Les enfants gâtés du système

C’est la crise habituelle d’une maladie chronique. Les agents de la SNCF ont fait leur grève histoire que personne n’oublie leur existence. Le grand public ne sait plus trop pourquoi ils la font. Il sait seulement qu’ils ont les moyens de la faire sans risque ni pour leur entreprise qui est une institution nationale, ni pour leur emploi, ni même pour leur revenu, coquet, d’ailleurs. Certains naïfs se disent même que cette sécurité permet une sorte de grève par procuration au bénéfice de ceux qui n’en ont pas la possibilité. On ne veut pas de la loi El Khomri, réputée trop favorable au patronat. Les mouvements sociaux vont faire reculer le gouvernement.

Penser ainsi, c’est vraiment avoir tout faux. D’abord, avant les reculades gouvernementales, la loi sur le travail introduisait cette flexisécurité qui permet aux scandinaves d’afficher dans des sociétés bercées par les idéologies social-démocrates des taux d’emploi à nous faire pâlir d’envie. L’hostilité à son encontre fait preuve d’un aveuglement qui ne fait pas honneur à l’intelligence de notre pays.

Ensuite, les agents de la SNCF n’ont pas fait grève pour les autres et contre la loi El Khomry, mais pour eux. L’ouverture, bien tardive, à la concurrence doit se faire pour les lignes à grande vitesse en 2020 et pour le reste du réseau en 2024. Les syndicats de l’entreprise publique défendent âprement les avantages des salariés statutaires qui alourdissent de 20% le coût de fonctionnement par rapport aux futurs concurrents. S’agit-il de sauvegarder les privilèges, les inégalités manifestes du statut ? Non, ceux-ci ne sont pas menacés. Les « roulants » continueront à prendre leur retraite à 55 ans jusqu’en 2024, où ils feront l’effort inouï d’aller jusqu’à 57, après un emploi garanti à vie, avec toutes sortes de petits cadeaux, comme les transports gratuits. Le problème est plus « immédiat ». C’est celui des conditions de travail.

Une négociation entre les syndicats et les employeurs regroupés au sein de l’UTP (Union des Transports publics et ferroviaires) doit permettre l’application du décret, prévu pour le 1er Juillet, qui fixe le socle des conventions collectives. C’est aujourd’hui même que les discussions commencent à la Sncf pour déterminer l’accord d’entreprise. Si le décret visait à réduire de moitié le différentiel entre la Sncf et ses concurrents, les syndicats voudraient au contraire que l’on impose le carcan qui les protège aux autres. La CGT, jamais avare de démagogie souhaite même la réduction du temps de travail à 32 heures au lieu de 35, et plus généralement, l’ensemble s’accroche aux règles définies par le RH077 : pas de diminution des repos doubles, ni des temps de repos à domicile, pas d’augmentation des nuits passées hors domicile. Celles-ci devront être payées au-delà de 3 km de distance, et non de 50. On voit dans ce détail, de même que dans l’existence d’une prime de charbon, le soin jaloux des cheminots à préserver les acquis de l’histoire. Jamais de retard à la Sncf, bien sûr !

Pour avoir une claire conscience du souci aigu de l’égalité qui habite ces revendications défensives, la barre des 115 jours de repos visée au terme de la négociation correspondrait à une diminution de 15 jours pour le public, mais à une augmentation de 11 pour le privé. La grève d’hier, comme les deux autres depuis 8 semaines a donc pour but de sauvegarder de menus privilèges. Bien sûr on cesse le travail avant de discuter. On fait perdre de l’argent à une entreprise déjà déficitaire, on empoisonne la vie des usagers, et de leurs employeurs, on détériore un peu plus l’image de notre pays. Globalement, on coûte de tous les côtés au contribuable. Extraordinaire contradiction d’agents qui tirent leur statut du service public et qui le maltraitent pour défendre mieux que d’autres leurs intérêts privés ! Le bon sens consisterait évidemment à interdire la grève en compensation des avantages liés au maintien et à l’excellence d’un service public. Un TGV sur 2, un intercité sur 3 ont roulé. Les Français se sont « débrouillés », par les deux côtés : les uns ont profité d’une autre tare du système socialiste en posant une journée de RTT, les autres ont fait marcher les avancées du libéralisme en usant des bus, voire du covoiturage.

Pendant ce temps, d’autres chouchous du système, les intermittents du spectacle, qui coûtent si cher au déficit de l’assurance-chômage et permettent à leurs employeurs, comme les télévisions, de se faire des bénéfices sur la dépense publique, pratiquaient une grève offensive en occupant l’Odéon et la Comédie Française, au mépris des spectateurs, de l’argent public et de l’image du pays. Rejoints par des « étudiants » et par « nuit debout », l’extrême-gauche s’offrait un joint de nostalgie soixante-huitarde. Une « cultureuse » osait : « c’est la culture qui va sauver ce pays ! » On avait envie d’ajouter : oui, surtout quand on annule des spectacles !?! Le mélange d’égoïsme satisfait et de bêtise profonde qui règne dans une partie de notre pays est parfois désespérant !

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15 Comments

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  • Alam , 29 avril 2016 @ 9 h 39 min

    Il serait temps d’en finir avec ces privilèges, abus et passe-droits des agents publics. Je pense qu’il faudrait tout simplement supprimer le droit de gréve à ceux qui ont la garantie de l’emploi à vie. C’est le combat à mener pour échapper au racket permanent qu’ils exercent sur le pays.
    Pour commencer ce combat dans l’opinion, on pourrait afficher la liste à rallonge de tous les avantages des employés de la SNCF, salaires élevés, retraites, congés, primes, avantages en nature, etc. Il faut les montrer tels qu’ils sont : d’éternels râleurs, gavés et surprotégés, enfants gâtés d’un système archaïque, accrochés comme des tiques à la peau du contribuable.

  • michel77 , 29 avril 2016 @ 9 h 54 min

    bonjour Alam

    Je sais qu’il est de bon ton de taper sur les fonctionnaires, je suis a la retraite aujourd’hui, 35 ans comme ouvrier d’état, 35 ans a travailler samedi, dimanche et jours ferries a 10/15 heure par jours. Vous tapez sur les personnels sncf alors sans vouloir préjuger ça vous ferait quoi de travailler les web-end et jour ferries, de travaillez a Noël loin de votre famille?

    Bonne journée a vous

  • lagodasse , 29 avril 2016 @ 10 h 02 min

    Il y aurait pourtant une mesure simple à prendre qui serait de revoir à fond le statut des NOUVAUX EMBAUCHES à la SNCF. Si les syndicats s’y opposaient et si l’Etat avait le courage de faire la pédagogie nécéssaire, l’opinion des français obligerait la CGT à se calmer. Tant que les cheminots, ces nantis ultra privilégiés pourront arguer du fait qu’ils ont été embauchés selon un certain statut, ils auront toujours la légitimité de dire que l’on ne “change pas la règle du jeu durant la partie”

  • lagodasse , 29 avril 2016 @ 10 h 04 min

    Et si on commençait par revoir le statut des nouveaux embauchés à la SNCF ??

  • Gérard Couvert , 29 avril 2016 @ 10 h 48 min

    Tous les fonctionnaires allemands ont fait grève la semaine dernière … argumentation sans fondement.

  • Charles , 29 avril 2016 @ 11 h 02 min

    Il a fallu un FPO a 34% en Autriche pour réveiller les forces de l’empire.
    Les partis fédéralistes & proslamistes à Vienne finissent par changer de code.

    Ils viennent d’oser l’impensable: Changer la loi Autrichienne pour pouvoir
    bloquer les envahisseurs et donc les diriger vers les pays “mous” comme nous.
    Ceci prouve bien que voter pour les “méssants” du FN de “Marine la Haine”
    cela finit par ouvrir les yeux des aveugles et des pleutres.

    Même si le FN a du mal a atteindre une majorité aux T2,
    il faut les renforcer pour les pousser toujours plus haut.

    In fine, les pires des électeurs sont les “BYBO-3.000”
    A savoir le segment des Babby Boomers (nés en 45/50)
    avec une retraite net de 3.000 a minima à deux,
    qui votent pour le système, mais avec un fort taux de participation aux T2
    en comparaison des autres segments qui votent soit blanc,
    soit terre brûlée (Hollande ou Mechanbon),soit s’abstiennent.

    Les BYBO ont d’ailleurs eu des enfants dans les années 60/70
    qui sont devenus soit BOBOS, soit BABAS (emplois protégés attribués).
    Ces BOBOS-BABAS sont a plus de 4.000 net. (a deux ou tout seul).

    Ce groupe de 2 segments (BYBO-3.000-BABA-4.000) représente
    plus de 10 % des électeurs mais plus de 20% des électeurs exprimés aux T2.
    Ce sont eux qui constituent le verrouillage de l’UMPS.

    Ils vivent dans un merveilleux négationnisme du réel remplaciste
    parce que ils ont les moyens financiers d’y échapper.

    http://www.fdesouche.com/723837-autriche-le-droit-dasile-va-connaitre-un-grand-tour-de-vis

  • delaye , 30 avril 2016 @ 10 h 08 min

    Si on virait déjà tous les alcooliques de, la SNCF, on ferait de drôles d’économies.

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