La France et l’Allemagne refusent la démocratie directe

Au moment même où les Croates viennent, par le biais d’un référendum d’initiative populaire d’affirmer très nettement leur attachement à la défense du mariage en faisant mentionner dans la Constitution croate que le mariage est le fait de l’union d’un homme et d’une femme, l’Europe occidentale poursuit son rejet de la démocratie directe, qui constitue – ce que nos élites dirigeantes n’ignorent pas – un véritable contrepouvoir aux dérives de la démocratie représentative.

En Allemagne, le programme de la nouvelle coalition gouvernementale (CDU/CSU et SPD) conduite par Angela Merkel vient d’être présenté officiellement. La mise en place de la démocratie directe au niveau fédéral n’en fait pas partie, alors qu’il s’agissait d’un des thèmes de la campagne électorale et que la CSU et le SPD y étaient favorables, comme 84% de la population allemande, d’après le dernier sondage Emnid traitant de cette question. La chancelière fraîchement réélue a simplement dit non. Contre l’avis largement majoritaire du peuple, mais également contre l’avis largement majoritaire de la base de son propre parti.

Au même moment les institutions françaises valident dans un silence assourdissant la mise en place du référendum d’initiative partagée, qui est une parodie grotesque du référendum d’initiative populaire. Tellement grotesque que tous les observateurs s’accordent à dire qu’aucun référendum d’initiative partagée (l’initiative populaire étant partagée avec le parlement) ne verra jamais le jour dans la forme actuelle de la loi.

En mars 2011, un sondage de l’Ifop révélait que 72% des Français étaient favorables (et seulement 12% contre) à la mise en place du référendum d’initiative populaire en France.

Dans les deux cas, en France comme en Allemagne, les dirigeants élus ont refusé à leurs électeurs le droit à la démocratie directe.

Pour autant, l’aspiration à la démocratie directe ainsi que sa pratique progresse lentement en Europe et dans le monde. Les Allemands sont de plus en plus massivement favorable à cette modification fondamentale de leurs institutions, et pour la première fois en Allemagne l’introduction de la démocratie directe au niveau fédéral a été un des enjeux des discutions de la coalition gouvernementale. Cela s’explique certainement par le fait que les électeurs allemands pratiquent la démocratie directe au niveau des Länder, et semblent de moins en moins comprendre pourquoi, dans la mesure où ils sont censés être le peuple souverain, les référendums d’initiative populaire ne seraient pas possible au niveau fédéral, là où tout se décide, d’autant plus qu’en 2005, ils ont vu les Français et les Hollandais voter sur l’Union européenne, sans qu’ils aient eu eux-mêmes droit au chapitre.

Aux États-Unis, la démocratie directe existe également dans 26 des 50 États, et elle y est de plus en plus pratiquée. Et plus de 60% des Américains sont également favorables à l’introduction de la démocratie directe au niveau fédéral.

Les démocraties parlementaires sont et ont toujours été des formes de despotisme éclairé. Les citoyens y sont considérés assez libres et responsables pour élire leurs représentants par des modes de scrutin par ailleurs on ne peut plus contestables, mais ne sont pas considérés assez libres et responsables pour décider directement, en tant que peuple véritablement souverain, des questions politiques les plus importantes, à commencer par les questions d’ordre constitutionnel, qui vont déterminer les règles du jeu démocratique et les droits civiques fondamentaux.

Au cours de l’Histoire, les monarchies absolues se sont transformées en monarchies constitutionnelles, les élections aux scrutins censitaires ont évolué en scrutins au suffrage universel masculin, et accorder le droit de vote aux femmes s’est finalement imposé comme une évidence.

La progression constante de la pratique du référendum d’initiative populaire aux États-Unis, les récents débats sur l’introduction de la démocratie directe au niveau fédéral en Allemagne, ainsi que le haut niveau d’opinion favorable à la démocratie directe aux États-Unis, en France ou en Allemagne, laissent à penser que l’imposture intellectuelle et politique qui consiste à prétendre que la démocratie peut se concevoir sans démocratie directe, sans que le peuple ait véritablement la main sur ses propres affaires et son propre destin, commence sérieusement à battre de l’aile.

Il n’y a pas de véritable démocratie sans démocratie directe, nos voisins suisses le savent depuis longtemps, et de plus en plus de citoyens et de peuples à travers le monde commencent à s’en rendre compte.

Source : Unsri Heimet (http://blog.unsri-heimet.eu/2013/11/7984/)

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18 Comments

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  • eric-p , 3 décembre 2013 @ 13 h 51 min

    Une humble prière : Surtout pas le Conte de Paris !

  • xtemps , 3 décembre 2013 @ 14 h 54 min

    Depuis 1992 avec les accord de Maastricht(voir Philippe Seguin),nous plus en démocratie,mais une dictature.

  • eric-p , 3 décembre 2013 @ 15 h 07 min

    Le système politique français actuel doit certainement être remis en cause pour les raisons
    qui ont été invoquées par NdF et ses lecteurs.
    Pour autant, je ne suis pas sûr que la “démocratie directe” soit la panacée.
    En apparence, la Suisse présente pas mal d’avantages sur la le système “chienlit” français (Pas de dette publique importante, bonne gestion apparente des finances de l’Etat fédéral, apparemment bonne cohésion sociale,
    pas beaucoup de conflits sociaux, bon niveau apparent des sciences et technologies, industrie protégée,…).
    Pour autant, ce système suisse présente des dérives inacceptables en ce qui me concerne:

    -On y autorise l’eutha…euh le “suicide assisté” (ce qui est encore pire amha !)
    …ainsi que le “morbidotourisme” (Aller simple France-Suisse )

    -On y autorise le trafic de stupéfiants (Vente “d’infusions” à base de drogues dites “douces”)

    -L’opacité du système bancaire permet le blanchiment d’argent sale
    et toutes sortes de magouilles internationales.

    -Les référendums “populaires” s’apparentent souvent à des référendums…populistes !

    -Le vrai pouvoir (L’Etat fédéral) est totalement opaque: Vous ne saurez jamais rien des tractations diplomatiques entre la Suisse et les autres états-nations.

    -On ne sait rien de l’influence des industriels sur les politiques.

    -Quid du financement des syndicats, des associations en tous genres et de la répartition des dépenses publiques ?

    Personnllement, je crois qu’il faudrait commencer par remettre en cause le système du droit de vote automatique à l’ensemble des citoyens français ayant au moins 18 ans.
    Autant donner le permis de conduire à des aveugles !
    La développement économique du pays est, qu’on le veuille ou non, conditionné par le développement des sciences et de la technologie.

    Problème: 80% de la population française n’a même pas le niveau du baccalauréat scientifique ! Autant dire que 80% de la population est civiquement “analphabète”.
    Voilà la situation “brillante et magnifique” que nous livre aujourd’hui les “lumières” de l’oligarchie actuelle en ce début de XXI ème siècle !

    Et si ce n’était que ça !
    La plupart des gens ne connaissent rien à l’économie, ne savent rien des échanges internationaux, la géopolitique leur est totalement étrangère,etc…
    Dès lors, je ne vois pas très bien comment on peut impliquer directement une large fraction de la population à la gestion de l’état !
    Il n’est même pas certain que celà puisse donner les “meilleurs” résultats (pour autant que ce mot ait un sens !).

  • V , 3 décembre 2013 @ 18 h 45 min

    bah c’est sur, les suisses ne sont pas démocrates !!!!!!!

    Avec des français comme vous, on comprend pourquoi on en est la!!!

    -les banques françaises ne blanchissent pas (officiellement) J’imagine que les riches russes ou chinois paient en cash et ne font pas confiance aux banques francaises
    – l’état français ne blanchi pas, en particulier les nombreuses donations aux amis africains et, c’est bien sur, nous trions strictement et catégoriquement les préteurs internationaux auprès de qui nous quémandons à longueur d’années !!!
    Pour les stupéfiants, les français sont les plus gros consommateurs d’Europe, mais c’est pas grave parce que chez nous c’est interdit, même que c’est marqué dans la loi !!! (idem pour les suicides sauf peut être pas les premiers)
    Pour les syndicats, il vous faudrait parcourir un peu plus le net ou alors informer vos concitoyens si vous avez des infos car pour ce qui est de leur financement, c’est plutôt flou et relèverait plus du grand banditisme que d’une démocratie!
    Ce qui vous manque, comme au peuple français, c’est une information honnête et pas des usines à gaz concoctées pour des gens comme vous, équipés d’Œillères leur permettant de voir loin devant sans se soucier de ce qui y a sur les cotés (la dette publique par exemple, vous savez, l’héritage de nos enfants, petits enfants et enfants de nos petits enfants).
    C’est beau les grands principes !!
    Au fait, ça veut dire quoi “populiste” En suisse, il me semble que c’est le plus souvent quand une majorité dit non à une minorité agissante, les progressistes comme on dit en politiquement correcte!

  • baldag , 3 décembre 2013 @ 18 h 50 min

    Si Madame Merckel dérive, l’Allemagne va dériver aussi!

  • eric-p , 4 décembre 2013 @ 14 h 27 min

    Ce n’est pas parce que je critique le système suisse
    (dont j’apprécie néanmoins certains aspects ), que le système
    français est meilleur pour autant.
    Je suis plutôt favorable à une plus grande implication du peuple dans
    le fonctionnement de l’Etat….mais je ne veux pas qu’on cite la Suisse
    comme “le paradigme de ce qu’il faut faire absolument”.

    Bien sûr, je suis au moins partiellement au courant des
    “magouilles” de la France (pays très mal classé paraît-il dans le
    “baromètre des pays corrompus)
    FranceAfrique ou France à Fric, le fils Mitterand reconnu coupable de fraude fiscale, l’affaire Cahuzac,etc…

    Ce n’est pas une raison suffisante pour montrer la Suisse
    comme un paradis du développement économique et social.
    C’est un modèle néanmoins intéressant pour reconstruire notre systèmepolitique et social.
    Tout est dans la nuance….

  • johnDeuf , 3 janvier 2014 @ 23 h 44 min

    Je ne suis pas spécialement monarchiste mais comme Jean Sévilla je ne connais pas de monarchies absolues dans l’histoire de France. En fait elles avaient une constitution non écrite mais fondée sur les us et coutumes et les institutions mises en place au cours des siècles.
    Une constitution écrite peut être un progrès vers les libertés mais ce n’a jamais été réellement le cas et surtout pas celle de la 5 ème, la pire qui a tout permis aux dirigeants quand ils étaient autoritaires ou totalitaires.
    C’est la République la plus corrompue en tous domaines ce qu’a permis cette constitution.

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