De la mauvaise foi avant toutes choses

Quand les media et la mairie de Paris font trembler dans les chaumières…

Tribune libre de Myriam Picard* pour Nouvelles de France

M’exprimer au sujet des manifestations contre la pièce de Castellucci (ici, et ) m’aura valu mille qualificatifs agréables (mes préférés restant « traître » et « ralliée à la culture de mort »), mais je maintiens ma position. Je maintiens que des affiches telles que « Dans de ce théâtre, on insulte les chrétiens » me semblent en désaccord total avec ce que j’ai vu et ressenti personnellement. Néanmoins, un des aspects les plus intéressants de cette affaire aura sans nul doute été son traitement médiatique et la réaction de la mairie de Paris. Le deux poids deux mesures et la mauvaise foi journalistique auront produit leurs fruits les plus remarquables ces derniers jours, et je ne puis m’empêcher d’être une fois de plus profondément navrée par le torrent d’insanités que les journalistes habituels déversent dans des colonnes par ailleurs furieusement bienveillantes pour des causes peu irréprochables.

Tout est bon pour faire trembler gratuitement dans les chaumières. Ainsi, on aura pu lire partout, sur un ton suspicieux, qu’il y avait dans la manifestation des « prêtres en soutane ». Des prêtres en soutane ! Rendez-vous compte ! Scandale et comble de l’horreur ! Insérée dans un texte caricaturant tous les manifestants, la remarque ne signifie qu’une chose, que le lecteur-consommateur du Nouvel Obs ou du Monde traduira automatiquement par : « dangereux obscurantistes ». Que la soutane, comme le clergyman strict, marque et révèle, simplement la qualité de prêtre, cela ne leur effleure pas l’esprit. Le voile musulman est par nature respectable, puisque fruit d’un « choix » forcément bon, mais la soutane, point. 

De la même façon, on nous informe charitablement que la manifestation était composée « de croyants de tous âges », mais on s’empresse de prendre des photos de personnes âgées à l’air hargneux, un peu comme lors des marches pour la vie, où les journaleux évitent scrupuleusement d’interviewer la jolie fille à l’air futé qui défendra merveilleusement la cause des enfants, pour préférer se précipiter vers un gâteux qui va leur confier que tout ça, c’est la faute de l’Antéchrist et du complot judéo-maçonnique.

Ce sont les mêmes qui vont écouter béatement les « Allah Ouakbar » de jeunes Français d’origine maghrébine qui sifflent la Marseillaise, trouvant fabuleux cette expression de la différence, mais prennent des mines de caniche terrorisé en racontant que les manifestants d’hier « récitaient des cantiques ». Des cantiques ! Quelle horreur ! La bête immonde ressuscitée dans un Ave Maria ! Les manifestants auront d’ailleurs eu droit à la trilogie médiatique infernale : chapitre I, « intégristes ». Chapitre II, « fondamentalistes ». Chapitre III, « fascistes ». Il fallait s’y attendre. Mais la culture religieuse de nombreux Français est tellement proche du néant que n’importe quoi peut passer pour une vérité première. C’est ainsi, comme je le racontais dans un précédent billet, qu’un membre du personnel du théâtre me confia avec une angoisse consternante que, mon Dieu, abomination de l’abomination, ces gens-là allaient à la messe en latin. Il manqua faire une attaque quand je lui confiai que moi aussi, et je le laissai profondément perturbé de découvrir que des gens équilibrés et sociables… allaient à la messe en latin.

On ne compose pas un plateau télévision, sur un sujet aussi brûlant, et si l’on veut être totalement intègre, sans réfléchir aux conséquences morales et déontologiques de la sélection des invités. Ainsi, quand Paul Amar choisit de faire venir l’abbé de La Morandais (prêtre médiatico-niaiseux dans la lignée de Mgr Gaillot) pour discuter de la manifestation envers le spectacle de Castellucci, et le présente comme « un expert de l’échange », expert qui vient d’ailleurs de cosigner un ouvrage avec un juif et un musulman[1], et que cet abbé s’empresse de traiter tous les manifestants de « fachos cathos » (ce qui prouve par ailleurs combien il sélectionne ses objets « d’échange »), je pouffe. « En Algérie vous défendiez la torture » goldwine-t-il avec affectation à l’attention de François-Xavier Peron, membre de Civitas. Et il continue sa litanie d’âneries : « A Saint Eloi, en 69, vous agressiez à coups de barres de fer… » « Je suis né en 1983 ! » lui réplique François-Xavier Peron, dont je ne partage nullement les positions sur cette affaire, mais qui gardera un calme imperturbable que je salue.

 

« Malheur à moi ! Je suis nuance »


Politique et religieux auront été allègrement mêlés dans cette affaire, d’un côté comme de l’autre. Le Monde titrera « Extrême-droite : la mouvance intégriste cherche sa revanche », en citant pêle-mêle Franco, Salazar, Bruno Gollnisch, Léon Degrelle et l’abbé Beauvais. Il se sera bien gardé de faire comme Nouvelles de France, c’est-à-dire d’aller à plusieurs reprises à la rencontre des manifestants, dont des chaldéens férocement anti FN, des membres de l’Emmanuel tout autant, et également, en effet, des sympathisants de la droite nationale. « Malheur à moi ! Je suis nuance » écrivait Nietzsche : s’intéresser ne serait-ce que cinq minutes de son existence aux motivations profondes de nombreux manifestants exigerait apparemment trop d’efforts. On s’empresse donc de baptiser tout cela du doux nom d’extrémisme, de prendre en photo de très jeunes garçons (qui, et cela n’est que mon avis, auraient à cette heure tardive dû être au lit depuis bien longtemps, un lait chaud, ta prière et au dodo dans ton lit plutôt que face à des CRS), et d’ignorer la présence d’un certain nombre de jeunes tout à fait pacifiques et recueillis. C’est plus facile, ça coûte moins cher, et ça permet de mettre en pratique Le Journalisme pour les imbéciles. Filmer un prêtre en soutane en train de prier devrait être anodin : mais par la grâce d’une bonne voix off merveilleusement insinuante, et de montages staliniens, on fera de cette figure de prêtre un soldat haineux. Il n’y a rien de plus facile, et notre époque fournit toute une panoplie d’outils techniques pour cela. Un journaliste présent vendredi soir me confia d’ailleurs avec affectation qu’il était tout à fait étonné par le style vestimentaire des manifestants. Décidément agacée, je lui demandai vertement à quoi il s’attendait : des cols Claudine ? Un millier de jupes écossaises ? Il opina d’un air profond et répliqua : « Ben oui, c’est vrai, quoi, y en a qui ont même un style de gauche ».

Il est tout de même amusant de constater que ces manifestations auront fait grand bruit, mais que bien peu de journalistes se seront rués rue Myrha avant que certains mouvements ne secouent tellement le cocotier qu’ils soient pratiquement obligés de faire un tour dans le XVIIIème arrondissement. Amusant lorsque l’on arrive encore à conserver quelque recul, mais profondément agaçant lorsque l’on sait combien ces « Bobards d’Or » dont ils nous gratifient quotidiennement se renouvellent dans un état d’esprit de plus en plus pitoyable et de mieux en mieux financé.

Ce qui m’écoeure néanmoins le plus dans cette affaire, c’est la réaction de la mairie de Paris. Bertrand Delanoë aura fait payer aux contribuables une émouvante petite sauterie pour la rupture du jeune du Ramadan, il finance un Institut des Cultures Islamiques, refuse systématiquement de se frotter à des intervenants capables de prouver sans négation possible que la laïcité est sans nul doute le principe qu’il aura le moins respecté, mais produit des communiqués de presse plus ronflants les uns que les autres, sur l’affaire du Théâtre de la Ville. Nous apprendrons ainsi qu’il est « consterné et inquiet » par quelques centaines de pèlerins qui poussent le cantique, ce pauvre chou dont on n’obtient pourtant aucune réaction lorsque des islamistes appellent tranquillement au meurtre des Juifs en plein Paris.

Le communiqué de Maître François Souchon, avocat des manifestants interpellés, m’a littéralement écoeurée, dans ce qu’il révélait d’inégalité de traitement et d’imposture judiciaire. Quand on connaît le nombre de délinquants et de criminels traités aujourd’hui avec le laxisme le plus inouï de la part des autorités, et qu’on compare cet état de faits avec la façon dont nombre de jeunes catholiques se sont vus traiter cette semaine, et même si l’on n’est pas d’accord avec cette manifestation, on ne peut qu’être scandalisé. Petit florilège :

« Deux nuits de suite, je suis passé de commissariat en commissariat pour assister mes clients placés en garde à vue. Alors que je me présentais au poste du Vème arrondissement de Paris, muni de ma carte professionnelle, il m’a tout simplement été interdit de voir mes clients et de leur parler après que le policier de l’accueil ait passé un coup de téléphone… ! Il a été signifié à mes clients qu’ayant été arrêtés à Paris, ils n’avaient pas le droit de désigner pour leur défense un avocat du barreau de Chartres : premier mensonge. Il leur a ensuite été signifié que le même avocat ne pouvait défendre à la fois plusieurs des personnes impliquées dans l’affaire : second mensonge. L’on a tenté de faire signer à mes clients un procès-verbal signifiant la fin de leur garde à vue de 24h, alors qu’ils en étaient déjà à leur 32ème heure de garde à vue ! Et des telles manœuvres se sont répétées et multipliées durant toute la procédure. »
« Si dans les autres commissariats les entretiens se sont mieux passées, les officiers de police judiciaire, censés être maîtres de la décision de placer ou non un citoyen en garde à vue, m’ont confié que ce pouvoir leur avait été ôté dans cette affaire précise et qu’ils avaient subi eux-mêmes d’extraordinaires pressions venant ‘de très haut’ . D’autres policiers se sont dits révoltés que les maigres moyens dont ils disposent soient mobilisés dans une affaire aussi absurde et ont même déclaré ouvertement aux personnes placées en garde à vue leur sympathie à l’égard de leur cause. Alors qu’on me laissait entendre que mes clients seraient libérés sous peu après leur arrestation, les policiers me confiaient qu’ils avaient finalement reçu de ‘nouvelles instructions’ pour que la garde à vue soit prolongée au maximum ! »

Il est infiniment plus facile d’embarquer et de terroriser de jeunes cathos qui pour la plus grande partie d’entre eux vont se laisser faire, que certains manifestants d’extrême gauche dont on sait qu’ils ont la sympathie de politiciens qui furent en 68 de bons petits bourgeois prétendument subversifs, et qui s’empresseront de porter plainte, avec grand tapage médiatique, contre les « violences policières ». Libé s’empresserait de rapporter de graves manquements de procédures si ces derniers concernent un voyou ou un dealer, mais se taira courageusement si la même situation est vécue par un catho qui aura manifesté illégalement… en priant et à genoux… De la mauvaise foi, encore et toujours…

[1] Les enfants d’Abraham…

*Myriam Picard est journaliste et membre du Comité de rédaction de Riposte Laïque.

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9 Comments

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  • 0 / 10
  • diego , 31 octobre 2011 @ 16 h 57 min

    La christianophobie des “merdias” français n’est plus à démontrer. Ces journaleux bobos sont béats devant l’islam religion de paix et de tolérance, comme chacun sait, mais cathos… Oh lalala!!!!!! Quelle horreur…Qui nous débarrassera de cette engeance, qui véhicule la pensée unique!!!!!!!!!!!! Je répète je suis heureux de vivre en Amérique du Sud quand je vois la déchéance morale dans laquelle est tombée ce beau pays qu’est la France

  • Majeur , 31 octobre 2011 @ 17 h 55 min

    Myriam ++

  • Majeur , 31 octobre 2011 @ 18 h 45 min

    Après une visite sur Riposte Laïque.

    Oui.
    Mais pourquoi lorsque vous défendez vos frères sur Riposte Laïque devez-vous mettre à mal d’autres catholiques dans le même article?
    J’ai le sentiment que c’est une manière de “donner des gages” aux laïcs forcenés.
    L’article ci-dessus est une remarquable information. Riposte Laïque le mérite tout autant.

  • diégo suarès , 31 octobre 2011 @ 22 h 09 min

    Rien d’étonnant , toujours les mêmes méthodes staliniennes de la caste journalistique parisienne,souvenez vous des bombardements sur la Serbie transformés par la vertu de leurs mensonges en “frappes humanitaires”, même Régis Debray avait été excommunié (et avait ensuite écrit un essai qui restera dans les annales , “L’Emprise”, sur le pouvoir indécent de cette caste médiatique.

  • Amable Antoine , 31 octobre 2011 @ 22 h 12 min

    Je lis avec intérêt vos chroniques sur cette ”affaire” et m’étonne de votre position sur le fond, c’est à dire sur la pièce elle-même et son argument principal qui n’est pas le vieil homme incontinent et dégoulinant, mais bel et bien ce visage de Christ qui domine et l’espace et le temps de la pièce.
    Pour moi, et à l’évidence vous ne partagez pas ce point de vue, rien ne peut ni ne pourra jamais justifier que l’effigie d’un homme soit maculée d’excrément ou plongé dans l’urine, car il en va de la dignité même de l’espèce humaine. J’espère que vous ne pourriez que me donner raison si ce visage avait été, au choix : celui du général de Gaulle, de Jean Jaurès, de Jean Moulin, de mon grand-père, voire celui de Marianne
    Dès lors qu’il s’agit du visage de Dieu fait homme, Jésus-Christ, à l’indignité s’ajoute la profanation. D’ailleurs, l’Église qui, à juste titre, se dit ”experte en humanité” peut-elle raisonnablement et sans se déjuger, accepter un traitement aussi dégradant d’un seul de ceux que Jésus est venu sauver, sans compter le Fils de l’homme Lui-même ?

  • mcr , 2 novembre 2011 @ 9 h 10 min

    myriam, vous avez un sacré courage … s’il est vrai que vous n’avez que 26 ans, cela promet !
    il est réjouissant de vous lire et de constater que les jeunes se bougent. C’est notre génération, hélas, qui a baissé les bras. pas nous … mais représentant une minorité ridiculisée par ses propres enfants, nous avons fini par céder, comme d’autres. voilà le résultat.
    haut les coeurs
    parpaillottement vôtre

  • henri , 2 novembre 2011 @ 10 h 05 min

    Réponse à Myriam Picard

    Myriam Picar vous êtes fort sympathique . Permettez moi tout de même de ne pas partager votre point de vue sur la pièce ; Je me suis longuement expliqué dans une réponse avec Jacques de Guillebon, la dessus ; Pour faire court je résume
    Il me semble bien que la pièce traite de la déchéance face à la mort d’un vieillard assisté par un fils impuissant devant une image du Christ qui est mise à mal.
    N’est pas Tarkovski, Dostoïevski, qui veut, (et on peut aussi songer au peintre Mathias Grünewald qui représente dans son célèbre retable d’Issenheim une passion du Christ particulièrement éprouvante. ()
    Maintenant quand Myriam Picard évoque « Job sur son tas de fumier ». On pourrait vous répondre que Job non plus au fond de sa déchéance ne s’y repait pas, mais crie vers Dieu sans se souiller.
    Le nœud du problème : il peut y avoir un appel en creux de Dieu dans le pire des blasphèmes et le doute peut saisir le chrétien le plus enraciné dans sa foi ,( pensons à la peinture saisissante de réalisme de Grünewald sur la crucifixion, et à celle d’Holbein sur un une mise au tombeau du Christ qui pourrai t faire perdre la foi , tellement le choc est rude avoue Dostoïevski dan son Journal et dans l »Idiot » ) …mais le sacrilège ; l e mépris du sacré, de ce qui reste dignité indestructible à l’homme, au Christ dans les pires moments de son existence est totalement destructeur nihiliste et nous avons en tant que chrétien, mais même honnête homme agnostique, athée, musulman, que sais-je encore. Et y- a-t-il eu sacrilège ?
    Par exemple, ce père dans pièce n’est pas abject dans sa décomposition physique, qui nous guette tous, mais là où il semble l’être selon les comptes rendus objectifs, c’est dans la complaisance complice de l’auteurs qui renvoie bien à une des pires tentations d e notre temps, dans un sacrilège nihiliste qui s’infiltre pas à pas.
    Et il y a une vraie compassion celle qui nous sauve de notre détresse ,, essuie toute larme , soulage par offrande, celle de mère Térésa par exemple, et une compassion perverse, , celle qui justifie l’euthanasie par exemple ou d’autres atteintes à la vie. ?) De quel droit ?
    Il peut sembler bien que cette pièce, ambigüe ne conduirait qu’ à une démission de nous même devant les affres de la mort et n’est en rien sacrificielle, mais devient malgré nous sacrilège.
    Mais merci d’avoir animé le débat avec ce calme Myriam Picard

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