La guerre d’Hidalgo contre les VTC profite au concurrent chinois

Les élections municipales approchent. Dans certaines villes françaises, c’est une véritable bousculade de candidats tous plus hétéroclites les uns que les autres ; l’arrivée de Schiappa dans la course à la mairie de Paris donne d’ailleurs une excellente mesure du niveau de sottises que cette échéance électorale nous promet. Dans cette troupe de clowns à roulettes, Anne Hidalgo ne perd pas le nord.

C’est ainsi qu’au milieu de ses inévitables promesses démagogiques – la dernière en date étant, après avoir finalement repoussé la gratuité totale des transports en commun, leur gratuité pour les moins de 18 ans (dont les parents votent, ne l’oubliez pas) – on continue d’observer les attaques permanentes d’elle et son équipe pour lutter, pied à pied, contre toute velléité de la nouvelle économie de prendre place à Paris.

Il est aisé de se souvenir de ses nombreuses saillies contre AirBnB, l’entreprise américaine de location de bien meublés contre laquelle la maire de Paris se démène régulièrement, épaulée en cela par un frétillant Ian Brossat, ouvertement communiste, dont les petits couinements stridents à chaque évocation de cette plateforme numérique parviennent à fissurer les flûtes de champagne des réceptions parisiennes auxquelles lui et ses coreligionnaires municipaux ne manquent pas de traîner entre deux décrets d’interdiction.

Il sera aussi facile de rappeler les homériques batailles de la même fine équipe contre Amazon, accusée tour à tour de saboter le petit commerce (de livres) et de trop favoriser le petit commerce (de livraisons), la cohérence d’ensemble du discours reposant à la fois sur une inculture économique crasse et sur un anti-américanisme des plus épurés que l’intelligentsia française cultive avec une obsession presque touchante à coup de tweets rageurs sur des iPhones flambant neufs en provenance directe de sweat-shops asiatiques.

De la même façon, il ne s’est guère écoulé un mois sans qu’une tentative de museler les plateformes VTC ne fasse son apparition aussi bien au niveau national qu’au niveau municipal : comme pour les locations AirBnB dont la corporation hôtelière française, conservatrice, arquée sur de vieux principes et pas trop apte à l’adaptation, a juré la perte, les VTC sont devenus de fait les cibles faciles de toutes les vexations circulatoires des grandes mairies françaises, tant leur concurrence frontale avec la corporation des taxis a chamboulé les vieilles habitudes et les facturations pratiques.

Faisant assaut d’inventivité, l’équipe municipale de Paris aura donc multiplié les appels à de nouvelles régulations (lire « interdictions » et « taxations ») sur des motifs allant du prétexte écologique (les flottes VTC polluent, et ont des filtres à particules « trop souvent dysfonctionnels », c’est évident, pas comme les bus municipaux et leur conso pépère à 31 litres/100 km aux filtres toujours propres) jusqu’aux explications loufoques (la mairie de Paris sera en mesure de réaliser une meilleure application numérique que celle utilisée par les VTC, oui, bien sûr).

Cependant, cette dure lutte contre les VTC de plateformes essentiellement américaines ne s’étendra pas au point d’amoindrir les espoirs de pénétration de certaines firmes chinoises sur les mêmes marchés franciliens : si la guerre ouverte contre Uber est depuis longtemps déclarée, dans les esprits et dans les actes par tout ce que la capitale compte de bobos socialistes, il en va différemment lorsqu’une firme chinoise investit la place. On apprend en effet que Caocao, acteur chinois de la mobilité, lance son service de VTC à Paris en arguant de son côté « écologique », imparable argument à la mode du moment.

Pensez donc : ses véhicules sont hybrides voire totalement électriques, ce qui revient quasiment à dire qu’ils ne polluent pas (ah bon ?) et permet donc à l’équipe municipale parisienne de valider l’implantation du Chinois dans la capitale, youpi youpi. En plus, tout le monde sait que, contrairement à Uber, Amazon ou AirBnB, les Chinois ont une conscience écologique chevillée au corps ce qui garantit que leurs entreprises sur le sol national pourront recevoir un accueil nettement plus chaleureux que ces Américains pollueurs.

C’est évident.

C’est d’ailleurs tellement évident que ce qui se joue à l’échelle de Paris se joue aussi à l’échelle de la France où l’on retrouve les mêmes présupposés anti-américains légèrement passéistes, visibles en creux lorsqu’une startup comme Dejbox se fait racheter par Carrefour, ce qui permet au secrétaire d’État au numérique, Cédric O, d’afficher son contentement. Eh oui, quand c’est Uber Eats ou Deliveroo, c’est mal, c’est de l’emploi précaire mal rémunéré, de l’exploitation de l’homme par l’homme. Mais lorsque c’est Carrefour, finalement, ça le fait.

Bien évidemment, on ne s’étonnera pas de l’absence totale de réaction de la presse qui aurait pu se demander, n’aurait été son idéologie pro-étatiste rabique, pourquoi une maire ou un secrétaire d’État pouvaient à ce point se réjouir de ce qui ne les regarde finalement pas.

En effet, il n’appartient en rien à Hidalgo de déterminer quels concurrents ont le droit de travailler ou pas sur le sol parisien : la responsabilité de l’équipe municipale devrait se cantonner à la gestion de l’infrastructure citadine (ce qu’elle fait fort mal), y assurer hygiène et sécurité pour les citoyens qui y paient des taxes (c’est un ratage complet) et garantir l’attractivité de la ville tant pour les entreprises que ses habitants, ses touristes et ses commerçants (c’est encore un échec cuisant). De la même façon, le maroquin de l’appendice ministériel qui dégoise sur Carrefour ne devrait même pas exister : les missions régaliennes de l’État sont clairement définies, et traficoter du numérique, bricoler de la startup, s’enthousiasmer pour un grand groupe de distribution alimentaire n’est absolument pas dans ses attributions, même pas en rêve, même pas sur un malentendu.

La France est maintenant ce pays où il est devenu parfaitement normal que les politiciens s’insinuent partout, distribuent les bons et les mauvais points dans les domaines où ils n’ont rien à faire, rien à dire et où ils ont déjà, par le passé et de façon systématique, amplement prouvé leur capacité de nuisance.

La France est maintenant un pays où la notion même de concurrence entre différents acteurs privés du marché est devenue absolument insupportable, pour ces politiciens et une part grandissante de la population qui, encore pire, réclame ces interventions à grands cris en refusant de voir la facture, de plus en plus monstrueuse (en dette, en lourdeurs administratives, en chômage), qui lui est présentée ensuite.

Oui, ce pays est foutu.

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