇON, détiennent l’avenir de la patrie, ma tâche actuelle de chef de l’État deviendra évidemment impossible et je cesserai aussitôt d’exercer mes fonctions. »

    La guerre entre les Charles & les Charlies n’est pas finie.

    Loin de là.

  • aixois , 13 juin 2016 @ 11 h 39 min

    Cette phrase du Gal de Gaulle citée par M. Gallo me semble vraie, malheureusement. Pour que ce pays gagne, il lui faut des CHEFS compétents dans tous les domaines, politique, économique, diplomatique. Or aujourd’hui ce n’est pas la compétence qui commande les choix, c’est le copinage.
    Vous dites “Peut-être n’est-il pas trop tard, mais cela demande non un changement de majorité, mais un renversement du système.”
    Comment renverser le système? Certainement pas en votant pour les mêmes. Alors faut-il confier le destin de la France au Front national?
    L’apparition des partis populistes en Europe (peut-être aux USA) montre que le SYSTEME est rejeté par la plupart des peuples, la France n’est pas la seule à se rebeller, mais elle peut montrer une nouvelle voie. 2017 sera la dernière chance.

  • JSG , 16 juin 2016 @ 14 h 25 min

    Aixoix : Poluliste ? vous avez dit Populiste comme c’est populiste !…
    Même si votre remarque est juste,
    Ce n’est pas le système qu’il faudrait réformer, mais virer ceux qui nous emmerdent avec leurs préjugés sur les partis bons pour le pays !
    Un type qui a des idées simples, sera toujours le populiste de celui qui s’imagine penser plus haut, plus juste, plus “sérail”.
    Malheureusement si l’on en juge par la tronche de ceux qui au travers des médias utilisent ce mot, on a pas envie de les suivre.
    Bref pour faire court les Anglais et leur brexit sont-ils populistes ?

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