Défense du mariage : une étude américaine donne des raisons d’espérer… et de se battre

Houston (Texas). Selon deux sondages réalisés en 2006 et 2012 par des sociologues de l’Université Rice sur un même échantillon représentatif (de la population américaine âgée de plus de 18 ans en 2006 donc de 24 ans en 2013) de 1 294 adultes, le soutien à la dénaturation du mariage chez les Américains progresse très peu tandis que les États-Unis n’ont jamais été autant divisés sur la question.

La question posée, justement, la voici : “The only legal marriage should be between one man and one woman. Agree ? Neither Agree nor Disagree ? Or Disagree ?” En français, cela donne : “Le seul mariage légal devrait être celui unissant un homme et une femme. Êtes-vous d’accord avec cette phrase ? En désaccord ? Ni l’un ni l’autre ?”

En 2006, 57% des Américains sont d’accord avec cette affirmation, 31% opposés et 12% indécis. En 2012, on passe à 53% (-4 points), 33% (+2 points) et 13% (+1 point). Bref, en fait de raz-de-marée, la situation est quasiment figée.

Mais alors, comment expliquer le fait que de nombreux autres sondages (Gallup, USA Today et CNN/ORC) donnent des résultats inverses, où les partisans de la dénaturation du mariage seraient majoritaires. “Les répondants semblent réagir positivement à des mots tels que ‘droits’, ‘liberté’ et ‘avantages’, et négativement à des mots comme ‘interdiction'”, note Mark Regnerus, professeur de sociologie à l’University du Texas. Quand on pose la question : “En général, êtes-vous favorable ou opposé au mariage homosexuel ?” comme l’a fait l’Université Quinnipiac à la fin du mois d’avril 2013, le résultat est très différent : 47% contre, 45% pour et 8% incertains. Et, comme nous venons de le voir, lorsque la question porte directement sur la définition du mariage, les partisans de la dénaturation se révèlent très minoritaires : un tiers contre, 53% en faveur du mariage naturel et 13% indécis.

Mais l’étude de l’Université Rice révèle surtout que l’évolution des mentalités est loin d’avoir lieu à sens unique, bien au contraire. Ainsi, l’échantillon représentatif étant le même sur les deux sondages réalisés en 2006 et 2012, cela permet de constater que 28% des Américains en désaccord avec la définition traditionnelle du mariage il y a six ans l’approuvaient en 2012, 11% étaient indécis et 61% restaient sur leur position. Cela fait quand même 39% de changement d’avis ! Du côté des partisans de la définition naturelle du mariage en 2006, 16% étaient favorables en 2012 à sa dénaturation et 10% indécis. Soit 26% de changement d’avis. C’est beaucoup mais c’est surtout beaucoup moins que le camp d’en face. Enfin, du côté des indécis en 2006, 43% sont en désaccord avec la définition traditionnelle du mariage en 2012, 23% optent pour cette dernière et 34% restent indécis.

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, 1° les camps ne sont pas si étanches que cela – vu la proportion de changements d’avis en six ans, on pourrait même imaginer qu’au cours d’une vie, quasiment tout le monde a déjà été pour et contre la dénaturation du mariage. Cela invalide la thèse du sens de l’histoire, ce mythe du camp de la norme autrefois majoritaire qui perdrait sans cesse des partisans (sans jamais en gagner) au profit du camp anti-norme qui ne cesserait d’en gagner (sans jamais en perdre), au point que les proportions seraient en train de s’inverser en ce début d’ère du Verseau, etc. 2° Les partisans de la dénaturation du mariage sont proportionnellement plus susceptibles de devenir des défenseurs du mariage naturel que ces derniers de rejoindre le camp adverse. Malgré le matraquage médiatique, institutionnel, la culpabilisation, etc. Évidemment, comme en valeur absolue, 28% de 31% (8,68%) + 11% de 31% (3,41%) font moins (total = 12,09%) que 16% de 57% (9,12%) + 10% de 57% (5,7%) (total = 14,82%), sans parler des indécis, le pourcentage des partisans du mariage traditionnel passe de 57% à 53%.

Pour résumer : le “mariage” homosexuel n’a rien d’inéluctable et n’est pas la manifestation indubitable d’un sens de l’histoire auquel nous ne pourrions nous opposer.

Autre enseignement de cette étude : les États-Unis n’ont jamais été autant divisés sur cette question. Les groupes de population susceptibles d’être favorables à la dénaturation du mariage, c’est-à-dire les groupes “progressistes”, le sont davantage en 2012 qu’en 2006. Inversement, les groupes de population susceptibles de défendre le mariage naturel, c’est-à-dire les groupes “traditionalistes”, le font plus en 2012 qu’en 2006. Impossible dans ces conditions de vivre ensemble. Il faut peut-être voir là une raison du succès actuel du libertarianisme, seule organisation sociétale permettant à des groupes si antagonistes de vivre ensemble (disparition de la solidarité nationale au profit d’une solidarité choisie, individualisme, etc.).

Le fossé se creuse particulièrement entre les Américains les moins diplômés et les Américains les plus diplômés :

Idem en matière de pratique religieuse : en 2006, 45% des Américains qui ne vont jamais à un office religieux étaient d’accord avec la définition traditionnelle du mariage. En 2012, ils n’étaient plus que 37% (-8 points). Au contraire, ceux qui y assistent une fois par mois défendaient largement plus en 2012 le mariage naturel qu’en 2006 : 65% contre 50%. Les Américains qui assistent à un office religieux chaque semaine se sont également droitisés : ils étaient 71% en 2012 à défendre le mariage traditionnel, contre 64% en 2006. Enfin, les Américains qui se rendent à un office religieux (leur nombre n’est pas négligeable outre-Atlantique) étaient à 80% opposés à la dénaturation du mariage en 2006. Six ans plus tard, ils étaient 84%.

Par confession religieuse, cela donne, en pourcentage de soutien au mariage traditionnel :

  • pour les protestants évangéliques : 72% en 2006, 75% en 2012
  • pour les protestants noirs : 70% en 2006, 66% en 2012 (Faut-il y voir les conséquences d’une proximité avec les services sociaux donc avec la propagande progressiste étatique ou para-étatique ?)
  • pour les protestants des Églises historiques : 57% en 2012 (stable)
  • pour les croyants dont la foi n’est pas judéo-chrétienne : 57% en 2012 (stable)
  • pour les catholiques :  54% en 2012 (stable)
  • pour les juifs : 21% en 2006, 12% en 2012

L’étude confirme par contre un point préoccupant : les jeunes sont davantage influencés par le lobby homosexualiste que leurs aînés, même si c’est moins que ce que peuvent laisser croire les sondages habituels. De quoi faire comprendre aux conservateurs l’importance de mener le combat culturel/métapolitique !

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17 Comments

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  • esprit libre , 17 septembre 2013 @ 23 h 16 min

    Un peu compliqué mais je comprends le sens.
    Je reste persuadé surtout que les sondages et les enquêtes induisent une forme de pression à la décadence et que donc tout cela confirme qu’à l’Ouest, rien de nouveau et l’Amérique continue d’offrir un terrain de résistance – l’Amérique profonde et les immigrants récents surtout – et de reconquête des terrains perdus – l’Amérique riche des côtes.

  • xrayzoulou , 17 septembre 2013 @ 23 h 40 min

    Il faudrait que cette tendance reste la même ou mieux augmente. Les américains sont plus religieux que nous, espérons qu’ils sauront nous redonner un “coup de fouet” (je ne les apprécient pas pour tout mais là, je pense comme eux).

  • JSG , 18 septembre 2013 @ 6 h 36 min

    Les sondages étant faits pour obtenir les résultats qu’en attendent ses organisateurs, ils sont à analyser en fonction de la formulation utilisée, le choix de la “clientèle interrogée”, le moment du sondage, etc…
    Pour ma part, ce sondage élimine la possibilité pour les homos de “s’unir” comme par exemple :
    seriez vous pour réserver le terme MARIAGE aux seuls couples homme-femme et créer un terme générique comme UNION (notre pacs, en plus élégant) qui regrouperait tous les couples.
    POUR – CONTRE – SANS OPINION

    Je réitère mon argument concernant cet exploit de la 43eme promesse de la Hollandise :

    IL SUFFIT DE PRENDRE EN CONSIDÉRATION LES STATISTIQUES DE L’INSEE CONCERNANT LE PACS ET SES 6% POUR LES HOMOS ET 94% POUR LES HÉTÉROS POUR SE CONVAINCRE DE LA DELIQUESCENCE INTELLECTUELLE DE NOS “GOUVERNANTS”

    Ils vont payer leur “erreur” et au prix fort.

  • Dōseikekkon , 18 septembre 2013 @ 6 h 56 min

    Bof…
    Mark Regnerus, sociologue catholique revendiqué et auteur d’une étude qui a « enflammé la blogosphère » (ainsi qu’il le confiait en privé, plusieurs mois avant sa parution, ignorant alors que ses mails compromettants seraient exhumés par décision de justice, mais c’est une autre histoire…), mais fut par la suite assez largement discréditée, tant par ses méthodes que pour ses biais idéologiques, nous vante maintenant une autre « étude ».
    On est en droit de frémir…

    Réalisée, celle-ci, par Michael Emerson, l’un des universitaires de ce quarteron de conservateurs militants mal inspirés qui se fendit d’une lettre de défense à Regnerus en juin 2012 (toujours en ligne sur le site du Baylor Institute for Studies of religion) ; dans le cadre de Portrait of american life study, un machin censé étudier l’état de la religiosité américaine, et qui est subventionné par des fonds religieux (University of Notre-Dame, Lilly Endowment,…).
    Et dont la « méthodologie » est conçue par Emerson lui-même, et un certain David Sikkink, ancien étudiant en sociologie à Notre-Dame avec Regnerus, et qui a co-écrit avec celui-ci un certain nombre d’articles sur… la religion ; laquelle est son principal objet d’intérêt.

    Disons que ça irradie pas mal la religion, et aussi le copinage pour un article qui était passé largement inaperçu jusqu’à présent…
    D’autant que les résultats de l’étude – comme celle, malencontreuse, de Regnerus sur les enfants dont l’un des parents etc., d’ailleurs – sont sensiblement différents des résultats de nombreuses autres enquêtes du même genre.
    Ainsi que l’annonce pudiquement Regnerus dans sa chronique fournie en lien, il est possible que l’échantillon soit plus religieux que la moyenne (sans compter, comme indiqué dans l’article, que la tranche des 18-24 ans en est absente).

    On veut bien admettre que la façon de poser une question puisse inconsciemment – et pour une part – orienter les réponses, mais…
    • par exemple, CBS News pose régulièrement la même depuis des mois à un échantillon de 1036 personnes – et cette question est très voisine, dans sa neutralité – de celle posée par Emerson : pensez-vous qu’il devrait être légal de se marier, pour les couples de même sexe ? (do you think it should be legal or not legal for same-sex couples to marry?).
    Trois réponses sont possibles (oui, non, ne sait pas).
    Eh bien, la dernière fournée (fin juillet 2013) donne :
    Oui : 55 % ;
    Non : 39 % ;
    NSP : 6 %.
    Même question (fin mars 2013).
    Oui : 53 % ;
    Non : 39 % ;
    NSP : 8 %.
    Même question (début septembre 2012).
    Oui : 51 % ;
    non : 41 % ;
    NSP : 7 %.

    • Une autre enquête (ABC News/Washington Post, début juin 2013, 1007 personnes interrogées) pose le même genre de question sèche : dans l’ensemble soutenez-vous ou vous opposez-vous à la possibilité de se marier légalement pour les gays et les lesbiennes ? (overall, do you support or oppose allowing gays and lesbians to marry legally?)
    Support: 57 % ;
    Oppose: 40 % ;
    No opinion: 3 %.

    • Encore un exemple, celui de l’université Quinnipiac évoqué dans l’article ; force est de constater que son échantillon (1471 électeurs inscrits, sur tout le territoire US) est assez fluctuant dans le temps.
    Même question posée (« En général, êtes-vous favorable ou opposé au mariage homosexuel ? ») mais… fin mars.
    Résultats sensiblement différents :
    41 % contre ;
    50 % pour ;
    9 % incertains.
    On pourra aussi mentionner aussi une autre question de la même Quinnipiac University, et qui ne manque pas d’intérêt : seriez-vous en faveur ou bien contre une loi dans votre état, qui permette le mariage des couples de même sexe ? (Would you support or oppose a law in your state that would allow same-sex couples to get married?) posée, début juillet 2013, à 2014 électeurs inscrits.
    Support: 49 % ;
    Oppose: 44 % ;
    Unsure : 6 %.

    Tout cela pour dire que Regnerus, et ses copains de Rice & Notre-Dame, s’avancent peut-être beaucoup avec leurs résultats iconoclastes…

  • JSG , 18 septembre 2013 @ 7 h 13 min

    Belle envolée, mais sur le fond ça prouve que les sondages sont très volatils, par contre le simple fait de raccrocher ces sondages organisés par “”…sociologue catholique revendiqué…” pourrait être interprété d’une manière négative.
    Les catholiques ne sont pas et de loin, les seuls à se révolter contre cette loi imbécile.

    Les statistiques de l’INSEE dont je parle ne tiennent pas compte de la sensibilité religieuse des responsables de cet organisme… (je plaisante).

  • Dōseikekkon , 18 septembre 2013 @ 7 h 51 min

    Si, comme vous l’écrivez, il est exact que les sondages [sont] faits pour obtenir les résultats qu’en attendent ses organisateurs, alors on comprend mieux que l’étude examinée par Éric Martin ait des résultats qui plaisent aux lobbies religieux.

    JSG : « Je réitère mon argument concernant cet exploit de la 43eme promesse de la Hollandise »
    Pour info, le 43e engagement de campagne de François Hollande était :
    Je lancerai un vaste plan qui permettra à 1 million de logements par an de bénéficier d’une isolation thermique de qualité.
    Seront ainsi créés des dizaines de milliers d’emplois. Les économies de chauffage qui en découleront redonneront du pouvoir d’achat aux ménages.

    Qu’est-ce que vous avez contre les économies d’énergie ?

  • Eric Martin , 18 septembre 2013 @ 8 h 06 min

    Sa foi catholique est un problème ? Auriez-vous osé dire “un sociologue juif” par exemple ? Vu la faible majorité de catholiques américains en faveur de la défense du mariage, il me semble que la seconde possibilité serait davantage encore le signe d’un engagement (cette fois-ci en défaveur du mariage naturel)…

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