La néologie au service de la manipulation des esprits

Tribune libre d’André Pouchet*

L’art de la propagande (ou de la manipulation de l’opinion) passe essentiellement par la mise en circulation, dans l’espace du débat public, de mots et d’expressions habilement choisis ou forgés, afin de véhiculer, sans en avoir l’air, les contre-vérités que l’on souhaite voir adopter sans résistance et sans discussion par la majeure partie de la population, celle qui ne réfléchit pas trop à ce qu’elle entend et qui, à son tour, pourra docilement les répéter et les propager utilement. D’où l’importance, pour celui qui se refuse à en être dupe, de se montrer attentif aux mots qu’il utilise afin de pouvoir démasquer sans pitié les tours de passe-passe sémantiques qui pourraient sournoisement s’y dissimuler. Voici quelques exemples d’actualité qui pourront, je l’espère, servir d’illustration à mon propos.

Homosexualité : mot forgé de façon relativement récente (première occurrence en 1891) pour désigner une forme de sexualité minoritaire qui a toujours existé (et que l’on trouve, parait-il, même chez les animaux) et que pendant des siècles l’on a, successivement ou concurremment, nommée « vice antiphysique »« bougrerie »« sodomie »« inversion »,« pédérastie », pour les hommes, et « saphisme »« lesbianisme », pour les femmes. Le recours à ce mot nouveau (pas très bien formé cependant puisque associant à la racine latine,« sexus » = appareil génital, la racine grecque, « homos » = le semblable), s’il a permis d’évacuer les connotations négatives souvent associés aux anciens vocables jusque là utilisés, présente néanmoins un inconvénient majeur, c’est qu’il met indûment sur le même plan homosexualité et hétérosexualité (cf. hétérosexualité).

Hétérosexualité : mot forgé en 1894, dans la foulée du précédent (à partir de « sexus » = appareil génital et « hétéros » = l’autre), et qui a depuis servi à désigner ce que jusque là l’on n’éprouvait pas le besoin de nommer : la sexualité non-homosexuelle.

Pourtant la dite « hétérosexualité » n’est pas une forme de sexualité « comme une autre », que l’on pourrait légitimement placer à côté de l’homosexualité et sur le même plan (comme voudrait habilement nous le suggérer le parallélisme de construction des deux mots : hétéro/homosexualité). C’est bien là la sexualité « normale », non pas seulement parce que c’est celle de la grande majorité des êtres humains mais surtout parce que c’est la seule qui soit conforme à ce que nous impose l’anatomie et les lois de la reproduction sexuée de notre espèce mammifère.

Homophobie : terme emprunté pour la première fois à l’anglais en 1975 ; littéralement « haine du semblable » (du grec « phobia » = la haine, l’aversion et « homos » = le semblable). Un néologisme, on le voit bien par conséquent, très mal composé puisqu’il signifie en fait le contraire de ce qu’il voudrait dénoncer, à savoir l’aversion éprouvée envers quelqu’un qui a une sexualité « autre » ! Ce à quoi l’on veut, à l’aide de ce mot, s’attaquer, c’est donc à « une haine, de la part de ceux qui ne sont pas homos, envers ceux qui le sont ».

Or, nous ne dirons pas qu’il n’y a jamais eu et qu’il n’y aura jamais, de la part de la majorité dite « hétérosexuelle », de manifestations d’intolérance à l’égard de la minorité dite « homosexuelle » mais ces manifestations, du moins dans un pays comme le nôtre (il en est tout autrement sous d’autres cieux, dans des pays où d’autres religions – par exemple l’islam, pour ne pas la nommer – imposent leur loi), sont heureusement devenues aujourd’hui tout à fait exceptionnelles et relativement bénignes.

Dans l’usage courant, le terme « homophobe » sert surtout aujourd’hui à « stigmatiser » commodément (mais le plus souvent de façon illégitime) ceux qui ne sont pas des partisans enthousiastes du « mariage pour tous », voire les « réactionnaires » impénitents qui auraient l’audace de vouloir s’y opposer ouvertement !

Homophilie : mot moins usité que son antonyme « homophobie ». Ce qui est chic aujourd’hui, pour afficher clairement son ouverture d’esprit et son refus de l’intolérance, c’est de se proclamer « gay-friendly », i.e. « amical envers les gays » (le mot « gay », qui a longtemps désigné les libertins en général, aussi bien mâles que femelles, s’étant aujourd’hui spécialisé, en argot américain, pour désigner les homosexuels masculins).

Homoparental : adjectif forgé tout récemment (1997) pour désigner des couples de lesbiennes ou de pédés qui élèvent un ou plusieurs enfants. Ce sont en réalité des familles « recomposées » d’un type particulier :

–          soit un homme qui a eu des enfants d’une femme, puis l’a quittée pour se mettre en ménage avec un autre homme.

–          soit une femme qui a eu des enfants d’un homme, puis l’a quitté pour se mettre en ménage avec une autre femme.

–          soit une femme ou un homme qui a obtenu l’adoption d’un enfant en tant que célibataire avant de se mettre en ménage avec quelqu’un de son sexe.

On voit donc qu’il ne s’agit pas là, comme on voudrait nous le faire croire, de famille réellement « homoparentales », car les enfants qui en sont partie prenante ont bien (à moins qu’ils n’aient été adoptés) un vrai père et une vraie mère biologiques, une filiation qu’ils connaissent comme tous les autres enfants.

Pour que puissent exister des familles réellement « homoparentales », il faut non seulement que soit adoptée la loi sur « le mariage pour tous » mais aussi et surtout (et c’est bien là le véritable enjeu de l’opération !) que soit légalisée pour les lesbiennes la PMA (Procréation Médicalement Assistée) et pour les pédés la GPA (Gestation Pour Autrui, i.e. l’achat d’ovocytes et la location d’utérus).

En attendant, il va de soi que, comme nous le chantent à l’envi dans tous les médias les sectateurs du « mariage pour tous », les familles « homoparentales » sont toutes exemplaires et d’une capacité éducative bien supérieure à celle des pauvres familles « hétéroparentales », lesquelles ne sont trop souvent que des assemblages instables et pathogènes, où sévissent impunément des ivrognes incestueux et battant leurs enfants pour un oui ou pour un non ! Comme il est bien évident qu’un vélo qui marche, voire une simple patinette, l’emporte sans discussion sur une voiture en panne… Même si aucune statistique, aucune étude sérieuse ne vient jamais corroborer toutes ces affirmations sophistiques et ces comparaisons truquées (cf. Wikipédia) !

Hétéroparental : adjectif qui logiquement devrait bientôt servir à qualifier les familles classiquement mais banalement composées d’un père, d’une mère et d’un ou plusieurs enfants. Je vous invite à guetter son apparition, laquelle ne devrait maintenant plus beaucoup tarder.

Mariage pour tous : c’est l’emballage publicitaire destiné à mieux vendre aux gogos le mariage homosexuel. Ce n’est donc qu’un slogan démagogique fabriqué par les « communicants » du PS, lequel, quoique assez grossier, semble cependant avoir une certaine prise sur une opinion par trop grégaire. Pourtant, il s’en faut de beaucoup que ce mariage qu’aujourd’hui ils nous proposent soit effectivement « pour tous », comme ils le prétendent très effrontément.

Jusqu’à maintenant, en effet, nos audacieux législateurs se sont bien gardés d’accorder la consécration de leur nouvelle loi à toutes les sexualités existantes, alors que celles-ci pourraient, elles aussi, légitimement y prétendre. Ainsi, il n’est pas question pour le moment de permettre les unions polygames. Pourquoi, s’il s’agit d’adultes consentants et qui s’aiment sincèrement ?

Ni les unions intrafamiliales. Et pourquoi donc une telle « discrimination » ? Pour respecter cette vieillerie millénaire de prohibition de l’inceste ? Décidément quel manque d’audace et quel refus de la nécessaire évolution des mentalités ! Mais si, moi, j’aime ma sœur, ma fille, ma tante, ma mère, ma grand-mère, pourquoi n’aurais-je pas le droit – si bien sûr celles-ci sont consentantes – de les épouser légalement ?

Ni les relations pédophiliques : l’enfant n’aurait-il pas besoin, lui aussi, qu’on lui reconnaisse le droit à une vie amoureuse et sexuelle avec celui qu’il a choisi, quel que soit l’âge de celui-ci ? Ni les relations zoophiliques ou nécrophiliques : ce n’est pas très fréquent mais pourtant ça existe. Difficile dans ces cas, il est vrai, de vérifier le consentement de chacun des partenaires mais, comme l’énonce à juste titre la sagesse populaire, « qui ne dit mot consent » !

 

*

Ne nous laissons donc plus abuser par des néologismes adroits, des slogans publicitaires mensongers et des présentations biaisées ou carrément spécieuses : sachons voir les choses objectivement, telles qu’elles sont !

*André Pouchet est professeur de Lettres retraité.

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31 Comments

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  • Courouve , 21 décembre 2012 @ 20 h 55 min

    Pédéraste date du XVIIe siècle, uraniste de la fin du XIXe siècle.

  • Gisèle , 21 décembre 2012 @ 22 h 21 min

    Y en aurait il quand même parmi les Français dont le papa a oublié la clé dans le kit ??? ( photo)
    Et pour ce qui est de la guerre des mots , le mot homophobe est absent du dico Larousse illustré 1983 que j’ai sous les yeux .
    Et la phobie se déclarait toujours par rapport à une situation ou à un animal , mais jamais à une personne .
    3) JM Ayrault a bien fait la différence quand il a voulu se disculper de ses propos concernant Depardieu !
    Mais pour l’homosexualité … ben … non non !!! il faut tout prendre en kit ! Les ” habitudes sexuelles ” qui font partie de l’intimité privée et la personne qui a ces habitudes ….
    Et tant pis pour le viol de conscience qui , lui devrait être rayé du nouveau dictionnaire et remplacé par : suicide volontaire assisté de la conscience .

  • isidore , 21 décembre 2012 @ 23 h 06 min

    Les gens normaux n’apprécient ni la pratique,ni le sentiment qui définissent l’homosexophilie.
    Les homophiles en tant qu’individus, on s’en fout complètement.Chacun fait ce qu’il veut de son cul.
    En France,ils n’ont jamais été persécutés, on rigolait d’eux,c’est tout. On a quand même encore le droit de rigoler,non ? La majorité des gens ne sauraient être homophilophobes,puisqu’on n’en a rien à faire.
    On refuse seulement l’inadmissible, qui est d’institutionnaliser ce genre de secte !
    Les individus,encore une fois,pourvus que,comme tout le monde,ils vivent leur religion à domicile,l’institution du mariage devant le maire n’étant que l’enregistrement d’une déclaration de vie commune,est réservé au couple homme-femme.
    Depuis que l’humanité existe,il n’en a jamais été autrement.

  • Iris Pseudacorus , 22 décembre 2012 @ 10 h 48 min

    En effet également le fait d’inventer de nouveaux mots pour désigner des situations particulières et autres néologismes contemporains employés, peut être un moyen de manipuler les esprits.

    Nos bien-pensants, dont une bonne partie sont frères dans les loges maçonniques, le savent pertinemment.

    Justement, gardons alors les anciennes appellations du dictionnaire Larousse édition 1904, dans notre langage quotidien, cela fera peut être anachronique un peu, mais au moins nous garderons nos âmes et seront perçus comme des résistants . C’est une idée que je m’appliquerai personnellement.

  • isidore , 22 décembre 2012 @ 13 h 39 min

    Le néologisme “Néologie” est parfaitement trouvé.Il mérite d’être retenu,pour désigner soit l’invention de tournures,soit l’interprétation ou la définition tendancieuse de mots habituels détournés de leur sen le plus simple.
    Ce n’est d’ailleurs qu’une partie,très technique,de la lutte des idées.
    Depuis homophobe,islamophobe,jusqu’à ((Anti-Communisme-PRIMAIRE)),par exemple ! C’était une trouvaille celle-là !Sans compter le sens spécifique attribué aux termes Progrès et Progressisme,dont le sens est purement politico-polémique parfaitement injustifié au point de vue sémantique,mais qu’on a fait avaler sans discussion aux dictionnaires.
    Et bien d’autres encore,au gré des époques et des propagandes,comme “droite”,assimilé à fachisme(alors que c’est la gauche),”libéral”(même sens détourné) etc…
    Du moment qu’on peut ramener à “fachiste”,le premier qui le dit a gagné,c’est bien connu !
    Comme un certain jeu de mots du genre marre à bout de ficelle qui devait toujours se terminer par “Et Nanteuil tsoin tsoin tsoi tsoin ” pour le gagnant !

  • isidore , 22 décembre 2012 @ 13 h 46 min

    D’où la nécessité de définir clairement les mots avant de discuter.
    Après quoi d’ailleurs,ça n’en vaut plus la peine !
    “Donner un sens plus pur aux mots de la tribu” (P.Valéry)
    “Tricher sur le sens des mots est ajouter au malheur du monde” (A.Camus)
    “Refaire le dictionnaire” (Confucius)

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