Chrétiens d’Orient : le succès d’un grand remplacement

« Vers l’Orient compliqué je volais avec des idées simples ». On connaît ce mot du Général. Exposer la complexité de la chrétienté d’Orient en matière religieuse et ethnique ressemble à une gageure. Essayons en laissant de côté les idées simples et en s’en tenant aux faits.

Les quatre confessions et les treize Eglises chrétiennes

1) Les Nestoriens (Eglises des deux conciles).
L’Église apostolique assyrienne de l’Orient a son patriarcat (dit de Séleucie-Ctésiphon) à Chicago. Elle a 500.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Irak du Nord, en Syrie, en Turquie et en Iran. La langue liturgique est l’araméen.
L’Ancienne Eglise Apostolique de l’Orient a son patriarcat à Bagdad. Elle est issue d’un schisme en 1972 dû à une minorité traditionnaliste. Elle a 100.000 fidèles dans le monde.

2) Les Monophysites ou myaphysites (Eglises des trois conciles).
L’Église orthodoxe syriaque d’Antioche, appelée Eglise jacobite, a son patriarcat à Damas. Elle a 1.200.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones au Levant (Syrie, Liban, Israël et Palestine) et en Turquie. La langue liturgique est l’araméen.
L’Eglise orthodoxe copte d’Alexandrie a son patriarcat au Caire. Elle a 7.000.000 de fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Egypte. La langue liturgique est le copte (égyptien ancien).

3) Les Orthodoxes (Eglises des sept conciles).
L’Eglise orthodoxe grecque d’Antioche a son patriarcat à Damas. Elle a 2.000.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Syrie, au Liban, en Irak et en Turquie. La langue liturgique est le grec.
L’Eglise orthodoxe grecque de Jérusalem a son patriarcat à Jérusalem. Elle a 140.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Israël, en Palestine, en Jordanie et au Sinaï. La langue liturgique est le grec.
L’Eglise orthodoxe grecque d’Alexandrie a son patriarcat à Alexandrie. Elle a 400.000 fidèles
dans le monde, qui sont autochtones en Egypte. La langue liturgique est le grec.

4) Les Catholiques.
L’Église maronite syriaque d’Antioche a son patriarcat à Bkerké. Elle a 3.300.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones au Liban et en Syrie. La langue liturgique est l’araméen. Elle est issue du ralliement à Rome d’un ordre monastique nestorien au Moyen-Age et demeure séparée de l’Eglise catholique syriaque.
L’Église catholique syriaque d’Antioche a son patriarcat à Beyrouth. Elle a 100.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones au Liban et en Syrie, en Irak, Syrie et en Turquie. La langue liturgique est l’araméen.
L’Eglise catholique grecque d’Antioche, appelée Eglise melkite, a son patriarcat à Damas. Elle a 1.300.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Syrie, au Liban, en Irak et en Turquie. La langue liturgique est le grec.
L’Eglise catholique latine de Jérusalem a son patriarcat à Jérusalem. Elle a 85.000 fidèles dans le monde (issus des autres Eglises chrétiennes orientales convertis depuis le XIXe siècle), qui sont autochtones en Israël, en Palestine et en Jordanie. La langue liturgique est le latin.
L’Eglise catholique copte d’Alexandrie a son patriarcat au Caire. Elle a 200.000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Egypte. La langue liturgique est le copte (égyptien ancien).
L’Église catholique chaldéenne de Babylone a son patriarcat à Bagdad. Elle a 400 000 fidèles dans le monde, qui sont autochtones en Irak du Sud. La langue liturgique est l’araméen.

Les quatre patriarcats

On voit donc qu’il y a 13 Eglises différentes, car chaque confession peut comporter des rites différents selon la langue liturgique et donc selon le Patriarcat de rattachement. Rappelons qu’il y a depuis l’Antiquité 4 Patriarcats au proche Orient: Alexandrie pour les Egyptiens (coptes), Antioche et Jérusalem pour les Araméens occidentaux (syriaques), Séleucie ou Babylone pour les Araméens orientaux (assyro-chaldéens).
Sont exclues de l’exposé les Eglises protestantes qui sont d”importation récente et ont peu de fidèles autochtones et les Eglises arméniennes dont les fidèles sont des réfugiés du génocide et possèdent un Etat indépendant dans le Caucase.

Les trois ethnies

Sur le plan ethnique, on dénombre 3 ethnies, observant les trois rites différents décrits ci-dessus:
– les coptes (Egyptiens) qui sont 7.600.000 dans le monde
– les syriaques (Araméens occidentaux) qui sont 8.125.000
– les assyro-chaldéens (Araméens orientaux) qui sont 1.000.000
Le total, loin d’être négligeable, atteint le nombre de 16.725.000 disséminés dans le monde entier.

Les deux langues

Le copte n’est plus parlé depuis la fin du moyen-âge. Le néo-araméen est parlé (ou au moins compris) par 850.000 personnes dans le monde dont 50.000 sous sa forme syriaque (néo-araméen occidental) et 800.000 sous sa forme assyro-chaldéenne (néo-araméen oriental).
Tous les autres chrétiens orientaux parlent l’arabe sous sa forme égyptienne ou irako-levantine.

Les chrétiens dans les neuf pays proche-orientaux

Irak: 430.000 chrétiens (1,7%) dont catholiques 330.000 (1,3%), orthodoxes 30.000 (0,12%), monophysites 20.000 (0,08%), nestoriens 90.000 (0,4%). En 1914, les chrétiens étaient 11%.
Pendant la première guerre mondiale, les Assyro-chaldéens subirent un génocide comme les Arméniens. L’Église assyrienne perdit 275.000 fidèles et l’Eglise chaldéenne 70.000. Quand l’Iraq devint indépendant en 1932, les Assyriens s’adressèrent en vain à la Société des Nations pour obtenir l’autonomie territoriale. Le patriarche s’exila et installa son siège à San Francisco puis à Chicago. En 1968, un putsch militaire amena le parti socialiste nationaliste Baath au pouvoir. Les évêques eurent besoin de l’accord de l’Etat avant leur entrée en fonction. En 1984, sous Saddam Hussein, 150 Assyriens furent torturés pour « nationalisme militant », fait qui fut suivi de trois exécutions. En 1987 et 1988, deux mille chrétiens assyriens trouvèrent la mort dans les attaques au gaz conduites par le même Saddam Hussein. Aujourd’hui, le Califat autoproclamé de l’Etat islamique persécute violemment les Assyriens d’Irak, précipitant l’exil.

Syrie: 1.000.000 chrétiens (4,6%) dont catholiques 170.000 (0,8%), orthodoxes 510.000 (2,3%), monophysites 320.000 (1,5%), nestoriens 20.000 (0,09%). En 1914 les chrétiens étaient 10%.

Liban: 1.500.000 chrétiens (37%) dont catholiques 1.000.000 (26%), orthodoxes 300.000 (8%), monophysites 30.000 (1%). En 1914 les chrétiens orientaux 57%.
Les musulmans et les chrétiens ont 50% de sièges au Parlement et le Président de la République est chrétien, ainsi que le Chef d’Etat major.

Jordanie: 190.000 chrétiens (3%) dont catholiques 70.000 (0,9%), orthodoxes 120.000 (2,1%). En 1914 les chrétiens étaient 10%.

Palestine: 80,000 chrétiens (1,9%) dont catholiques 45.000 (1,1%) ,orthodoxes 25.000 (0,6%). En 1914 les chrétiens étaient 9%.
En 2013, des religieuses du monastère grec orthodoxe à Béthanie ont envoyé une lettre au président palestinien Mahmoud Abbas lui demandant de répondre à l’escalade d’attaques contre le monastère chrétien, y compris des pierres lancées sur la maison, des vitres brisées, des vols et le pillage de la propriété du monastère. La Constitution palestinienne assure sans détour que l’islam est religion d’État. Dans les manuels scolaires des petits Palestiniens, il n’est plus question de chrétienté ni d’Évangiles.

Israël: 250.000 chrétiens (3,5%) dont catholiques 110.000 (1,6%), orthodoxes 140.000 (1,9%). En 1914 les chrétiens étaient 16%.
En 1990, un vicaire apostolique catholique est nommé pour la communauté de langue hébraïque (plusieurs milliers de fidèles, en progression).

Turquie: 110.000 chrétiens (0,15%) dont catholiques 35.000 (0,05%), orthodoxes 75.000 (0,1%). En 1914 les chrétiens orientaux ( à l’exception des Arméniens et des Grecs) étaient 1%.

Iran: 25.000 chrétiens (0,3%) dont catholiques 10.000, nestoriens 15.000 (0,02%). En 1914 les chrétiens orientaux (à l’exception des Arméniens) étaient 2%.

Egypte: 5,700,000 chrétiens (7,3%) dont catholiques 160.000 (0,2%), orthodoxes 40.000 (0,05%), monophysites 5.500.000 (7%). En 1914 les chrétiens étaient 8%.

La comparaison des pourcentages de chrétiens en 1914 et aujourd’hui est accablante. L’épuration ethnique, le Grand remplacement de Camus, est impitoyablement à l’oeuvre.
Actuellement, demeurent sur leurs terres ancestrales du Proche-Orient seulement:
– 1.930.000 catholiques (36%) sur 5.385.000 dans le monde entier
– 1.240.000 orthodoxes (49%) sur 2.540.000
– 5.870.000 monophysites (72%) sur 8.200.000
– 125.000 nestoriens (21%) sur 600.000

Les chrétiens, entre dhimmitude et sentiment national

Comme le déclara le grand écrivain égyptien Taha Hussein : « S’il n’y avait pas eu les Arabes libano-syriens, il n’y aurait pas de langue arabe aujourd’hui ». Le mouvement de renaissance de la langue arabe tel qu’il émergea du milieu du XIXe siècle, fut conduit principalement par des intellectuels chrétiens. Ainsi on voit à Beyrouth, se constituer, en 1847, la Société des Arts et des Lettres avec l’écrivain Nassif Alyazigi et l’encyclopédiste Boutros Boustany, tous deux chrétiens.

A Paris, le Palestinien chrétien Nabil Azouri fonda la « Ligue de la Patrie Arabe » et publia, à partir de 1905, le journal « le Réveil de la Nation Arabe». Lorsque le mouvement arabe trouva sa première expression politique, en juin 19I3, dans le « Congrès arabe » de Paris, c’est encore à quelques chrétiens que l’entreprise dut son succès. Parmi les huit membres du comité d’organisation, quatre sont chrétiens. C’est souvent chez les chrétiens, surtout les orthodoxes, que vont se recruter les porte-paroles, parfois les créateurs de partis panarabes prônant un nationalisme arabe plus ou moins radical.

Le Parti socialiste de la Résurrection arabe (Baath) fut créé, en Syrie en 1933 par le chrétien orthodoxe syrien Michel Aflaq converti à l’Islam qui proclamait: « Un jour, lorsque leur nationalisme sera pleinement épanoui et qu’ils renoueront avec leur caractère original, les Arabes chrétiens sauront que l’Islam représente pour eux une culture nationale dont ils devront s’imprégner afin de la comprendre, de l’aimer et de la protéger en tant qu’aspect le plus précieux de leur arabisme. L’islam est la meilleure expression du désir d’éternité et d’universalité de la nation arabe. » (Discours à l’Université syrienne de Damas le 5 avril 1943). Les régimes autoritaires syrien des Assad père et fils et irakien de Saddam Hussein en sont issus. Albert Hourani explique ainsi l’action des militants chrétiens panarabes. « Ils souscrirent au concept de nationalisme arabe dans la mesure où cette nation développerait un mécanisme de défense contre la persécution, l’assimilation et la stagnation ». Les dirigeants palestiniens d’extrême-gauche étaient également chrétiens: Georges Habbache (FPLP), grec orthodoxe ou Nayef Hawatmeh (FDPLP), grec catholique.

D’autres chrétiens prônèrent plutôt un nationalisme centré sur le Levant, tout en affirmant l’appartenance arabe. C’est le cas du Parti populaire syrien créé par le chrétien orthodoxe libanais Antoine Saadé qui disait: « Lorsque nous parlons du monde arabe, nous entendons le monde qui parle la langue arabe et dont nous sommes. » Ce parti participe au gouvernement syrien de Bachar el Assad et défend au Liban une politique prosyrienne.

En revanche, en Egypte, le grand parti libéral « Wafd » (« députation ») dont le copte protestant Makram Ebeid assura la présidence, prônait un nationalisme proprement égyptien.

Des hommes d’Etat chrétiens accèderont aux plus hautes responsabilités dans chacun des Etats de la région, Boutros Ghali, grand-père du précédent Secrétaire Général de l’ONU, deviendra Premier Ministre de l’Egypte en 1910, mais il sera tué par un musulman qui contestait la nomination d’un Copte. En Syrie, le protestant Fares el Khoury sera même Premier Ministre. Quant au chaldéen catholique Tarek Aziz, ministre des Affaires étrangères de Saddam Hussein, né Mikhaïl Johanna, il prendra un patronyme et un prénom arabo-musulmans par fidélité à la doctrine pan-arabe des baathistes.

L’attitude de beaucoup d’ecclésiastiques orientaux ne laisse pas de surprendre les historiens et anthropologues européens. Béchara Boutros Raï patriarche des Maronites depuis 2011 et élevé au collège des cardinaux l’année suivante, affirmait le 8 septembre 2011: « Tout ce qui se passe dans les pays arabes, émiettant leur unité, va dans l’intérêt d’Israël». et renchérissait le 6 mai 2014: « Jérusalem est une terre arabe ». Jésus Christ aurait assurément été très surpris d’apprendre que Jérusalem est une terre arabe! Michel Sabbah, patriarche latin de Jérusalem, expliquait dans la « La Vie » du 1er avril 2010: « Qu’est-ce qu’être chrétien? C’est être envoyé dans une societé, dans un monde que nous n’avons pas choisi parce qu’il nous est donné. Notre vocation est donc d’être chrétien dans une société arabe et majoritairement musulmane. »

Parmi le haut clergé chrétien libanais, on trouve parfois un antijudaïsme qui ravit les musulmans, en témoigne cet extrait d’une interview avec George Saliba, évêque de l’Eglise orthodoxe syrienne au Liban, diffusé sur Al-Dunya TV le 24 juillet 2011: « Toutes ces organisations internationales, en Orient comme en Occident, et en particulier dans le monde arabe sont dirigées par une seule organisation maléfique, connue sous le nom de “sionisme”. Elle est derrière tous ces mouvements, toutes ces guerres civiles, tous ces maux. Elle se sert des Occidentaux, aux Etats-Unis et en Europe, ou de leurs disciples. […] Toute personne intelligente qui lit le Protocole des Sages de Sion reconnaîtra l’étendue de son influence sur la politique de notre région et du monde. »

On sait qu’en 1962, au Concile Vatican II, les patriarches arabophones avaient tout fait pour torpiller l’élaboration d’une déclaration visant à refonder les relations de l’Eglise avec le monde juif. Ils s’y étaient fortement opposés pour accepter finalement une septième version du document, amendée par leurs soins. Il s’agit de « Nostra Aetate » qui aborde le rapport entre chrétiens et juifs, en s’empressant d’ajouter les relations entre chrétiens et musulmans, au nom d’un même monothéisme fictionnel, dans une symétrie trompeuse et révélatrice d’une certaine tendance à la « dhimmitude » (soumission envers l’islam).

Heureusement, certains prélats font entendre une autre musique, plus fidèle à lidentité ancestrale. Le 18 juillet 2008, Anbâ Thomas, évêque copte du diocèse de Qusiya, fit une communication au Hudson Institute qui provoqua un tollé dans la presse égyptienne panarabe: « Si vous dites à un copte qu’il est arabe, vous l’offensez (…). Nous ne sommes pas arabes, nous sommes égyptiens. Je suis très heureux d’être égyptien et je n’accepterais pas d’être un « arabe », car d’un point de vue ethnique je n’en suis pas un. » En 1984 à Damas, le patriarche orthodoxe Ignace IV Hazim rappela que les chrétiens sont en Orient sur leurs terres ancestrales : « C’est nous qui sommes les vrais maîtres de la maison, les musulmans sont nos hôtes depuis quatorze siècles ».

La néo-chuubiya

Il existe quelques mouvements qui vont jusqu’au bout de la logique du refus du Grand remplacement qui a affecté cette région à compter du VIIe siècle, et que les Croisades n’ont pu remettre en cause durablement comme a su le faire la Reconquista espagnole.

Au Liban, le Mouvement nationaliste libanais est issu du Parti du Renouveau libanais créé en 1972 par Etienne Saqr, qui prit le nom de Gardiens des Cèdres en 1975. Certains de ceux-ci rejoignirent l’Armée du Liban Sud pro-israélienne dirigée par Saad Haddad puis par Antoine Lahd. Les Gardiens des Cèdres furent bannis durant la période d’hégémonie syrienne sur le Liban et Étienne Saqr fut condamné à mort par contumace. En 2009, ses cadres ont rallié la coalition du 14 mars de Saad Hariri (sunnite) et de Samir Geagea (maronite) opposée à la Syrie. Selon eux, le Liban est une nation cananéenne et n’a aucun lien ethnique avec les Arabes. Ils appellent à la désarabisation du Liban, avec le dialecte arabe libanais comme langue nationale, utilisant un alphabet latin développé par le poète Saïd Akl.

Le Parti phénicien uni, dirigé par Cadmus Hanna, est un groupuscule libanais qui réclame l’adoption de l’arabe dialectal libanais comme langue officielle aux côtés du français et de l’anglais. Ce parti considère le Liban comme la Phénicie moderne et réfute tout caractère arabe des Libanais.

Quant au Parti Araméen démocratique, fondé en 1988, il soutient l’installation d’un système fédéral au Liban. Toni Nissi, président du parti, explique qu’il existe deux civilisations majeures se partageant le territoire libanais : l’une araméenne et l’autre arabe. Selon lui, un système politique autre que fédéral, même laïque, ne peut garantir l’épanouissement de ces deux composantes du Liban.

En Syrie, le Conseil Militaire Syriaque est né le 8 janvier 2013, dirigé par Gewargis Hanna comme expression militaire du Parti de l’Union Syriaque, un parti de la communauté ethno-religieuse syriaque fondé en 2005 par Ichow Goriye. Le communiqué dénonce le régime « tyrannique » du Parti Baath d’Assad comme ayant appauvri les populations syriaques et ne leur ayant donné aucune représentativité. Sans être explicitement anti-panarabe, le Conseil Militaire Syriaque annonce combattre pour une Syrie démocratique, multipartite et respectant les communautés sur son territoire.

Bassam Ishak, président-fondateur du Conseil national des Syriaques en Syrie se réfère à l’ethnie syriaque chrétienne. Il est aussi secrétaire général du Conseil national syrien ( CNS ) qui lutte sur deux fronts contre Assad et l’Etat islamique. Le 13 février 2013, Bassam Ishak, lors d’une conférence-débat à Paris intitulée « Les chrétiens et le printemps arabe : une opportunité ou une menace », organisée par l’Institut assyro-chaldéen-syriaque de Paris et l’Union syriaque européenne, il a déclaré: «Nous voulons un pays construit sur le principe du patriotisme, assurant l’égalité pour tous, quelles que soient les communautés et les religions. (…) Nos ancêtres étaient là avant les Arabes.  Aujourd’hui, beaucoup de chrétiens syriens disent qu’ils sont d’origine arabe, mais c’est pour se donner un point commun avec les musulmans. En fait, ils sont d’origine syriaque ».

En Irak, le Mouvement démocratique assyrien prône un Etat fédéré autonome pour les Assyriens. Le partie a quatre des cinq sièges réservés aux Assyriens au parlement Kurde. Le mouvement démocratique assyrien a été fondé en avril 1979 pour satisfaire les objectifs politiques des assyriens en Irak, en réponse à la brutalité du régime de Saddam Hussein et de ses tentatives d’exproprier de force les Assyriens ethniques de leurs terres natales. Le mouvement a entamé la lutte armée contre le régime irakien dans 1982 sous la conduite de Yunadam Kanna.

Fin août, les Assyriens ont formé leurs propres forces de défense en Irak :« Dwekh Nawsha » (« Se sacrifiant nous-mêmes »), déclarant solennellement: «Les Assyriens sont pacifiques et recourent rarement à la violence; c’est une bonne chose d’un point de vue biblique, mais pas pour notre survie. (…) Il est donc plus important que jamais que nous formions notre propre force de défense pour protéger notre peuple et nos villages. Nous ne nous opposons pas à collaborer avec l’armée irakienne et les Peshmergas kurdes, mais nous ne pouvons compter sur eux pour nous offrir la pleine protection dont nous avons besoin. Nous avons donc formé une nouvelle force de défense assyrienne, appelée Dwekh Nawsha indépendante de l’armée irakienne et des Peshmergas kurdes, et entièrement vouée à la défense de notre peuple.»
L’Union démocratique chaldéenne est aussi un parti irakien qui promeut l’identité nationale chaldéenne. Le parti fut créé en 2003 et a un député élu à Bassorah dans le sud de l’Irak (l’ancienne Chaldée). Ablahad Afraim Sawa est son dirigeant actuel.

Ces partis participent de la néo-chuubiyya qui se réfère à la première chuubiyya (ce mot évoque les « nations non arabes») des premiers siècles de l’Islam, qui désignait les nationalistes opposés à l’arabisation parmi les peuples récemment islamisés. En plus des peuples chrétiens orientaux, la néo-chuubiyya comprend aussi au Maghreb les berbéristes pourtant presque unanimement musulmans. Chacun de ces mouvements veut promouvoir la création d’Etats-nations non-arabes et sécularistes. Ils considèrent que les populations arabophones de ces régions doivent retrouver la fierté de leurs ethnies d’origine qui ne sont pas arabes à l’exception des Sayyedh, Arabes « de souche » très minoritaires descendant des colons du VIIe siècle. Il faut être réaliste, la néo-chuubiyya ne concerne que de rares intellectuels et activistes ultra-minoritaires, à l’exception des mouvements berbéristes bien implantés notamment en Kabylie et des Assyro-Chaldéens en Irak. A ce jour, au Proche-Orient, seul Israël a réussi à revenir sur le Grand remplacement, dans un contexte historique très spécifique.

Les cinq attitudes politiques envisageables

Pour les chrétiens d’Orient, il y a plusieurs objectifs politiques (ou même civilisationnels) envisageables, dont certains ont été ou sont incarnés par tel ou tel mouvement.

– La dhimmitude: Autrement dit les chrétiens acceptent benoîtement (lâchement sans euphémisme) leur soumission en tant que minorité opprimée et obéissent aux Capitulations d’Omar qui régissent la « dhimma ». C’est l’attitude de la plupart des clergés chrétiens actuels, à l’exception des nestoriens assyro-chaldéens depuis déjà la 1ère guerre mondiale, et des chrétiens dans le contexte libanais.

– Le pan-arabisme séculariste: Dans cette option, les chrétiens se font les militants de la sécularisation des Etats concernés, autrement dit de la séparation de l’islam et de l’Etat qui est un pur fantasme à court et moyen terme. Surtout prônée par les chrétiens des partis d’extrême-gauche ou nassériens en vogue durant la dernière moitié du XXe siècle, cette conception est en pleine déroute aujourd’hui, ayant liée son sort à l’athéisme soviétique. D’ailleurs, l’émigration massive des chrétiens a commencé avec le triomphe du courant nasséro-gauchiste panarabe (rappelons-nous le FLN en Algérie) dans les années 60 et 70.

– Le nationalisme par pays historique: C’est probablement ce qui aurait pu être le plus réaliste, et qui le demeure peut-être à moyen terme en Egypte pour les Coptes et au Liban malgré l’évolution délétère dans ce pays. Cela suppose de faire accepter aux musulmans arabisés le fait qu’ils sont Egyptiens ou Araméens et non pas Arabes, la langue ne faisant pas l’ethnie. Les Irlandais parlent anglais à 98% et pourtant sont farouchement attachés à leur nation celtique (et souvent très anti-anglais). Aucun orientaliste sérieux (il y en a, même en France) ne croit à cette éventualité.

– Le séparatisme: Le seul cas où le séparatisme est envisageable, par création d’une province autonome dans le cadre kurde, concerne les Assyriens. En effet, ils sont les seuls chrétiens orientaux à occuper un territoire relativement compact, avec un lourd handicap: ils ne sont plus que 90.000 aujourd’hui sur ces terres ancestrales (contre 400.000 en 1914). Dans les autres pays, les chrétiens sont dispersés, même s’ils habitent souvent des quartiers spécifiques dans les métropoles.

– L’émigration: Il s’agissait déjà de la seule issue pour des millions de chrétiens qui ont émigrés depuis plus d’un siècle maintenant. La conjonction du panarabisme à la Assad et du panislamisme à la Baghdadi (Etat islamique) ne fait que planter les derniers clous du Grand remplacement. Seuls le Liban et Israël (qui accueille d’ailleurs de plus en plus de chrétiens) pour des raisons très spécifiques empêchent la bédouinisation complète de ces territoires de vieilles civilisations. Civilisations à qui l’ont doit entre autres l’origine de l’alphabet utilisé dans cet article.

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  • Pascal , 19 septembre 2014 @ 23 h 36 min

    Je n’aurais pas exclu les Eglises arméniennes de l’exposé. La Cilicie fait partie du Levant et les arméniens du Proche-Orient viennent principalement de Cilicie. Le patriarcat de la Grande Maison de Cilicie a son siège à Antélias au Liban, idem pour l’Eglise arménienne catholique qui a son siège à Bzoumar.

    L’Eglise maronite est chalcédonienne et à ce titre a été persécutée par les jacobites monophysites. C’est la raison du déplacement des maronites de la vallée de l’Oronte vers le Mont-Liban. Je ne vois pas ce que le nestorianisme vient faire la dedans.

  • Aragorn , 22 septembre 2014 @ 11 h 21 min

    Jérusalem a été prise et reprise par les musulmans et les byzantins entre le 7ème et le 11ème siècle, et c’est bien la prise de 1071 qui met fin à la libre circulation des chrétiens et à la possibilité de péleriner. C’est l’origine de la première croisade.

    De fait, les relations entre chrétiens orientaux et occidentaux ont été chaotiques pendant cette période et expliquent en partie l’échec global du projet.

    Echec relatif puisqu’on peut considérer que sans les croisades Byzance serait tombée 3 siècles plus tôt. C’est toujours ça de pris…

  • charles-de , 27 novembre 2014 @ 10 h 18 min

    “Cela risque …!”
    Mais ouvrez les yeux ! On y est déjà !!!!

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