Pape François : six mois de pontificat

Les cardinaux sont venus le chercher « au bout du monde ». Une première dans l’histoire de l’Église, car jamais auparavant le siège de Pierre n’avait été occupé par un Sud-Américain. Ni même par un jésuite. C’est donc un profil « atypique » qui est à la tête de l’Église depuis le 13 mars dernier. Et en six mois, le pape François semble être parvenu à s’imposer. Il n’a pas peur de dire « non », il casse allègrement le protocole, sans vergogne. Par ses gestes et par ses paroles, le nouveau Pontife ne cesse de surprendre. La rédactrice en chef de la section française de Radio Vatican dira même qu’il crée un « véritable séisme », qui « secoue les catholiques, mais aussi les médias et l’opinion publique ». Loin de l’image traditionnelle que l’on se fait d’un souverain pontife, le pape François reste un peu le cardinal Bergoglio, celui de Buenos Aires, le « bon pasteur ». Se mêlant ainsi aux foules, embrassant les malades, lavant les pieds des prisonniers, rencontrant les réfugiés, visitant les toxicomanes. Il se laisse volontiers prendre en photo, décroche son téléphone pour répondre à des lettres, et désormais, se déplace même en 4L.

Accessible, transparent, chaleureux, le Saint-Père a aussi le sens de la formule spontanée. Comme Benoît XVI, le pape François parle franc. Mais plutôt que d’employer un ton magistral il utilise un discours simple, percutant, imagé, et parfois ludique. « Nous pouvons marcher comme nous voulons, nous pouvons édifier de nombreuses choses, mais si nous ne confessons pas Jésus-Christ, cela ne va pas. Nous deviendrons une ONG humanitaire, mais non l’Église, Épouse du Seigneur. Quand on ne marche pas, on s’arrête. Quand on n’édifie pas sur les pierres qu’est ce qui arrive ? Il arrive ce qui arrive aux enfants sur la plage quand ils font des châteaux de sable, tout s’écroule, c’est sans consistance. […] Quand on ne confesse pas Jésus Christ, on confesse la mondanité du diable », annonçait-il tout de go au lendemain de son élection, lors de sa première messe avec les cardinaux. Ce pape, qui dit vouloir « une Église de pauvre pour les pauvres », met en effet un point d’honneur à rappeler que l’Église doit aussi toucher « les oubliés de l’existence », invitant dans le même temps les catholiques – prêtres comme laïcs – à partir à la rencontre des gens. «  Le rôle de l’Église est d’aller vers les autres, de connaître chacun par son nom. C’est le cœur de sa mission. Il est vrai qu’en descendant dans la rue, on prend le risque, comme n’importe qui, d’avoir un accident. Mais je préfère mille fois une Église accidentée à une Église malade », confiait-il encore dans un message aux évêques argentins. Par son exemple, le pape François ne cesse de rappeler le rôle missionnaire de l’Église, qui doit « sortir d’elle-même pour aller vers les périphéries, non seulement géographiques, mais aussi les périphéries existentielles ». Ce à quoi s’applique l’ancien archevêque de Buenos Aires qui visitait il y a quelques jours un centre de réfugiés à Rome pour appeler à plus de « solidarité ». « Les couvents vides ne sont pas les nôtres, ils sont pour la chair du Christ que sont les réfugiés », disait-il alors en déplorant les couvents vides que l’Église ne doit pas « transformer en hôtels pour gagner de l’argent mais utiliser en faveur des réfugiés ». Le pape François n’en était pas à sa première visite auprès des plus défavorisés. On se souvient notamment de son voyage très médiatique auprès des migrants sur l’île de Lampedusa en juillet dernier, pour réveiller les consciences et dénoncer la « globalisation de l’indifférence » dans cette île où vivent des milliers de réfugiés, à une centaine de kilomètres de la Tunisie.

De l’autre côté de l’Atlantique, le pape François n’est pas plus timide. Et pour cause. Les Journées Mondiales de la Jeunesse, à Rio de Janeiro au Brésil, en juillet dernier, avaient lieu sur son continent d’origine. À 76 ans, le pape argentin à l’énergie débordante est parvenu à mobiliser trois millions de jeunes pour redynamiser l’Église. Avec un ton parfois incisif, toujours spontané, le pape interpelle son auditoire, lui pose des questions, comme un professeur d’école. Et pour toucher les cœurs, il utilise des images qui parlent à tous : « mettez la pagaille », « ne restez pas au balcon de la vie », disait-il par exemple à ces jeunes qu’il encourage à « devenir des athlètes du Christ », prenant soin de rappeler que « Jésus offre plus que la coupe du monde ». « N’attendez pas que les autres changent le monde. Soyez vous-mêmes les acteurs du changement », « Jésus compte sur vous, l’Église compte sur vous, le Pape compte sur vous » lance-t-il encore à ces jeunes massés sur la plage de Copacabana pour la clôture des JMJ. Ce premier voyage du pape François à l’étranger réaffirme, s’il en est encore besoin, sa sobriété et sa proximité avec le monde. Dans le sillage de Jean-Paul II, le nouveau pontife a visité la favela de Varginha à Rio. Les chrétiens, rappelle-t-il à cette occasion, doivent lutter contre « la culture de l’égoïsme et de  l’individualisme » et travailler en faveur de la « solidarité sociale ». Sensible à ce qu’il appelle l’« humanité sociale » le Saint-Père a notamment exhorté chacun, selon ses possibilités et ses responsabilités, à « offrir sa contribution pour mettre fin à beaucoup d’injustices sociales ».

Incarnant avec brio l’enseignement social de l’Église, le pape François s’est également engagé il y a quelques jours contre une intervention militaire en Syrie. En présidant une veillée de prière qui rassemblait 100 000 personnes samedi dernier place Saint-Pierre pour la paix en Syrie au Moyen-Orient et dans le monde, le souverain pontife a dénoncé la violence sous toutes ses formes et la prolifération  des armes, estimant que « la guerre est  toujours un échec pour l’humanité ». Le pape François, attentif au monde dans lequel nous vivons, n’oublie pas pour autant les difficultés internes auxquelles l’Église est aujourd’hui confrontée : scandale des abus sexuels, dysfonctionnement au sein de la Curie, blanchiment d’argent et corruption au Vatican… Il sait que l’Église est fragile et reconnaît que sa barque « n’a pas la puissance des grands transatlantiques qui franchissent les océans ». Face aux scandales de pédophilie le pape se montre intransigeant. Après avoir demandé d’agir « avec détermination » contre les sévices sexuels commis par des membres du clergé, il publiait en juillet dernier un décret durcissant les sanctions pour tout acte de pédophilie et crimes contre mineurs. En matière financière, il publiait début août un motu proprio pour poursuivre la lutte du Saint-Siège contre le blanchiment d’argent sale, durcissant notamment la surveillance des opérations et services financiers au Vatican, et renforçant les fonctions de l’Autorité d’information financière (AIF). Quant à la délicate réforme du fonctionnement de la Curie, le Pape s’active mais ne se précipite pas. En six mois, il a pris le temps de rencontrer tous les responsables des dicastères afin d’observer les analyses et recommandations de ses principaux collaborateurs. Le 15 octobre prochain, le Saint-Siège aura un nouveau secrétaire d’État en la personne de Mgr Pietro Parolin, un italien de 58 ans, fin connaisseur de la Curie romaine et diplomate chevronné. En attendant, un groupe de huit cardinaux se réunira début octobre pour conseiller le pape dans son gouvernement. Un groupe « consultatif » et non « décisionnel » qui pourrait bien être une révolution dans le gouvernement de l’Église.

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49 Comments

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  • eljojo , 15 septembre 2013 @ 20 h 04 min

    Votre réflexion brille par sa stupidité. En effet, croire en Dieu et croire en l’homme ne sont pas incompatible, ni sur le même plan. Mettre les deux en compétitions relève de l’ignorance la plus crasse de toute notion de finesse et de subtilité.

    Quant à l’Eglise de pauvres… eh bien vous devriez essayer de vous mettre à la lecture des évangiles. Soit dit en passant, les trois conseils évangéliques sont pauvreté, chasteté et obéissance. Avez-vous oublié les soutanes rapiécées du Saint Curé d’Ars ? Ou la Dame pauvreté de Saint François d’Assise ?

    Enfin, vous vous contredisez vous-même dans votre haine stérile : le Pape François rappelle l’ordre du Christ “Va et ne pêche plus.” Le Pape condamne bien le péché, mais il y voit aussi l’occasion de la miséricorde. Car de fait dans la parabole du Fils prodigue, celui qui a la vie parfaite, qui obéit aux ordres de son Père, eh bien c’est également celui qui à la fin en est le plus éloigné, alors que le fils cadet, lui, entre dans l’intimité du Père.

    Simplement, connaissez-vous les Pères de l’Eglise ? La “Felix Culpa”, bienheureuse faute d’Adam qui nous valut un Tel rédempteur ? Plus grand est le péché pardonné, plus grande est la reconnaissance du converti (le Christ lui-même le dit).

    Bref, votre baratin manipulateur de comptoir n’a rien de catholique, ni même de cohérent.

  • eljojo , 15 septembre 2013 @ 20 h 58 min

    Le principe même de la tradition est celui de la croissance organique et de l’émondement.
    Autrement dit, défendre la tradition, c’est aussi accepter qu’elle soit périodiquement nettoyée de ce qui ne relève que de l’accessoire ou du conjoncturel.

    Et, dans le cas précis dont vous parler, tenir à la Tradition implique de réanalyser le Concile de Trente et les actes de Saint Pie V en vue de voir ce qui dedans est essentiel, et donc de se séparer des anachronismes. Plus précisément, l’adversaire numéro un de l’Eglise Catholique n’est plus le protestantisme, mais bien l’athéisme, autrement dit tout ce qui dans la tradition n’existe que par antiprotestantisme doit être aboli, par exemple la focalisation quasi exclusive sur le caractère sacrificiel de la Messe, ou encore son uniformité intransigeante.

    Refuser cet émondement de la tradition, c’est la tuer, et lui faire perdre son caractère catholique.

  • Charles , 15 septembre 2013 @ 21 h 16 min

    Tout a fait eljojo.

    Il est cependant utile de citer les indices de preuves
    telles que les découvertes faites en astronomie grâce
    aux derniers télescopes satellites.

    Revoir les livres des frères Bogdanov sur le sujet.
    (Le visage de Dieu).

    Etudes de l’infiniment loin dans l’espace temps.
    Nous savons qu’il y a quelque chose,donc quelqu’un.

    Ceci étant pour ce qui nous concerne,ceci est un sujet presque secondaire par rapport à ce qui est à notre portée,
    à savoir le message laissé par le Christ,plus la preuve
    documentaire de son passage par le Linceul,qui est aussi
    important que les fragments bi-millénaires du nouveau testament.

    Il est frappant de constater que le pape François 1er
    ait ainsi fait l’impasse sur cette hiérarchie de la connaissance accessible:Celle de Dieu et celle du Christ

  • hermeneias , 16 septembre 2013 @ 0 h 00 min

    Eljojo

    “Prouver de façon purement rationnelle l’existence de Dieu” ….?

    Cela n’est évidemment pas possible car c’est un non-sens si l’on réfléchit 30 seconde au sens de cette phrase.

    On ne peut “prouver” de façon “purement rationnelle” l’existence de personne !
    “Prouvez” moi de façon “purement rationnelle” votre existence ou celle de napoléon bonaparte….Certains ont prétendu que ce dernier n’avait pas existé.

    Au sens précis on montre , sans dé-montrer , l’existence de “DIEU” comme étant intelligible et même la Source de l’Intelligence et du Bien qui exerce sur l’intelligence et la volonté humaine une attraction profonde au travers de l’expérience sensible.

    Merci Catholique et Français de nous rappeler la plus pure tradition catholique qui est un joyau dans la ligne thomiste où la foi et l’intelligence s’allient et même se potentialisent

  • Eurydice , 16 septembre 2013 @ 0 h 18 min

    Il en va des traditions comme des céréales: à force de les émonder on finit par en éliminer les substances les plus nutritives et risque de se retrouver , comme on dit en italien “Con un pugno di mosche” (littéralement “avec une poignée de mouches dans la main”, c’est à dire rien) et réduit à l’état d’adepte désemparé d’un credo désacralisé, ayant pour siège un Vatican où, bientôt, l’on n’organisera plus que des bals pour prêtres mariés et autres “latino-américaneries” du genre bénédiction de ballons pour la Coupe du Monde. Cela fait penser à la coquetterie de ces présidents de la République Française qui se vantent de ne pas habiter l’Elysée…tout en y passant, à chaque fois que leurs obligations le leur permettent, 22 heures sur 24.
    François Bergoglio, qui n’est ni Jésus, encore moins François d’Assise et qui, lors de sa fameuse sortie sur les homosexuels se demandait “Qui suis-je moi, pour…?” eût dû lire la réponse plutôt agacée d’un internaute catholique et américain “Mais, tu es le Pape!” en ajoutant un gros mot . Comme qui dirait: “On vient de t’élire Pape de l’Eglise Catholique Romaine et tu te demandes qui tu es?”
    En tout cas,, même dans sa chère Amérique latine , il y a des sites comme http://www.intereconomia.com/columna/papa-y-confusion-liturgica,
    de Adolfo Ivorra de l’Université Ecclésiastique San Damaso, ou encore http//www.elblogdecabildo.blogpost.comar/2013/03/editorial.html
    de Antonio Caponnetto où l’on ne se gêne pas pour appeler notre nouveau pape (je traduis ) “Un ennemi de la tradition catholique, un propulseur obsessionnel de l’hérésie judéo-chrétienne, un persécuteur de l’orthodoxie et un adepte acharné de toutes les formes de synchrétisme, irénisme et pseudo-œcuménisme qui eurent germé dans la mentalité dite “post-conciliaire”.
    Très loin de là, Elias, chef du Patriarcat Catholique Byzantin, un groupuscule fondé en 2011 par sept évêques de l’Eglise Orthodoxe grecque alliés à des évêques catholiques ukrainiens, réagissait à la susdite déclaration d’ouverture vers les homosexuels par une sentence d’excommunication à l’encontre du Pape François. Là aussi, je traduis: “Pourquoi lança-t-il un anathème contre François d’Assise qu’il prétend admirer? Pourquoi abuse-t-il de sa position de chef de l’église catholique romaine en violant la loi de Dieu? Il promeut la mentalité immorale de l’homosexualité qui est contraire à l’essence de l’Evangile et détruit toutes les valeurs morales. Voilà pourquoi François Bergoglio est exclu du Corps Mystique du Christ. Tous les évêques, les prêtres , ainsi que tous les croyants catholiques sont appelés à se dissocier de François l’Apostat.” (c’était le 2 août 2013). Il y en a des dizaines d’autres. Exagération? Mauvaise interprétation d’une déclaration lancée ,hors protocole, dans le couloir d’un avion? Certes. Mais le malaise persiste.

  • hermeneias , 16 septembre 2013 @ 0 h 21 min

    Pardon si je vous ai offensé MdeF

    Dans mon emportement que j’assume parfaitement et je m’insurge contre scepticisme commode et paresseux , bien dans l’air du temps , qui vient miner sournoisement ce que nous avons de plus précieux et qui contribue à déliter un chef-d’oeuvre en péril.

    Il ne s’agit pas seulement de phrases mais de choses , de faits et de réallités .
    Je vous parlais de Jean-Gabriel Perboyre , il y a aussi le père Kolbe et tant d’autres ….Les grands artistes comme Michel-Ange , le Caravage , les chercheurs vraiment passionnés savent ce que l’ascèse et donc une certaine souffrance veulent dire ainsi que beaucoup de véritables pères et mères de famille …

    Le drame que vous illustrez assez bien est actuellement celui d’un certain christianisme du confort et du bien-être , du “vivre ensemble” , égalitaire et “démocratique” , sans sainteté , sans perfection qui sonnent trop “élitiste” ou “aristocratique”….bref un christianisme “modéré”.
    Car il faut être “modéré” en tout ! Modérément con et modérément intelligent , aimer modérément …..modérément n’importe quoi.

    Cela m’emmerde puissamment !

    La sentence de St Bernard devrait nous faire réfléchir : “la mesure de l’amour ( ou la mesure d’aimer Dieu ) c’est d’aimer sans mesure .

    Bref que ce bon Monbourquette aille se rhabiller . Un de ses bouquins a du me tomber des mains . .

  • Eurydice , 16 septembre 2013 @ 0 h 23 min

    Une erreur dans la transcription de l’adresse du blog de Cabildo. La revoici:
    http://elblogdecabildo.blogspot.com.ar/2013/03/editorial.html
    Mea culpa.

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