Le Kurdistan irakien vers l’indépendance

Le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, a demandé jeudi 3 juillet, dans une déclaration solennelle, au parlement de la Région autonome d’organiser un référendum sur l’indépendance.

« Le temps est venu pour nous de déterminer notre propre destin et nous ne devons pas attendre que d’autres le déterminent pour nous. (…) Pour cette raison, je considère nécessaire de créer une commission électorale indépendante comme première étape et ensuite de préparer le référendum. (…) Nous ne transigerons pas avec ceux qui ont saboté notre pays. L’Irak s’est divisé lui-même et nous n’en sommes pas responsable. (…) Nous avons un soutien international pour l’indépendance, et ceux qui ne nous soutiennent pas ne s’opposent pas à nous.  (…) Les Pechmergas (forces armées kurdes) ne partiront pas de Kirkouk et des zones contestées. »

En fait de soutien, c’est loin d’être gagné. Les États-Unis se sont prononcés le jour-même contre le projet, fidèles à leur appui aux frontières arabes « immuables ». S’agissant de la Turquie, on peut penser qu’elle ne verrait pas d’un bon oeil un Kurdistan indépendant à ses frontières, alors que 18% de sa population est kurde, mais d’autre part elle souhaite affaiblir l’Irak. L’Iran, principal appui du régime chiite de Bagdad, n’a aucune raison d’apporter son soutien à une sécession, mais pourrait être séduit par une déstabilisation de la Turquie. En revanche, la Russie soutiendra en sous-main l’indépendance. On sait que Gazprom exploite déjà une grande partie des réserves pétrolières de la Région autonome, contre les injonctions et protestations de Bagdad. Le premier ministre israëlien, quant à lui, envisage de reconnaître l’indépendance, dans l’optique d’une alliance de toutes les minorités proche-orientales. Le peuple kurde, avec ses 25 millions de ressortissants répartis dans quatre pays, est aujourd’hui le plus nombreux parmi les « peuples sans Etat. »

Le 3 juin 1987, le proconsul irakien, Ali dit « le chimique » un cousin de Saddam Hussein pendu en 2010, signait sa directive personnelle n° 28/3 650 qui déclarait « zone interdite » un territoire couvrant plus de 1 000 villages kurdes d’où toute vie humaine ou animale devait être éliminée :

« Toute circulation de nourriture, de personnes ou de machines vers les villages interdits pour des raisons de sécurité est totalement interdite […]. Concernant les moissons, elles doivent être terminées avant le 15 juillet et, à partir de cette année, l’agriculture ne sera plus autorisée dans cette région […]. Les Forces armées doivent tuer tout être humain ou animal présent dans ces zones. »

Au total, 4 500 villages furent rayés de la carte. Plus de 200 villages furent gazés, dont Halabja où 5 000 habitants succombèrent au cocktail chimique déversé par l’aviation irakienne. La plupart des corps des 180 000 victimes n’ont jamais été retrouvés.

Peu après la première guerre du Golfe, en mars 1991, les populations kurdes d’Irak furent de nouveau la cible des militaires irakiens et provoqua l’exode de deux millions de kurdes sur les cinq millions d’habitants. C’est pourquoi, en avril 1991, la résolution n°688 de l’ONU imposa à l’Irak une «zone de protection» dans le nord du pays et décida d’en garantir la sécurité par des patrouilles aériennes organisées par les États-Unis, la France et la Grande-Bretagne lors de l’opération appelée « Provide Comfort ». Ainsi, en octobre 1991, le Kurdistan irakien devint autonome de facto au sein de l’Etat irakien. Depuis juin 2004, la Région autonome du Kurdistan est officiellement reconnue par la constitution irakienne. Elle est aujourd’hui un hâvre de paix prospère et démocratique. Les élections régionales de 2013 ont donné 38% des voix au Parti démocratique du Kurdistan (conservateur), 24% au Mouvement du Changement (centriste) et 18% à l’Union patriotique du Kurdistan (social-démocrate). Les islamistes, dont les frères musulmans, n’ont obtenu que 16% des voix.

Les chrétiens bénéficient d’une position privilégiée au Kurdistan. En février 2009, les dirigeants religieux des communautés musulmane, chrétienne (3% de la population), yézidi et shabak (10%), mandéenne (7000 personnes), se sont réunies à Erbil pendant trois jours pour discuter de l’importance de la coexistence pacifique. Le Premier ministre kurde a prononcé un discours enjoignant les forces religieuses à rejeter les dérives sectaires et terroristes.

Les chrétiens participent au gouvernement. Sarkis Aghajan, qui fut ministre de l’Economie et des Finances de 1999 à 2006, est un chrétien assyrien. A Erbil, la capitale, le quartier chrétien Ankawa est géré de façon autonome. Par ailleurs, le 11 juin 2012, le gouvernement régional du Kurdistan décréta la neutralité religieuse à l’école. La connaissance des préceptes islamiques, jusque là indispensable pour obtenir un diplôme, n’est plus requise. Le gouvernement kurde a fait de la Région autonome un lieu d’accueil pour les minorités persécutées, en particulier les chrétiens, notamment depuis l’offensive djihadiste dans le nord de l’Irak. Celle-ci a été bloquée par les Pechmergas (soldats kurdes) et les 40000 catholiques syriaques de Qaraqoch appartiennent désormais au Kurdistan, comme Kirkouk, vieille cité kurde, qui avait été arabisée par Saddam Hussein et exclue de la Région autonome kurde. Aujourd’hui, le Kurdistan irakien est le seul pays du Moyen-Orient, avec Israël, où le nombre de chrétiens augmente.

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5 Comments

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  • xrayzoulou , 18 juillet 2014 @ 23 h 30 min

    Qu’attend t-on pour aider les Kurdes qui semblent vivre en paix et reçoivent les réfugiés Chrétiens. Tous ces grands états (même nous qui ne sommes pas une grande puissance)
    jouent aux échecs avec le reste du monde : nous sommes des pions dans leurs mains et il n’y a que l’argent qui compte (les francs-maçons ne sont pas loin !!!!).

  • Boutté , 19 juillet 2014 @ 7 h 57 min

    Si le droit des peuples à choisir leurs destinées a un sens , les Kurdes des 4 pays du Proche-Orient ont le droit pour eux . Reste à convaincre ces pays de leur accorder une indépendance souhaitée . C’est bien plus flagrant qu’en Ukraine où les peuples ne sont pas unis pour divers motifs en un territoire qui reste à définir géographiquement et qui ne fût autonome jamais encore , ayant toujours été ballotté entre Turques , Polonais, Autrichiens ou Mongoles .

  • Français désabusé , 19 juillet 2014 @ 9 h 27 min

    Le gouvernement de criminel américain, ne laissera pas faire avec leurs alliés islamistes et arriérés du Qatar ou d’Arabie Saoudite, sans oublier le guignol Erdogan!

  • Français désabusé , 19 juillet 2014 @ 9 h 29 min

    Qu’attendons-nous? Le gouvernement “français”, est la prostituée des dictatures du golfe et de l’Oncle Sam le criminel!

  • Gogol , 21 juillet 2014 @ 15 h 45 min

    Un pays pour les kurdes ? C’est légitime et souhaitable. Encore plus si les processus démocratiques sont respectés, les droits des hommes et des femmes défendus, ainsi que ceux des minorités religieuses ou ethniques. L’Irak a fait la preuve depuis longtemps de son incompétence en la matière, et ne mérite donc plus de garder le kurdistan, dont il a perdu la confiance et le respect.
    Bienvenu aux Kurdes, aux sein des nations du monde et à leur aspirations démocratiques.
    Quoi de plus beau qu’un peuple qui se prend en charge et cesse de dépendre d’un pouvoir central abusif et indifférent à son sort.

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