Le latin face aux barbares

La grève des professeurs ne semble pas faire reculer le gouvernement. Comme d’habitude le pourcentage de grévistes passe de 25% si on prend en compte la totalité des enseignants à 50% si on calcule par rapport aux professeurs qui devaient être en cours au moment de la grève.  Les motivations sont disparates : certains craignent de voir leur horaire diminuer, voire leur poste disparaître, d’autres redoutent un surcroît de temps passé en réunions interdisciplinaires ; certains craignent l’accroissement du pouvoir des principaux, d’autres redoutent la perte d’autonomie dans leur travail pédagogique ; certains craignent l’abandon de l’excellence, d’autres redoutent l’augmentation  d’une sélection sournoise.

Le collège comme l’ensemble du système éducatif n’est pas fait pour fournir un emploi aux professeurs. Il a pour but de permettre aux élèves puis aux étudiants d’acquérir les savoirs fondamentaux, de développer leurs aptitudes et de s’insérer dans la société et avant tout dans le monde du travail. Mais à travers cette première finalité, il en existe une seconde qui est de renforcer la cohésion et d’améliorer les performances nationales. Des personnes mieux formées pour un pays plus fort, tel devrait être le but de l’Education Nationale. La défense compréhensible de leur discipline et de ses horaires par les professeurs n’est donc pas l’enjeu essentiel. Cette réforme s’inscrit dans un processus de trahison du pouvoir à l’encontre de la nation. C’est la véritable question que les réticences syndicales risquent de masquer en regardant la réforme par le petit bout de la lorgnette.

Cette réforme est avant tout portée par une idéologie. Elle correspond comme celles qui l’ont précédée à la volonté de démocratiser. S’il s’agissait de diminuer le nombre des échecs en rétablissant des filières et des modes d’enseignement adaptés aux capacités des élèves afin de les conduire à des réussites fondées sur leurs différences, on le comprendrait. Mais il s’agit au contraire de lutter contre les déterminismes sociaux, de supprimer les filières d’excellence, de soustraire son héritage à l’héritier, en un mot de niveler. Pour la gauche, l’ascenseur social, c’est tout le monde au rez-de -chaussée. On prétexte l’ennui, en oubliant qu’à l’école d’aujourd’hui, deux ennuis s’affrontent, celui des élèves que l’enseignement n’intéresse pas parce qu’ils n’ont ni motivation sociale, ni pré-requis culturel, et celui des élèves qui savent déjà et dont l’intelligence est en manque d’exercice. C’est aux uns et aux autres qu’il faut s’intéresser, et ce ne peut être dans la même classe et de la même manière. Une nation a évidemment besoin d’une élite. L’héritage social, familial participe à sa formation. C’est une économie dont le pays aurait tort de se passer. Il lui faut seulement veiller à ce que cette élite indispensable s’élargisse et se renouvelle par la détection et l’encouragement des talents et des mérites. C’était l’idéal de « l’école de la République », comme ils disent, qui était clairement élitiste et méritocratique. Les Hutus en coupant les jambes des Tutsis n’ont guère amélioré la situation du Rwanda que les Tutsis gouvernent à nouveau depuis vingt ans.

La remise en cause de l’enseignement du latin, plus encore que du grec, participe hautement de cette trahison. Le latin est la mère de notre langue, de ses soeurs ou cousines du sud de l’Europe. Non seulement elle fournit l’intelligence du français par l’étymologie, mais encore elle est au coeur de la transmission de notre identité. Le latin c’est le lien de notre civilisation avec l’ordre romain dont elle est l’héritière. Lorsque l’Empire d’Occident s’est dissous dans la submersion barbare, l’Eglise a maintenu ce qu’elle pouvait de cet ordre avec sa langue, le latin. Pourquoi parle-t-on de renaissance, sinon pour signifier la redécouverte de ces racines par le monde laïque et profane. S’attaquer au latin, c’est une fois encore vouloir gommer notre identité. C’est un acte de barbarie. C’est accepter que l’hétérogénéité prétendument non assimilable des jeunes issus de cultures étrangères à cet héritage d’une part, l’invasion du sabir anglais d’autre part, nous obligent à nous dépouiller de ce que nous sommes.

Les langues anciennes ont aussi donné l’expression « fort en thème ». Cela n’a rien d’anodin. La clarté et la rigueur de la grammaire latine, les subtilités du grec, les liens de cette langue avec la philosophie étaient des terrains d’exercice privilégiés de l’intelligence verbale. Certes, ce n’est pas la seule, et il y a de l’intelligence dans la conception et la réalisation d’une serrure comme dans la composition latine ou la résolution d’une équation. On voit cependant à quel point la maîtrise de la logique, le sens de l’ordre des pensées sont nécessaires aux dirigeants. La baisse du niveau chez ceux qui nous dirigent aujourd’hui et qui se se font un plaisir de parler anglais est déjà suffisamment cruelle.

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18 Comments

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  • Vautrin , 20 mai 2015 @ 13 h 50 min

    Au risque de déplaire, je ferai deux remarques :

    a) Aucune langue n’est plus “logique” que les autres. Je rappellerai que TOUTES sont arbitraires. Et que l’affaire de la déclinaison, c’est une fausse piste, car TOUTES les langues sont déclinées, de diverses manières. Même le Français, dont la déclinaison se vérifie dans la conjugaison, mais aussi (là, peu de monde ne s’en est aperçu) dans la manière dont se construit le nom, avec ses prépositions, ses articles, ses pronoms enclitiques etc. Comparez : “ferram sagitta occidit” avec “il tue la bête sauvage avec (ou d’) une flèche” : “avec” correspond exactement à la construction à l’ablatif. L’illusion vient de la manière dont, depuis Lohmond, on présentait la déclinaison latine de manière “logique” (avec tout de même de curieuses exceptions comme l’ablatif absolu !). Ce qui donne l’illusion d’une structure “mathématique”, ce ne sont pas les faits linguistiques, mais la manière dont ils sont présentés. En bref : le Latin déclinait “par la queue” et le Français décline “par la tête”. Vérifiez, svp, vous trouverez une belle régularité !

    b) Il n’est pas nécessaire de connaître une langue soi-disant “déclinée” pour maîtriser la sienne. C’est encore un a priori de prof que de croire le contraire. Sinon, pourquoi ne pas commencer par faire parler les petits Français en latin pour qu’ensuite ils parlent mieux le Français ? Par ailleurs, les élèves des classes scientifiques étaient également “bons” en Latin, en Allemand,…,mais ils étaient “bons” partout !

    Cela dit, le Latin et le Grec (que j’ai étudié personnellement pour lire Aristote dans le texte et non pas l’édition Budé) ne sont pas des langues “mortes”, elle fournissent des monceaux de termes scientifiques. C’est moins évident chez nous, mais lisez des textes scientifiques en Anglais, et vous verrez. C’est une tradition, et, si curieux que cela puisse paraître, il y a encore aujourd’hui des articles scientifiques (notamment en médecine) publiés en Latin. Et puis l’étude de ces langues présente un indéniable intérêt historique et culturel (au sens ordinaire du terme). Et très précisément, cela sert très légitimement à d’une part conserver nos racines et d’autre part à constituer des élites. Ces élites qui nous manquent tant, dans un monde socialiste de médiocrité universelle ! Je pourrais en dire autant de l’Allemand, langue des géologues, des chimistes et des philosophes du XIXe et du début du XXe.

    L’objectif de Belkacem et de l’officine fasciste Terra-Nova dont elle émane est bien évidemment une déculturation, pour acculturer les Français à l’islam via l’arabisation rampante. Tout, donc, doit être fait pour naufrager son projet ignoble. Qu’une grève des parents, à la rentrée prochaine, en bravant la loi, vide les classes des collèges, jusqu’à ce que ce gouvernement de rencontre cède !

    “Arx tarpeia Capitoli proxima” : que les socialistes et umpistes s’en souviennent !

  • eric-p , 20 mai 2015 @ 15 h 09 min

    @ Christian Vanneste

    La critique de la “réforme Belkacem” est certainement juste.
    Cependant, et sans vouloir défendre la ministre
    (dont je demande la démission depuis le début !),
    que ferait la droite (ou n’importe quel parti au pouvoir ) à la place du gouvernement actuel ?

    Je ne suis pas convaincu qu’elle ferait quelque chose de bien différent.

    Pour réformer, encore faut-il faire un bilan aussi complet que possible sur l’état de la situation d’un point de vue financier (L’Etat est en situation de surendettement, ne pas l’oublier !), les demandes des élèves et les conséquences à tirer des bilans d’évaluations
    calamiteux (Clsst PISA,etc…)

    -La tendance est à la contraction du budget de l’éducation nationale (il y a trop de fonctionnaires en France)

    -La désaffection des français pour le latin/Grec…ne date hélas pas d’hier (Quand je suis arrivé en 4ème en 1982, on n’arrivait pas à organiser des cours de latin par manque de volontaires….et manque de volonté des profs-il fallait revenir travailler le samedi matin !!!!-)
    Bien sûr, l’étude du grec ancien avait été remisé au rayon des accessoires depuis longtemps…
    L’Education nationale doit-elle continuer à payer des enseignants pour des salles vides ???

    -Depuis quelques années, l’accélération de la mondialisation pousse les étudiants à s’orienter vers l’étude d’autres langues étrangères (Chinois, Russe,Arabe,etc…)
    Personnellement, j’en suis à ma 6ème langue depuis que je me suis installé à Barcelone
    (Eh non, contrairement aux idées reçues, l’Espagnol ne suffit plus !).
    Les langues anciennes sont très probablement délaissées.

    Accessoirement, votre analyse oublie de mentionner un détail qui a son importance:
    LA TRANSMISSION FAMILIALE NE SE FAIT PLUS DU FAIT DE LA DISPARITION
    MÊME DES FAMILLES DANS CE PAYS.
    Il y a de moins en moins de mariages (et donc de plus en plus de familles monoparentales)
    et de plus en plus de divorces (donc de plus en plus de familles décomposées , recomposées,etc…)

    -Ajoutons également que la “vie moderne” et les différentes tentations n’incitent pas franchement les étudiants à travailler (Internet, télé, I-Pod, jeux vidéo,etc…).

    Pour couronner le tout, l’Etat providence (RSA à 18 ans ), l’encouragement à l’oisiveté et le découragement
    des initiatives privées (taxes en tous genres, réglementations, paperasserie, droit du travail,etc…), font que la société est objectivement en situation de DÉCADENCE…

  • robin des bois , 20 mai 2015 @ 19 h 57 min

    tous des pourris!!! Les gens incultes proposent de modifier le mode d’érudition. Ils entretiennent l’ignorance pour le peuple et le bien être des nantis. RAS LE BOL

  • Boutté , 21 mai 2015 @ 8 h 07 min

    Nous ne remercierons jamais assez Rome d’avoir envahi et colonisé la Gaule , nous faisant accéder à la culture méditerranéenne antérieure à l’Islam . Nous lui devons nôtre religion fondatrice dont la spiritualité a transformé le barbare en citoyen peu à peu .

  • delaye , 21 mai 2015 @ 10 h 53 min

    ++++++++++

  • eric-p , 21 mai 2015 @ 11 h 11 min

    +1
    La langue japonaise ne connaît pas les déclinaisons (Les verbes ne se conjuguent pas !), ils n’étudient ni le latin ni le grec…et ça ne les empêchent pas d’obtenir
    d’excellents résultats en mathématiques
    (L’école mathématique japonaise est une des plus dynamiques au monde).

    Néanmoins, la mise au placard de tout un pan de nos racines communes
    au profit du “multiculturalisme” et de la prétendue “démocratisation du savoir”
    pose effectivement problème.

    L’Etude de la secte des mahométans (j’appelle un chat…) pose également problème.
    Pourquoi pas le bouddhisme ?
    Et puis il reste aussi toutes les sectes “made in USA” dont l’importance
    culturelle n’est plus à démontrer (Mormons, Jojovah,scientologie,etc…).
    Bref, on n’est pas sorti de l’auberge…

  • eric-p , 21 mai 2015 @ 11 h 40 min

    Je ne résiste pas au plaisir de remettre en ligne la parodie de l’évolution de l’enseignement
    des mathématiques en France depuis 1960:

    1960

    Un fermier vend un sac de patates 10 francs. Ses frais atteignent 4/5 de son prix de vente. Quel est son bénéfice ?

    1965

    Un fermier vend un sac de patates 10 francs. Ses frais atteignent 4/5 de son prix de vente, c’est-à-dire 8 francs. Quel est son bénéfice ?

    1970 (Mathématiques modernes)

    Un fermier échange un ensemble de patates P avec un ensemble de pièces de monnaie M. La cardinalité de l’ensemble M est égal à 10 et chaque élément de M vaut 1 franc. Dessinez dix gros ronds représentant les éléments de M. L’ensemble C des coûts de production est composé de deux gros ronds de moins que dans l’ensemble M. Représentez C comme un sous-ensemble de M et répondez à la question suivante : Quelle est la cardinalité de l’ensemble des bénéfices ?

    1975

    Un fermier vend un sac de patates 10 francs. Ses coûts de production sont de 8 francs et son bénéfice est de 2 francs. Soulignez le mot patates et engagez une discussion avec vos camarades de classe.

    1981

    Un fermié kapitalist privilégié sanrichi injusteman de 20 francs sue un sac de patat.
    Analiz le tekste et recherch lé fôte de contenu de gramère d’ortograf de ponktuassion et ansuite di se ke tu panse de cête maniaire de sanrichir.

    1990

    Un(e) fermier(ère) vend un sac de patates 10 francs. Ses coûts de production représentent 80 % de son revenu. Sur votre calculatrice, dessinez le graphe du revenu en fonction des coûts. Utilisez le programme PATATES pour déterminer le profit. Discutez le résultat avec les élèves de votre groupe. Rédigez une brève dissertation qui analyse cet exemple dans le monde réel de l’économie.

    2010

    Un producteur de l’espace agricole câblé sur ADSL consulte en conversationnel une data bank qui display le day-rate de la patate. Il télécharge son progiciel SAP/R3 de computation fiable et détermine le cash flow sur écran pitch 0.25 mm Energy Star. Dessine avec ton mulot le contour 3D du sac de pommes de terre, puis logue-toi au réseau Arpanot (Deep Blue Potatoes). Via le SDH boucle 4.5, extrais de MIE le graphe des patates. Question : le producteur respecte-t-il la norme ANSI, ISO, EIAN, CCITT, AAL ?

    2020

    Qu’est ce qu’un fermier ? qu’est ce qu’une patate ?

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