Le catholicisme social à l’origine du modèle social français

Albert de Mun

André Piettre, économiste français dépourvu de préjugés (ça existe), avait fait cette remarque dans son ouvrage Les chrétiens et le socialisme (1984) :

« Il n’est pas d’erreur plus répandue que d’attribuer à la montée du socialisme les lois et les diverses réalisations sociales qui ont jalonné les dernières décennies du XIXe siècle et les premières du XXe. En fait, la plupart d’entre elles ont été dues à des catholiques sociaux, contre l’opposition de la plupart des socialistes qui voyaient d’abord, dans les réformes tentées, un moyen de retarder la révolution attendue […] contre aussi la résistance de la plupart des milieux patronaux et conservateurs».

C’est à Charles de Montalembert et à Armand de Melun, tous deux légitimistes catholiques, que l’on doit, en 1841, la première de nos lois sociales interdisant le travail des enfants de moins de huit ans.

En 1850 et 1851, Armand de Melun fait voter toute une série de lois sociales:
– lois sur la réinsertion des jeunes détenus
– lois sur les limitations du temps de travail
– lois sur l’amélioration des conditions de travail
– lois sur le délit d’usure
– lois sur l’assistance hospitalière
– lois sur l’aide judiciaire aux pauvres
– lois sur les contrats d’apprentissage

En 1852, il rédige le décret légalisant les mutuelles de travailleurs. En septembre 1864, il participe activement à la loi sur le droit de grève et de coalition.

Albert de Mun, autre grande figure du légitimisme catholique, durant trente ans de combat social inlassable de 1876 à sa mort en 1914, est à l’origine de plusieurs lois sociales fondamentales, combattues à la fois par la droite républicaine et l’extrême-gauche. Par son action, il contribue au vote de lois concernant le monde du travail et favorables aux ouvriers, notamment la loi Waldeck-Rousseau autorisant les syndicats professionnels en 1884, les lois concernant les accidents et la durée du travail, les caisses de retraite et de maladie, le salaire minimum, la conciliation et l’arbitrage des contentieux salariaux, l’interdiction du travail de nuit des femmes en 1892, et le retour à la loi sur le repos dominical en 1906 (abolie en 1890 par les républicains). Le 5 juillet 1890, il fait passer un amendement interdisant le travail des enfants en dessous de 13 ans. Le pape Léon XIII lui demandera de lui fournir un “mémoire spécial” pour l’aider à la rédaction de Rerum novarum, la première encyclique « sociale » publiée en mai 1891.

S’adressant en 1871 à la commission parlementaire sur les causes de la Commune, Albert de Mun dira : « Les deux causes du mal dont souffre notre société sont d’une part le sentiment d’une haine profonde dans la classe ouvrière, de l’autre l’apathie de la classe bourgeoise et une absence complète de capacité à distinguer l’erreur de la vérité.

Mutantis mutandis, après redéfinition et actualisation des classes en présence, n’est-on pas dans la même situation aujourd’hui ?

Related Articles

15 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Emmanuel , 10 mai 2014 @ 18 h 28 min

    “Mais l’histoire n’est jamais terminée, plus nous allons et plus il apparaît que le libéralisme anarchique et son frère ennemi, le Socialisme étatique, tous deux matérialistes ne suscitent plus de tous côtés qu’amertume et désenchantement car il est clair désormais, qu’ils conduisent notre société à la ruine et au chaos.”

    Donc, si je comprend bien, ni libéralisme ni socialisme. Aah…, toujours cette vaine recherche éperdue de la fameuse, mais surtout très fumeuse, troisième voie. Le triangle des Bermudes en politique.

    Le fait que vous affubliez inutilement le libéralisme de l’adjectif “anachique”, comme par réflexe pavlovien, et que vous qualifiez le socialisme d’étatique, comme s’il existait un socialisme qui ne le soit pas, est peut-être révélateur du degré de connaissance que vous en avez, et de l’un et de l’autre. Un fait reste à mon sens totalement indiscutable: partout dans le monde, c’est bien la liberté et le libéralisme qui aura crée de la richesse et fait sortir pa pans entiers l’humanité de la misère la plus noire alors que le socialisme, (et ses sous-produits, relisez le très éclairant commentaire de PG ci-dessus) conduit en effet notre société vers la ruine et le chaos.

    Catholique, je suis en faveur de tout système qui puisse, fondamentalement et réellement, améliorer le sort de mes congénères. Il n’y en a qu’un seul: c’est le libéralisme. Je ne m’autorise pas à rejeter ce système, tout imparfait qu’il soit, sous prétexte qu’il pourrait susciter le matérialisme, pratique imputable aux personnes et non à la doctrine libérale.

Comments are closed.