La République du Panthéon – Explication de la politique hollandienne

Une nouvelle opération de reconquête de l’opinion est lancée par l’Elysée. Après l’échec confus du changement de discours économique, le Président s’avance désormais dans le domaine symbolique. Par définition, le symbole ne se mesure pas à ses résultats. La gauche est tellement inepte sur le plan économique qu’elle ne peut plus exister que sur la question des valeurs et dans les débats de société. Il est vrai que là, elle bénéficie d’une foule de gens qui se croient journalistes et diffusent en permanence des préjugés enrobés dans une épaisse gangue d’ignorance. Le Président au Salon de l’Agriculture, le Président au Mont Valérien, la Terre qui ne ment pas et les morts qu’on honore, voilà qui vous rhabille un Chef de l’Etat dans l’uniforme que souhaitent lui voir revêtir des Français dont le coeur demeure paysan et qui désirent être fiers de leur pays. Visite courte et sans manifestation hostile à la Porte de Versailles. M. Hollande a fait semblant d’écouter, le ton faussement intéressé et l’appétit manifestement aiguisé. Le Pacte de responsabilité, comme le poumon chez Molière, ça explique tout, ça résout toutes les maladies, même les problèmes agricoles. Les images étaient plutôt bonnes, même si le désir d’en finir perçait parfois dans un regard à la recherche d’évasions. En revanche, aucune mesure précise n’a été annoncée. Le Pacte de responsabilité, vous dis-je.

Au Mont Valérien, c’était plus facile. On pouvait faire vibrer la corde mémorielle. On pouvait annoncer l’entrée au Panthéon de quatre personnalités de la Résistance. Le Président l’avait dit : l’année 2014 sera consacrée à la Commémoration. La posture est triplement avantageuse. Contrairement aux promesses, les souvenirs sont rarement démentis par le futur. Le respect dû  à la souffrance, aux martyrs et aux héros, fait taire la critique et suscite la communion unanime. De manière subliminale, on peut y glisser quelques touches politiques, de subtiles nuances partisanes. Non seulement elles ne seront pas dénoncées par peur d’être celui qui gâche la cérémonie et doit baisser la tête pour fuir les regards courroucés de l’assistance, mais encore, elles introduiront en douce des images mentales, des réflexes idéologiques qui forgeront les esprits et expliquent la conscience collective d’un peuple.

Sur ce plan, Hollande est meilleur que Sarkozy. Ce dernier, dont la culture n’est pas la plus grande qualité, avait bien saisi l’intérêt tactique de la Mémoire. Mais, il en avait fait trop, comme à son habitude, en faisant de Guy Mocquet, martyr certes, mais militant communiste plus que résistant, le symbole de l’engagement de la jeunesse contre l’occupant nazi. La tentative de récupération qui accompagnait la consternante ouverture à gauche a échoué, mais elle a participé à l’hémiplégie mémorielle de notre pays, qui fait naître son histoire en 1789, et ne prend en considération que les grandes heures de la République gravées quasi-exclusivement par des hommes de gauche. Rien, en revanche, ne déroge chez Hollande à la volonté d’instiller subtilement de l’histoire idéologique dans cette année mémorielle.

Premier message : la parité. Celle-ci, en tant que valeur née à gauche et comme d’habitude rattrapée à la course par la « droite », doit prévaloir y compris pour les grandes figures du passé. Comme le sexe, pardon, le « genre » masculin a eu tendance à monopoliser la guerre et l’engagement politique, ce n’est pas facile. Qu’à cela ne tienne, la discrimination positive doit agir pour imposer l’équilibre. Deux femmes, deux hommes. Les deux premières, rescapées des camps, ont une dimension sociale, tournée vers le Tiers-Monde ou le Quart-Monde. Ce sont des indignées actives qui peuvent être revendiquées par le progressisme. Germaine Tillon, ethnologue lutta contre le racisme et la torture. Elle eut des contacts avec des responsables du FLN. Evidemment, Jacques Soustelle, ethnologue lui aussi, résistant et gaulliste de la première heure, antiraciste convaincu, n’ira jamais au Panthéon puisqu’il était un gaulliste qui croyait à l’Algérie Française, comme Hélie Denoix de Saint-Marc, résistant et déporté…Le successeur de Jean Moulin, à la tête du Conseil National de la Résistance, George Bidault, démocrate-chrétien n’ira pas non plus, pour les mêmes raisons. Edmond Michelet, résistant, déporté, Ministre du Général, gaulliste et catholique fervent, pas davantage. Ni Henri Frenay, ni Honoré d’Estiennes d’Orves. Le premier fut un farouche anti-communiste, même en devenant socialiste après-guerre. Il est le fondateur de Combat, le plus grande réseau de résistance, et clairement de droite. Le second fut le premier vrai héros et martyr de la Résistance. Il était monarchiste.  Jean Zay, assassiné par la milice était socialiste. George Mandel, qui n’était certes pas socialiste, a connu le même sort, mais ne connaîtra pas le Panthéon. Pierre Brossolette, socialiste avant-guerre, avait vocation à exprimer le gaullisme politique, mais son sacrifice l’en a empêché.

Le Panthéon est un monument trop marqué par l’idéologie, un instrument de lecture idéologique de notre histoire.  Non seulement il a connu des entrées et des sorties selon l’air du temps, comme le chassé-croisé entre Mirabeau et Marat, mais encore, il opère une sélection qui ampute notre histoire et notre culture. Sous l’Eglise transformée en temple mémoriel qui parle de la France, la crypte évoque non pas la France, mais des régimes politiques, le Premier Empire, surreprésenté, et la République prise assez souvent dans le sens restrictif et partisan que la gauche donne à ce mot. On ne doit pas contester la présence de ceux qui y sont, comme Jean Moulin ou André Malraux, mais regretter qu’ils ne soient pas rejoints par d’autres, comme si la France se recroquevillait sur une partie de son passé, sur un passé de parti.

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10 Comments

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  • JSG , 24 février 2014 @ 8 h 28 min

    “Mon Panthéon est décousu, si ça continue…”
    Certes l’héroïsme des nouveaux venus n’est pas à remettre en cause, ni leur mémoire, ni rien enfin :
    Sauf que Jean Moulin avait été placé là en souvenir de la Résistance à l’occupant.
    Hors, la résistance à l’occupant rappelle que la France avait perdu la guerre, (la bataille…), ce qui n’est pas glorieux, que, de plus nos politiques ne parlent jamais des presque 100 000 soldats en uniforme morts pour la France, pourquoi ? Ce ne sont pas eux les vaincus, eux ont donné leur vie.
    Alors, encore des résistants, et jamais les otages fusillés, jamais les soldats sacrifiés !
    Sale et malhonnete politique !

  • Catoneo , 24 février 2014 @ 8 h 52 min

    Mai-juin 1940 : ils se battirent comme des lions.
    Voir l’ouvrage documenté de Dominique Lormier chez Calmann-Lévy sur Amazon.
    Mais le Panthéon n’est pas un zoo ! Un cimetière politique tout au plus.

  • monhugo , 24 février 2014 @ 14 h 52 min

    Déjà dit à l’endroit précédent ad hoc : le Panthéon abrite surtout des “illustres” inconnus, et, pour la période récente, des élus de l’idéologie.
    Les 4 nouveaux “promus” appartiennent tous au contexte de la Seconde Guerre mondiale. On sait que le Poussah, Médiocre 1er, “célèbre” la Première Guerre mondiale, en parlant de 39/45 (et des “héros” indigènes, grâce auxquels, tout le monde le sait, la France a gagné les 2 conflits mondiaux du 20ème siècle) :
    http://www.bvoltaire.fr/mariedelarue/quatre-resistants-au-pantheon-la-seconde-guerre-mondiale-cet-horizon-indepassable,51426
    Une prochaine fournée serait, dans l’idéal hollandien, au moins une paire de “divers” (au sens de “France de la diversité”), et une paire H/F, pour respecter une parité indispensable – que lui-même a recommandé d’oublier dans le mariage new look, par ailleurs. Le machin n’est pas à une contradiction près. Ce sera compliqué de trouver des “gloires”, même petites, quand Aimé Césaire (un must !) ce n’est pas possible (sa famille refuse qu’il quitte la Martinique) – il a cependant depuis 2008 une fresque-hommage dans le monument, et quand l’immense Guyanaise indépendantiste est (hélas) toujours en pleine capacité de nuisance.

  • monhugo , 24 février 2014 @ 15 h 14 min

    Suggestions pour une paire de “panthéonisables” politiquement correcte : Lucien Neuwirth, le “père” (législatif) de la pilule en France, mort en novembre dernier, et Antoinette Fouque, disparue vendredi, cofondatrice du MLF.
    Le thème illustré par ces “illustres” : la libération de la Française (après la Libération en France, illustrée selon le Poussah, Médiocre 1er, de la façon que l’on sait). Même “champ lexical” donc, comme on le jargonne chez Peillon.

  • fh , 24 février 2014 @ 21 h 45 min

    Au lieu de continuer à délirer, que lui, ou le prochain maire de Paris, se décide donc enfin à rendre l’église Sainte Geneviève – soi-disant “Panthéon” – au diocèse de Paris (à qui elle a été volée).

    Qu’il profite de l’occasion :
    – pour débarrasser la crypte du club de mécréants qui l’encombre : ils seront tous très bien au nouveau cimetière de Thiais.
    – pour débarrasser la nef de ces représentations sculptées de fous furieux : il y a de quoi donner des cauchemars aux enfants
    Installées à un endroit judicieux, elles peuvent servir utilement de distributeur à grains afin d’attirer les pigeons, pour en débarrasser (un peu !) Paris, ce qui n’est pas du luxe.

    (Que voilà un bon point de programme pour les prochaines élections municipales).

  • Goupille , 25 février 2014 @ 0 h 21 min

    Pourquoi Helie Denoix de Saint-Marc, Henri Frenay et Honoré d’Estiennes d’Orves n’entreraient-ils jamais au Panthéon ?

    Il suffit juste de renouveler l’écurie politique…

  • GV , 25 février 2014 @ 7 h 42 min

    Ils sont quinze cent mille qui sont morts pour cette saloperie-là.
    Quinze cent mille dans mon pays, Quinze millions dans tout les pays.
    Quinze cent mille morts, mon Dieu !
    Quinze cent mille hommes morts pour cette saloperie tricolore…
    Quinze cent mille dont chacun avait une mère, une maîtresse,
    Des enfants, une maison, une vie un espoir, un cœur…
    Qu’est ce que c’est que cette loque pour laquelle ils sont morts ?
    Quinze cent mille morts, mon Dieu !
    Quinze cent mille morts pour cette saloperie.
    Quinze cent mille éventrés, déchiquetés,
    Anéantis dans le fumier d’un champ de bataille,
    Quinze cent mille qui n’entendront plus JAMAIS,
    Que leurs amours ne reverront plus JAMAIS.
    Quinze cent mille pourris dans quelques cimetières
    Sans planches et sans prières…
    Est-ce que vous ne voyez pas comme ils étaient beaux, résolus, heureux
    De vivre, comme leurs regards brillaient, comme leurs femmes les aimaient ?
    Ils ne sont plus que des pourritures…
    Pour cette immonde petite guenille !
    Terrible morceau de drap coulé à ta hampe, je te hais férocement,
    Oui, je te hais dans l’âme, je te hais pour toutes les misères que tu représentes
    Pour le sang frais, le sang humain aux odeurs âpres qui gicle sous tes plis
    Je te hais au nom des squelettes… Ils étaient Quinze cent mille
    Je te hais pour tous ceux qui te saluent,
    Je te hais a cause des peigne-culs, des couillons, des putains,
    Qui traînent dans la boue leur chapeau devant ton ombre,
    Je hais en toi toute la vieille oppression séculaire, le dieu bestial,
    Le défi aux hommes que nous ne savons pas être.
    Je hais tes sales couleurs, le rouge de leur sang, le sang bleu que tu voles au ciel,
    Le blanc livide de tes remords.
    Laisse-moi, ignoble symbole, pleurer tout seul, pleurer à grand coup
    Les quinze cent mille jeunes hommes qui sont morts.
    Et n’oublie pas, malgré tes généraux, ton fer doré et tes victoires,
    Que tu es pour moi de la race vile des torche-culs.
    Jean Zay
    Est ce vraiment un “poeme” de Jean ZAY celui qui va entrer au Pantheon ???

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