Allemagne : La bataille électorale a commencé

Tribune libre de Jakob Höber*

Alors que se profilent, pour le deuxième trimestre 2013, les prochaines élections au Bundestag, la Chancelière démocrate-chrétienne Angela Merkel jouit d’une cote de popularité à faire rougir d’envie ses opposants directs. Avec 66% d’opinions favorables – du jamais vu pour un Chancelier à la fin de son second mandat –, elle règne sur son parti, la CDU, et dispose a priori de bonnes chances de garder son poste après les élections.

Les sociaux-démocrates du SPD, qui espèrent quand même ravir la Chancellerie à Angela Merkel, ont désigné le 9 décembre dernier celui qui les représentera lors des élections. Il s’agit de Peer Steinbrück, ancien ministre des Finances entre 2005 et 2009. Ce dernier peut en effet espérer compter sur la confiance que lui accordent les Allemands, tous bords confondus, depuis sa gestion remarquée de la crise financière de 2008.

Peer Steinbrück a bâti sa carrière politique sur une réputation de libéral convaincu rétif à la langue de bois. C’est d’ailleurs ce qui constitue sa plus grande faiblesse : en défendant, lorsqu’il était au gouvernement, des positions libérales, il s’est aliéné une partie de la gauche allemande. Son soutien lui est pourtant désormais nécessaire s’il veut avoir une chance face à Angela Merkel. Son discours est donc celui d’un rassembleur de la gauche, dont il reprend les principales revendications, à savoir la défense d’une politique sociale plus généreuse et une refonte du contrat social.

Les marges de manœuvre politiques de Peer Steinbrück sont malgré tout très étroites : cadre du SPD, il ne peut critiquer trop violemment les conséquences sociales de l’Agenda 2010 de Gerhard Schröder, dont il est un fervent partisan. S’il dénonce l’isolement politique grandissant de l’Allemagne, il ne peut contester le fait que la politique d’Angela Merkel a permis d’asseoir le leadership du pays sur la scène européenne. Reste à savoir si les électeurs de gauche – le nouveau champion du SPD n’avait pas hésité à qualifier de “Heulsusen”, de pleurnichards, l’aile gauche de parti ! –, vont croire à ce gauchissement du discours et du programme ou s’ils n’y verront qu’une volte-face opportune. Peer Steinbrück doit de plus intégrer dans son équation l’électorat de centre-droit qu’il va chercher à convaincre en jouant du rappel des positions pragmatiques qu’il a prises par le passé.

De l’autre côté de l’échiquier, Angela Merkel peut se prévaloir de succès importants en matière de politique européenne. Elle a réussi en sept ans à faire passer l’Allemagne du statut de géant économique endormi à celui de leader politique de l’Europe. Elle se représente devant les électeurs avec un statut de figure européenne dominante et incontournable, la seule réellement capable de défendre les intérêts allemands en Europe et dans le monde. Mais paradoxalement, la tâche sera plus ardue pour elle qu’en 2009, où elle l’avait incontestablement emporté sur son adversaire de l’époque,Frank-Walter Steinmeier. Car occupée par la gestion de la crise européenne, elle a imprudemment négligé la politique intérieure du pays.

La Chancelière et son gouvernement n’ont en effet pas su gérer un certain nombre de dossiers cruciaux pour l’avenir du pays. La décision de sortir du nucléaire, prise en fanfare au lendemain de l’accident de Fukushima, risque par exemple de pénaliser lourdement et durablement les consommateurs et les industries allemands. Autre point : la politique familiale, qui ne parvient toujours pas à enrayer le déclin démographique inquiétant du pays. Ces dossiers, qui n’ont pas trouvé de solutions adaptées ces dernières années, vont probablement peser sur son bilan et l’affaiblir dans sa confrontation avec Peer Steinbrück. La critique du bilan interne d’Angela Merkel sera donc probablement l’angle d’attaque choisi par Steinbrück.

L’issue du combat qui se prépare est donc bien plus incertaine qu’elle ne l’était en 2009. D’abord parce que la CDU d’Angela Merkel est confrontée à des tensions continues avec la CSU. Ensuite parce que son partenaire dans la coalition gouvernementale, le FDP, s’est constamment affaibli tout au long de la législature, si bien qu’il n’est plus crédité que de 4% des voix dans les sondages… A l’heure actuelle, la CDU/CSU est créditée de 39% des intentions de vote – un score qui ne lui permet pas d’envisager de gouverner seule.

De son côté, le SPD s’est déclaré hostile à la formation d’une Grande Coalition sur le modèle de celle qui dirigea le pays de 2005 à 2009. La seule combinaison qui trouve grâce aux yeux des sociaux-démocrates serait une coalition Rot-Grün, joignant le SPD et les Verts. Cette coalition pourrait atteindre 43% des voix. Deux inconnues persistent tout de même : les scores obtenus par le Parti Pirate et le FDP. Le Parti Pirate pourrait en effet faire son entrée au Parlement, le seuil étant fixé à 5% des suffrages obtenus. Un succès électoral de l’un ou l’autre de ces deux partis constituerait un affaiblissement du SPD qui espère, tout comme les Verts, capter une partie des voix du FDP de 2009, en lui grignotant uncertain nombre de sièges au Bundestag.

En excluant toute autre coalition qu’une SPD-Verts, Peer Steinbrück joue un jeu risqué pour la stabilité politique du pays : les résultats seront serrés, et il n’est pas impossible que la seule issue viable pour l’Allemagne soit la reformation d’une nouvelle Grande Coalition…

*Jakob Höber est chercheur associé à l’Institut Thomas More.

L’Institut Thomas More est un think tank libéral-conservateur présent à Paris et à Bruxelles.

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2 Comments

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  • tirebouchon , 26 décembre 2012 @ 17 h 20 min

    On se fout de l’Allemagne ET de Merkel….ils se foutent bien de la France…

  • Le Nouveau Croisé , 31 décembre 2012 @ 18 h 45 min

    Attention : ne pas se moquer de l’Allemagne elle a été et sera toujours plus forte et plus grande que la France, j’en ai eu la preuve dans les années 53-55 .
    Le peuple allemand est plus fier et plus courageux au travail que les français !

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