Les Français ont la mémoire courte. Ils ont gagné la guerre de 14-18 grâce aux gaz de combat. De l’aveu même de Pétain !

Dans le débat actuel sur l’intervention franco-américaine destinée à punir le régime syrien d’utiliser l’arme chimique, il faudrait rappeler aux Français qu’ils ont gagné la Première guerre mondiale grâce à ce type d’arme.

Celui qui en a fait l’aveu n’est autre qu’un certain Philippe Pétain, alors qu’il venait tout juste de gagner ses galons de maréchal de France ! Cet aveu de connaisseur a été fait en privé, lors d’un dîner en ville.

 « Pétain, raconte Alfred Fabre-Luce dans ses mémoires, est venu dîner chez nous, en famille, à la fin de 1918. Il était dans toute sa gloire, une gloire qu’on imagine difficilement aujourd’hui. Quand le nouveau Maréchal est entré […] le somptueux salon aux vieilles boiseries chêne et or semblait à peine digne de lui. Le jeune étudiant que j’étais [Fabre-Luce a dix-neuf ans, ndPS] a cru voir entrer la France et la Victoire. Interrogé sur les causes de celle-ci, Pétain en donna trois, dont la troisième s’est gravée dans mon esprit parce que son nom m’était peu familier : l’ypérite. C’était un gaz que les Allemands avaient employé les premiers à Ypres (d’où son nom) mais que nous avions ensuite retourné contre eux avec succès » (1).

De fait, deux savants allemands avaient mis au point ce gaz de combat, qu’on appelait aussi gaz moutarde à cause de son odeur : Felix Wilhelm Lommel et Georg Wilhelm Steinkopf qui travaillaient pour la firme Bayer. Par ses effets atroces, en particulier sur les voies respiratoires et sur l’épiderme, l’ypérite répandait la terreur.

Les chimistes français André Job et Gabriel Bertrand proposèrent en octobre 1917 un nouveau procédé qui permit la fabrication trente fois plus rapide de l’arme fatale. Lors de la « seconde bataille de la Marne » (du 15 au 20 juillet 1918), le gaz français aurait joué  un rôle décisif, qui permit de bloquer la dernière offensive des armées allemandes, et qui valut à Foch son bâton de Maréchal. Sans doute Pétain avait-il en mémoire cette « victoire chimique » lors de son dîner chez les Fabre-Luce. Se souvenait-il d’une autre bataille, moins célèbre, où l’ypérite revenait sur les lieux de son premier crime ? On a le récit des ravages de l’arme chimique à cet endroit  par une de ses victimes :

« Dans la nuit du 13 au 14 octobre [1918], le tir des obus à gaz des Anglais se déchaîna sur le front sud d’Ypres ; ils y employaient le gaz à croix jaune dont nous ne connaissions pas les effets, tant qu’ils ne se manifestaient pas sur notre propre corps. Je devais les connaître dans cette nuit même. Sur une colline au sud de Wervick, nous nous trouvâmes pris, dès le soir du 13 octobre, durant de longues heures, sous un feu roulant d’obus à gaz. Cela continua toute la nuit avec une  plus ou moins grande intensité. Vers minuit, une partie d’entre nous furent évacués, parmi eux quelques-uns disparus pour toujours. Vers le matin, la douleur s’empara de moi, augmentant de Quart d’heure en quart d’heure, et, à 7 heures du matin, je revins en trébuchant et en chancelant vers l’arrière, les yeux en feu, emportant avec moi ma dernière affectation de la  guerre. Quelques heures plus tard, mes yeux se changèrent en charbons ardents et les ténèbres se firent autour de moi. » Et quatre semaines plus tard, ce fut l’armistice du 11 novembre…

Cette victime n’est autre qu’Adolf Hitler et le récit figure dans Mein Kampf (2). On connaît la suite…

> Philippe Simonnot est journaliste et économiste. Il est l’auteur de Chômeurs ou esclaves : Le dilemme français, aux éditions Pierre-Guillaume de Roux.

1. Fabre-Luce Alfred (Fayard, 1974), J’ai vécu plusieurs siècles, p. 19.
2. Hitler Adolf, Mein Kampf, Nouvelles Editions Latines, p. 201.

Du même auteur :
> Vent mauvais, de Pétain à Hollande

Related Articles

30 Comments

Avarage Rating:
  • 0 / 10
  • Avec le sourire , 12 septembre 2013 @ 11 h 00 min

    C ‘est justement parce que l on a vu les résultats qu on l interdit ! C ‘est comme le colonialisme , toujours à ressasser et se dire coupables ! Il y en a marre !

  • louis , 12 septembre 2013 @ 11 h 31 min

    C’est ridicule de juger cette époque avec des yeux contemporains.

    Tout fut nouveau en 14/18, l’aviation, la mitrailleuse, les gaz.

    C’était à la fois un engagement militaire et expérimental.

    En revanche le napalm utilisé encore il y a peu au Vietnam par les Ricains était-ce mieux?

    Gaz ou bombes à fragmentation?

  • sanchez , 12 septembre 2013 @ 11 h 36 min

    c’est peut-être pour cela que Adolph est né, pour venger les précédents, c’était toujours comme cela les guerres se déclaraient; ceux qui avait perdu la précédente voulait ce venger, les autres ripostaient pour montrer leur courage; maintenant pourquoi?Les bélligérants ne sont pas les mêmes, ils se battent entre eux, même race, même pays, même nationalité, pourquoi s’en mêler vouloir faire des chevaliers sans peur? Incompréhensible, c’est leur pays, leurs ressortissants et nous ne savons pas, quoi qu’il en dise, lesquels font pire que les autres.

  • sanchez , 12 septembre 2013 @ 11 h 43 min

    en France, i n’y a pas que des sunnites, les salafistes, les chiites alaouites et tous meilleurs où pires les uns que les autres, grave pour nous car la bombe nucléaire en notre possession ne pourrait être utilisé sans nous détruire tous.Donc le gaz est un moindre mal en considérant une chose et l’autre.

  • Allouarn , 12 septembre 2013 @ 15 h 07 min

    Cette affirmation sur l’importance déterminante des gaz de combats dans l’issue de la guerre 14/18 est totalement infondée.
    Car s’il est totalement vrai que ces gaz ont eu des conséquences catastrophiques parmis les combattants, leurs conséquences , qui s’avéraient être identiques de part et d’autre du front, n’ont pas suffit à modifier le déroulement de la guerre.
    Ce sont 3 autres paramètres qui ont été déterminants, le principal étant la “Saucisse” !
    Je m’explique : Au début de la guerre, des ballons d’observations sphériques sont utilisés sur le front pour observer les troupes ennemies. Ces ballons sont peux manoeuvrants et très instables.C’est le
    lieutenant aerostier Albert Caquot qui améliorera ces engins en mettant au point la “Saucisse” prototype des ballons dirigeables.
    Le principal problème des alliés reste cependant leur ravitaillement, les U-boat allemands torpillant un très grand nombre de cargos dans la Manche et l’Atlantique.
    Albert Cacquot mettra alors au point un dirigeable tracté sur des navires patrouilleurs. Associés avec les sémaphores et 4 bases d’hydravions ( Aberwrac’h, Brest, Ile-Tudy, Quiberon), ces dispositifs permettront enfin de neutraliser les U-boat, de faire passer les convois de navires, et d’approvisionner la grande-Bretagne et la France.
    A partir de 1917, les convois de navire transportant les soldats américains et Canadiens arriveront à Brest ( Camp de Pontanezen, capacité d’accueil 40.000 hommes!!!) et à Saint-Nazaire.
    Le nitrate qui faisait défaut pour la production des munitions arrivera enfin du Chili.
    Enfin, il ne faut pas négliger les multiples grèves et mouvements sociaux en Allemagne qui paralisèrent de nombreuses usines ralantissant d’autant l’approvisionnement du front.
    (Albert Cacquot, ingénieur polytechnicien, fût considéré comme le plus grand ingénieur français de la 1ere moitié du 20eme siècle. Il réalisa plus de 300 très grands ouvrages en béton armé, viaducs, barrages, (la statue du Christ à Rio), etc…
    Passionné d’aéronautique, il fut à l’origine de la grande soufflerie aéronautique de Meudon, et de nombre d’évolution dans l’aéronautique.
    Quoi qu’il en soit l’industrie chimique et d’armement française a effectivement utilisé à très grande échelle les gaz de combats.
    L’emploi de ces gaz est désormais prohibé. Mais depuis les anglo-saxons ont bombardé au phosphore, Dresden, Hambourg, puis ont lancé l’arme nucléaire sur Hiroshima et Nagasaki, et depuis des armes à l’uranium appauvri sur l’Irak et l’Afghanistan.
    Tous ces procédés d’extermination à grande échelle sont tous aussi horribles les uns que les autres.
    Et la réaction des occidentaux ne vise qu’à une chose: Anéantir l’ensemble des pays non alignés qui refuseraient de se soumettre au NWO, le nouvel ordre mondial

  • eric-p , 12 septembre 2013 @ 16 h 42 min

    Ce qwue vous écrivez sur les armes chimiques est inexact.
    Il existait bien une convention dite de La Haye qui interdisait l’usage d’obus envoyant des gazs toxiques:

    http://www.forum-scpo.com/geopolitique/armes-nucleaire-chimique-bacteriologique-desarmement-international.htm

    Le problème est que les allemands ont détourné la réglementation.

    Il y a quelques années, on a bien évoqué le nom de Fritz Haber, qui reçut
    le prix Nobel de chimie en 1918(!) et qui portas une responsabilité notoire dans l’utilisation des gazs de combat durant la première guerre mondiale
    (Sa femme s’est d’ailleurs suicidée semble-t-il pour cette raison).
    Objectivement, Fritz Haber est un criminel de guerre qui aurait dû être jugé
    ….mais les alliés y ont évidemment renoncé.
    Motif ? Si on condamne Haber, il faut aussi condamner les responsables des programmes d’armes chimiques en France !

    L’auteur a parfaitement raison de dénoncer les pompiers pyromanes
    d’autant plus qu’on a retrouvé il n’y a pas si longtemps des stocks d’armes chimiques datant de la première guerre mondiale sur le territoire national !

    J’ignore s’ils ont été détruits mais il est agaçant de voir l’occident donner des leçons de morale à tout le monde …tout en oubliant de balayer devant sa porte.

    La France fait partie des pays possédant des armes de destruction massive
    dont les armes nucléaires auxquelles elle refuse de renoncer.

    Elle possède sans doute également des armes chimiques/bactériologiques
    “au cas où”.

  • UNPOURTOUS , 12 septembre 2013 @ 21 h 25 min

    Pourquoi les notes et leurs étoiles ainsi que les votes ont été remplacés par une étoile neutre et la mention GD Star Rating loading?

    Que signifie cette expression par rapport à ces commentaires?

    Merci de nous éclairer.

Comments are closed.