L’islam en France (5) L’islam à la croisée des chemins

L’islam en France (5) L’islam à la croisée des chemins

“Les musulmans ont de la difficulté à vivre dans une société quand ils sont minoritaires » Jean-Claude Barreau (De l’immigration en général et de la Nation Française en particulier, 1992)

Les deux différences fondamentales, qui opposent l’islam au christianisme et rendent difficile l’intégration de la religion musulmane dans les démocraties libérales nées au sein d’un monde chrétien, sont donc d’une part l’absence de distinction entre la politique et la religion, la cité et la communauté des croyants et d’autre part la forme du prosélytisme qui a, dès l’origine, eu recours à la force pour l’islam alors que les chrétiens n’y ont fait appel que dans certaines circonstances, préférant la conversion par la parole. Néanmoins, comme l’extension de l’islam a été prodigieuse, conquérant à l’Est l’Empire perse, une grande partie de l’Inde et de l’Insulinde, et à l’Ouest le sud des anciens territoires de l’Empire Romain jusqu’à la Gaule, puis en huit siècles l’ensemble de l’Empire Romain d’Orient, devenu byzantin, le monde musulman a intégré une variété culturelle considérable qui l’a éloigné des idées et des moeurs qui inspiraient les tribus arabes assez primitives qui l’ont vu naître. Sans doute les conquêtes, profitant parfois des divisions entre chrétiens, n’ont-elles pas toujours eu la même violence, ni la soumission des infidèles la même dureté. On rappelle parfois la tolérance qui régnait chez les Omeyyades de Cordoue, eux-mêmes en conflit avec les Abbassides de Bagdad. Ici et là, on cite quelques grands esprits comme Avicenne, Averroès, Omar Kayyam ou Ibn Khaldoun. Lorsque les Turcs Ottomans après avoir pris Constantinople vont jusqu’à Vienne, ils possèdent un Empire où les chrétiens sont souvent majoritaires, pratiquent leurs cultes et participent de façon éminente à l’administration et à l’économie du pays, de même que les juifs. Lorsqu’il s’effondre, au lendemain de la Première Guerre Mondiale et qu’avec lui disparaît le Califat, puisque le Sultan était à la fois empereur et commandeur des croyants, les occidentaux dominent la quasi-totalité de l’espace islamique. Celui-ci paraît alors éclaté entre les identités culturelles qui s’expriment au travers du nationalisme ou des obédiences de l’islam. La Turquie vire au nationalisme et réduit sur le territoire qui lui reste la population chrétienne, non-turque, arménienne, grecque, assyro-chaldéenne. L’Iran, perse et chiite, cultive sa singularité. L’Egypte se découvre un destin national. Le sultanat d’Oman est « ibadite ». L’Arabie voit triompher le wahhabisme des Saoud. Les Arabes dessinent en même temps, dans les années 30, les deux lignes politiques rivales encore au coeur de notre actualité : le nationalisme arabe laïc de Michel Aflak, un syrien chrétien qui fonde le Baas, le Parti de Bachar Al-Assad, et la renaissance de l’islam politique avec la fondation des Frères Musulmans par l’Egyptien Hassan Al-Banna.

C’est ce réveil islamique qui joue aujourd’hui le rôle principal. L’échec des nationalistes arabes face à Israël, la victoire des islamistes sur les soviétiques en Afghanistan, le soutien insensé des Occidentaux dans l’illusion du Printemps arabe, les moyens énormes des monarchies pétrolières du Golfe, souvent très rétrogrades sur le plan religieux, se sont ligués pour ouvrir la voie à un retour de l’islam à ses origines de conquête et de rigueur doctrinale. Il s’en suit que sous des formes différentes, l’islam poursuit son combat, impose ses principes et sa domination. La carte du monde est éclairante : du sud des Philippines à l’Afrique de l’Ouest, toutes les zones frontières entre régions musulmanes et non-musulmanes, chinoise, hindouiste, bouddhistes, animistes, chrétiennes, juive connaissent des troubles, la violence ou des rébellions. Du Pakistan à la Libye en passant par le Yémen, l’Irak et la Syrie, la guerre et les attentats frappent d’abord les musulmans eux-mêmes. Peu de pays échappent aux troubles. Certains ont rétabli la charia, un droit totalement incompatible avec celui des démocraties occidentales. Enfin, en Europe, l’immigration musulmane crée des difficultés spécifiques qui vont de revendications outrancières au terrorisme en passant par des provocations en vue de faire croître présence, visibilité et pouvoir. Que beaucoup de « musulmans » non pratiquants ou bien intégrés soient étrangers à ces problèmes est évident. Mais les éléments les plus dynamiques de l’islam sont repassés à l’offensive avec la complicité des démocraties occidentales par ignorance, bêtise ou intérêt. Même si beaucoup de musulmans n’aspirent qu’à vivre tranquillement en pratiquant ou non, un mouvement est enclenché qui se nourrit des frustrations sociales lorsqu’elles deviennent des revendications identitaires. Parce que l’islam est une religion différente, beaucoup d’immigrés musulmans ont tendance à constituer une communauté séparée et parfois hostile. Les « algériens » sifflant la Marseillaise en France, les Turcs avec « leur » drapeau, par milliers en Allemagne montrent un refus de s’intégrer à la nation qui les accueillent. Le droit du sol fabrique en France des double-nationaux, français de papier, non de coeur. Les Allemands prennent conscience du risque de l’immigration, du droit du sol qu’ils ont adopté, et d’une double-nationalité sur laquelle ils s’interrogent encore.

Ces signes inquiétants mêlent l’origine nationale à la religion. Sur le plan strictement religieux, les frictions se multiplient là où des obligations confessionnelles souvent accentuées se heurtent à la façon de vivre des habitants de nos pays. Ce problème revêt deux aspects. C’est d’abord un débat biaisé par une sorte de perversité intellectuelle qui consiste à utiliser le libéralisme pour délimiter un espace où les valeurs libérales seront exclues. La controverse sur le voile est typique : comment empêcher les femmes de se couvrir puisqu’elles disent le faire librement ? Le préjugé suivant lequel plus une femme peut se déshabiller, plus elle est libre, peut évidemment se retourner lorsque l’intéressée affirme sa volonté de ne pas être une femme-objet exposée au regard. Le soupçon occidental de la femme soumise, de l’homme en proie à une sexualité mal maîtrisée, bref d’un comportement archaïque, se renforce face à la burka afghane, mais s’effrite lorsqu’une diplômée qui vit chez nous affirme dans un français parfait son droit à porter le burkini sur la plage. L’autre face plus pernicieuse de la question porte sur l’égalité : notre société a mauvaise conscience de discriminer les musulmans alors que le sens de son histoire tend à promouvoir l’égalité. L’ennui, c’est que l’islam est fondé sur la discrimination, entre les croyants et les infidèles, « citoyens » de seconde zone là où règne la charia, entre les hommes et les femmes, auxquelles le Paradis est peu accueillant. La civilisation occidentale actuelle est prise dans un véritable piège qui consiste à devoir tolérer au nom de ses propres valeurs des idées et des moeurs qu’elle réprouve.

La France doit sortir de ce piège en limitant la présence d’une communauté musulmane importante en son sein, en exigeant de ses représentants une absence de tout lien avec une puissance ou une organisation étrangères, en restreignant étroitement le culte à son exercice en l’absence de tout enseignement et de tout prosélytisme. Une société ne peut aider au développement de ce qui va la tuer. Cet effort est considérable pour un pays qui a tendance à confondre progrès et décadence. D’une certaine manière, la présence de l’islam pourrait contribuer à un sursaut vital nécessaire.

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8 Comments

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  • brennou , 27 août 2016 @ 23 h 22 min

    La situation est effectivement insoluble puisque nos “démocraties républicaines” ou “modernes” ou ce que vous voudrez, ainsi que vous le démontrez, ne peuvent que chérir le poison qui les fait mourir, sans présenter les anticorps qui les défendraient, “political correcness” oblige.
    Il faut recentrer le combat sur ce qu’il est en réalité : une guerre de religion. L’Histoire le montre, et la nôtre en particilier, une civilisation sans religion est inviable !
    L’islam est l’arme de la religion du Mal, de Satan, contre la vraie Religion, celle du Dieu Créateur et de Jésus-Christ, Son Fils.
    A partir de là, et je laisse à l’enseignement bimillénaire de l’Église le soin de montrer les solutions, nous possédons des bases solides pour nous opposer aux prétentions musulmanes, dans le respect des personnes et dans l’utilisation droite de la force pour la défense des faibles. Toute autre solution n’est qu’un faux-fuyant qui ne fait qu’affaiblir les rangs de la chrétienté dans ce combat qui menace d’être final !

  • hermeneias , 28 août 2016 @ 10 h 16 min

    Pas pris le temps de lire in extenso ce nième long article de Mr Vanneste

    une diagonale m’a suffit pour voir une grosse lacune de formation théologique et des distinctions élémentaires qui ne sont pas faites entre le christianisme , sa doctrine , l’histoire de l’Eglise et de feu la “chrétienté” ou des sociétés dites “chrétiennes” , officiellement “chrétiennes” , imprégnées de culture chrétienne .
    L’article ne semble pas voir ce que révèlent les différences de conception du rapport religion-politique au niveaux beaucoup plus fondamentaux théo-logiques et anthropo-logiques . Ces différences de moeurs et d’organisations de la vie en société reposent sur des différences ontologiques , radicales et donc infranchissables .
    En christianisme , la foi et donc la “conversion” ne peuvent JAMAIS s’opérer sous la contrainte car elle repose sur une décision personnelle . La foi n’est pas congénitale ou génétique en christianisme alors que l’on NAIT MUSULMAN .
    Tout est là ramassé et tout le reste s’ensuit !

    L’islam est incompatible avec notre civilisation pour autant que nous l’assumions et que nous n’ayons pas renié le christianisme ( comme les petits valSS hollande et consorts qui ont l’aplomb d’aller faire des risettes à un pape jésuite…. )

  • Pierre 17 , 28 août 2016 @ 17 h 58 min

    En cette période préélectorale, n’oublions pas qu’Alain Juppé a obtenu que son ami, l’imam salafiste Tareq Oubrou, soit chevalier de la légion d’honneur !!!

  • ado , 29 août 2016 @ 10 h 32 min

    Un véritable piège , c’est bien le mot ; Et sur RMC Le grand prêtre du parler vrai J.J. Bourdin invite l’auditeur kamel à prendre le pouvoir avec les “belles idées généreuses ” qui tuent ceux qui ne sont pas étrangement de culture musulmane . Nous sommes vraiment très mal . Battons notre coulpe , d’odieux populistes,que nous sommes , les journalistes le veulent ….

  • Droal , 31 août 2016 @ 21 h 41 min

    Il ne faut pas confondre l’écrin et le Bijou.

    Les religions sont des écrins et Dieu est le Bijou, la « perle fine »…

    Les religions ne sont pas éternelles, seuls Dieu & l’Enfer sont éternels.

    L’état « éternel » est le « mode d’être » de Dieu et de l’Enfer, c’est-à-dire un état dans lequel y a une absence totale de temps et de durée, d’avant et d’après, de commencement et de fin, inconcevable pour l’homme.

    Tout comme est inconcevable pour l’homme la Mort éternelle & la Vie éternelle.

    Contrairement à ce que chante Michel Polnareff :

    – Nous n’irons pas tous au Paradis.

    – On n’est pas sur la troisième planète du système solaire pour rigoler.

  • VANNESTE , 1 septembre 2016 @ 12 h 05 min

    Réponse à Herméneias Effectivement, ne perdez pas de temps à lire ce que j’écris. Vous risqueriez d’apprendre quelque chose.

  • jsg , 3 septembre 2016 @ 9 h 29 min

    Malraux
    (1901-1976) André Malraux, écrivain, homme politique, (3 juin 1956) :
    « Les conséquences de ce phénomène sont encore imprévisibles. A l’origine de la révolution marxiste, on croyait pouvoir endiguer le courant par des solutions partielles. Ni le christianisme,(*) ni les organisations patronales ou ouvrières n’ont trouvé la réponse. De même aujourd’hui, le monde occidental ne semble guère préparé à affronter le problème de l’islam. (toujours d’actualité en 2016)
    En théorie, la solution paraît d’ailleurs extrêmement difficile. Peut-être serait-elle possible en pratique si, pour nous borner à l’aspect français de la question, celle-ci était pensée et appliquée par un véritable homme d’État.
    Les données actuelles du problème portent à croire que des formes variées de dictature musulmane vont s’établir successivement à travers le monde arabe. Quand je dis «musulmane» je pense moins aux structures religieuses qu’aux structures temporelles découlant de la doctrine de Mahomet.
    Peut-être des solutions partielles auraient-elles suffi à endiguer le courant de l’islam, si elles avaient été appliquées à temps. Actuellement, il est trop tard ! Les «misérables» ont d’ailleurs peu à perdre. Ils préféreront conserver leur misère à l’intérieur d’une communauté musulmane. Leur sort sans doute restera inchangé. Nous avons d’eux une conception trop occidentale.
    Aux bienfaits que nous prétendons pouvoir leur apporter, ils préféreront l’avenir de leur race.
    L’Afrique noire ne restera pas longtemps insensible à ce processus. Tout ce que nous pouvons faire, c’est prendre conscience de la gravité du phénomène et tenter d’en retarder l’évolution. »
    (*)-Il n’a pas vécu assez longtemps pour percevoir, que c’est le christianisme qui a mit fin à l’occupation soviétique du bloc de l’Est, grâce à la Pologne et au pape de l’époque.

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