PMA : une étrange absence

Les débats sur l’ouverture de la procréation médicalement assistée aux couples de femmes ont débuté dans le monde médiatique et politique dès que le Premier ministre a annoncé que le Gouvernement allait introduire la mesure dans le projet de loi bioéthique qui devrait être débattu à l’automne.

Beaucoup d’arguments ont été énoncés pour justifier la décision gouvernementale : habileté politicienne pour satisfaire l’aile gauche et diviser la droite d’opposition, égalité entre toutes les femmes, non-discrimination. Fourre-tout on l’on retrouvait le cynisme politique voisinant avec les poncifs politiquement corrects…Mais il y a un absent de taille dans ces débats : l’enfant, pourtant le premier concerné. Edouard Philippe, quant à lui, a déclaré qu’il avait « cheminé », puisqu’il était initialement opposé à la mesure, mais qu’il pensait désormais qu’il était possible « d’accorder ce droit sans enlever quoi que ce soit à quiconque et sans remettre en cause les équilibres fondamentaux sur lesquels repose notre société ».

Or ces affirmations sont fausses. Tout d’abord, et c’est le plus grave, la mesure en question enlèvera son père à un enfant ! Et on peut légitimement se demander au nom de quoi la loi décide que des enfants seront privés de père ? Le père, en dehors de son rôle de géniteur, serait-il une figure inutile ? Pour se construire les enfants n’ont-ils pas besoin d’une mère et d’un père ? Le rôle de l’une et de l’autre sont-ils identiques ? Dans un monde ou tout le vivant est structuré par la distinction sexuée entre le féminin et le masculin, le mâle et la femelle, est-il indifférent de priver délibérément les enfants de l’une des références qui structurent la création telle qu’elle est ?

A ces questions fondamentales les activistes et les zélateurs de la déconstruction sociétale n’ont que des réponses futiles, voire stupides : « il y a bien des femmes qui font des enfants toutes seules » (RTL sic), « il existe des familles monoparentales », « il y a bien des orphelins », « chacun sait qu’il existe des pères qui abandonnent leurs enfants et leur femme ». Ce qui revient à justifier des choix d’adultes au mépris du droit de l’enfant d’avoir un père, par des situations subies souvent douloureuses, traumatisantes voire condamnables sur un plan moral.

Car le fond du problème est bien là : il s’agit de sacrifier les droits de l’enfant pour combler un souhait ou un désir d’adultes. Du droit de l’enfant on est passé au droit à l’enfant, un premier pas vers la chosification de l’enfant en attendant la gestation pour autrui qui constitue une marchandisation de l’être humain, fondement même de l’esclavage qui est, rappelons-le, un crime contre l’humanité !

Que le désir d’enfants soit une réalité douloureuse de certains couples de femmes, nul ne le nie mais faut-il toujours satisfaire les désirs individuels, même au mépris d’autres personnes, en l’occurrence les plus faibles, c’est-à-dire les enfants que l’on prive délibérément du droit essentiel d’avoir un père. La valeur profonde d’une civilisation se reconnaît justement à l’attention que l’on porte au plus faible. Avec la PMA ouverte aux couples de femmes, c’est la loi du plus fort que l’on impose au plus faible. Peut-on s’en satisfaire ?

Deuxième contre vérité, le Premier ministre affirme que l’on ne remet pas les équilibres fondamentaux de la société. Priver de façon délibérée les enfants du droit d’avoir un père est en soi une remise en cause gravissime de l’équilibre social. Tout comme le priver du droit d’avoir une mère. C’est aussi bouleverser tout le système de filiation, c’est plonger l’enfant dans l’incertitude sur ses origines, c’est introduire dans le pacte le plus fondamental de la société, la famille, l’interrogation, le malaise, la dissimulation et finalement le mensonge du fait de la loi. D’autant que la PMA pour les couples de lesbiennes conduira à la gestation pour autrui pour les couples gays. Richard Ferrand a beau affirmer le contraire, chacun sait qu’il ment. Au nom d’un principe d’égalité dévoyé chacun sait ce qu’il en sera car depuis bien longtemps le législateur a abandonné le principe selon lequel la question de l’égalité s’appréciait entre situations identiques. De la même façon que le PACS préparait le mariage homosexuel, la PMA pour les couples de lesbiennes préparera la gestion pour autrui pour les couples gays.

Nous vivons dans une époque d’individualisme forcené mâtiné de sensiblerie. Sensiblerie à sens unique, car si l’on s’émeut du désir d’enfant insatisfait, personne ne s’émeut de la souffrance de l’enfant privé de père. La notion de bien commun s’est effacée devant l’absolutisme de la volonté individuelle des adultes, surtout s’ils sont bien portant et dans la force de l’âge car, de plus en plus les droits du plus faible, de l’enfant à naître au vieillard ou au malade sont remis en cause lorsqu’ils dérangent les volontés individuelles absolutisées. Tranquillement, au nom de principes dévoyés, s’installe en Occident une barbarie individualiste bien-pensante, qui bafoue le droit des plus faibles au nom de la satisfaction de désirs individuels. Le « je » prime tout. Et l’on en vient à l’affrontement de tous contre tous, à la concurrence entre les « droits », à la confrontation permanente des communautés les unes contre les autres puisque tout se vaut et s’équivaut et qu’il n’existe plus de hiérarchie entre les choix individuels. Le fameux « vivre ensemble » n’est qu’une aimable foutaise qui cache mal un réel « vivre côte à côte », qui de transforme de plus en plus en face à face, en attendant de passer à pire.

L’individualisme absolutisé ne peut pas « faire société ». Il la déconstruit. Et de la même façon, il est incapable de donner naissance à une civilisation car toute civilisation est fondée sur une notion de bien commun qui transcende les personnes. En cela il est une vraie barbarie. Et sans doute la plus perverse de toutes car elle se prétend « vertueuse » au nom d’une conception erronée de l’égalité entre situations qui ne sont ni identiques ni même comparables. Les Français devraient prendre garde, c’est au nom de la Liberté, de l’Egalité et de la Fraternité que l’on a dressé la guillotine sur nos places publiques tandis que Robespierre énonçait que « la Terreur est l’émanation de la Vertu ».

 

                                                                                              Stéphane Buffetaut,

ancien député européen,

membre du Conseil économique et social européen

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