Plus d’heures supplémentaires, et après ?

La suppression du dispositif d’exonération des heures supplémentaires, outre son aspect symbolique d’une politique d’atermoiements, ne résout rien des problèmes de fond qui minent l’économie française.

Ainsi mercredi, très probablement, le gouvernement annoncera-t-il la fin du “travailler plus pour gagner plus”, véritable leitmotiv du candidat Sarkozy pendant la campagne électorale de 2007, dernier volet de la loi TEPA qui n’était pas encore abandonné.

Cette disposition était certainement la plus contestable du dispositif et c’est, par une bizarrerie de l’histoire, celle qui se voit la dernière détruite.

Évidemment, tous les économistes sont unanimes sur son inefficacité. Leurs arguments sont connus : le dispositif a été détourné, employeurs et employés étant très contents, les uns d’exonérer un certain volume de travail déjà existant de charges, les autres, de toucher des salaires sonnants et trébuchants plutôt que des RTT pendant lesquels ils auraient dépensé. Ainsi, d’un commun accord, le dispositif a vu gonfler le nombre d’heures supplémentaires, baisser le nombre d’heures de RTT et… pas une seule nouvelle heure d’activité se créer. Sur la base de ce constat, nos hommes politiques s’apprêtent à supprimer ce dispositif, calculant que toutes les heures se trouvant désormais soumises à cotisations, c’est 4,5 milliards d’€ qui entreront, comme par magie, dans les escarcelles de notre Moloch national.

Et si… Et si ce dispositif n’était pas aussi inutile que d’aucuns le prétendent ?

Le fond du problème de notre pays, c’est sa production. Pas ses entreprises qui sont globalement performantes et efficaces, pas son personnel, plutôt bien formé et particulièrement productif. Non, c’est le coût que revêt la production en France du fait de ce système absurde qui fait peser sur la seule production le coût de la protection sociale de l’ensemble de la population. Ce constat, simple, évident, de bon sens, nos politiques se refusent toujours à l’énoncer, à le verbaliser. Pourtant, dès qu’il s’agit de prendre quelque mesure que ce soit en faveur de l’emploi, d’une manière ou d’une autre, sous une forme ou sous une autre, il s’agit… de réduction de charges. Favoriser l’embauche des jeunes ? Réduction de charges. Favoriser l’embauche des “sans qualification” ? Réduction de charges. Favoriser l’emploi à temps partiel ? Réduction de charges. Favoriser l’emploi des “seniors” ? Réduction de charges, etc etc… N’est-ce pas là un aveu ? N’est-ce pas là la reconnaissance que ce système de financement de la protection sociale française est obsolète et pèse aujourd’hui comme un boulet qui sclérose notre économie, rendant nos produits non compétitifs ?

Le premier danger, c’est de prendre des mesures partielles, toujours remises en cause à plus ou moins brève échéance (on le voit encore avec l’exemple des heures sup’) et qui n’ont pour effet que de priver les caisses de revenus dont elles ont besoin, permettre à certaines entreprises de profiter de l’effet d’aubaine sans vraie création d’activité ni d’engagement à long terme. Il n’y a rien de pire pour un chef d’entreprise que l’insécurité fiscale. Prendre des décisions de gestion en se disant que probablement les mesures qui rendent la chose possible disparaîtront avant que le retour sur investissement ne soit achevé n’incite pas au dynamisme !

L’autre danger, c’est de laisser la porte ouverte aux cow-boys, aux aficionados du Far West qui prêchent la suppression pure et simple de la protection sociale et le retour au darwinisme social, à la pureté de la race travailleuse par l’élimination des plus faibles et des inadaptés au système qui crèveront de ne pas avoir volontairement cotisé ou de ne pas avoir été capables de gagner les sommes nécessaires à leurs soins. Facile pour eux de démontrer que l’État n’a plus les moyens de sa politique sociale, facile pour eux de démontrer que le coût de cette protection se compte en milliards d’€ de déficit du commerce extérieur, en milliards d’€ de Français inemployés, facile pour eux de démontrer que la suppression de la protection sociale représenterait un ballon d’oxygène extraordinaire et un redécollage du PIB.

La seule politique possible, celle que Schröder a mis en place en Allemagne et dont le pays profite aujourd’hui, c’est le transfert de tout ou partie (je suis pour ma part favorable au “tout”) du coût de la protection sociale sur la consommation et supprimer ainsi les cotisations patronales et salariales sur l’emploi (à deux ou trois exceptions prêt, comme celles se rapportant aux accidents du travail). Augmentation de 10% des salaires (ce qui reviendrait à passer du net au brut), augmentation de 3% de la TVA. Plus de dérogation, de régime particulier, le coût de la main d’œuvre se voit diminué de quasiment de moitié, l’embauche reprend, la production reprend. Réduction considérable du travail au noir, puisque devenant quasiment sans intérêt. Les produits importés augmentent, les produits français diminuent et deviennent plus compétitifs, ils gagnent des parts de marché et suscitent des embauches. Sur les marchés extérieurs, les produits français gagnent aussi des parts de marché, générant de nouveaux emplois. Le coût de la main d’œuvre ayant baissé, l’intérêt pour un certain nombre d’entreprises de produire en France se trouve relancé. Les 3% de TVA sur l’ensemble de la consommation soumettent aux cotisations sociales tous les consommateurs français, quelque soit l’origine de leurs ressources.

La suppression du dispositif des heures supplémentaires sera-t-elle le prélude à une refonte du financement de notre système de protection sociale ? Hélas, je ne le crois pas. Je crains fort que le gouvernement ne se contente de supprimer aujourd’hui ce qu’il a instauré hier, sans aller plus loin, sans aborder les vrais problèmes, pour passer les élections présidentielles en toute tranquillité et nous annoncer l’air contrit et affligé dans deux ans qu’il va falloir se serrer la ceinture et vivre selon nos moyens et donc s’engager dans un programme de réductions drastiques (…pour faire face à nos “engagements internationaux”) de nos dépenses de santé. La petitesse de notre personnel politique qui ne voit jamais plus loin que l’échéance de la prochaine élection tue à petit feu notre pays. Aucune vue à long terme, aucune conviction politique, aucune ambition pour la France. La gestion à très court terme des problèmes au jour le jour.

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2 Comments

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  • 0 / 10
  • K. , 24 août 2011 @ 7 h 14 min

    Je doute que la responsabilité des politiciens soit si forte, hormis qu’aucun ne propose d’aller vers un système ou le long-terme serait une composante essentielle de la vie politique.

  • olrik , 24 août 2011 @ 9 h 03 min

    Excellent article. La responsabilité de nos politicards et de leurs fac totum, les anciens élèves de l’ENA, est écrasante. Pour couronner le tout, ils osent nous asséner des leçons de morale.

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