Biarritz ou la société internationale du spectacle

Il se pourrait que  l’histoire retienne surtout du sommet du G7 de  Biarritz,  qui vient de se tenir,  qu’à la veille d’une tourmente économique mondiale majeure que beaucoup redoutent, les sept puissances économiques principales de la planète  (en dehors de la Chine ) se soient réunies pour  parler de tout  autre chose. Danse sur un volcan ?

Rappelons-nous en effet que, quand Valery Giscard d’Estaing et Helmut Schmidt avaient lancé  ce type de réunions en 1975, leur ambition était de susciter des réunions économiques à un plus haut niveau que celui des ministres  des Finances,  et qui aient un caractère informel et, par là, discret.

C’est exactement le contraire que l’on a aujourd’hui  : très peu d’économie, beaucoup  de  bruit. La présidence  française a accéléré cette dérive . Selon l’intuition géniale  du penseur marxiste Guy Debord , relayée par le très catholique Philippe Muray, nous sommes entrés dans la « société du spectacle »  autrement dit de la communication pure, où le fond des choses n’importe plus, seulement l’image.  Avec Macron, nous avons la société internationale du spectacle.

Ses algarades de bas étage avec Bolsonaro  n’expriment  pas seulement  le souci de l’Amazonie  mais confirment  le ciblage systématique par Macron des amis historiques  de la France,  comme l’était le Brésil, comme le sont  aussi la Russie, la Pologne, la Serbie, voire le Liban  ; une posture qui ne manque pas d’interroger.  Que Macron ait  tiré prétexte des incendies en Amazonie  pour  reporter le traité de commerce avec le Mercosur ( sans y renoncer, idéologie libre-échangiste oblige)  n’est cependant  pas une mauvaise nouvelle pour  l’agriculture française.

Mais s’agissant de réduire le fossé entre riches et pauvres du monde, sujet officiel du sommet, on se demande quel progrès aura été fait.  Qui oser dire  que la mondialisation sans frein  en est la principale cause ? Ce sujet  aura été seulement le prétexte  pour inviter quelques Africains, dont  Paul  Kagame, président  du Rwanda, ordonnateur des pires crimes contre l’humanité  du dernier demi-siècle. 

 

Débloquer la question iranienne ?

L’invitation surprise du ministre des  Affaires  étrangères de l’Iran à Biarritz n’était pas en soi une mauvaise idée. Mais qu’en sortira-t-il ? Il aurait  fallu qu’elle soit avalisée par les autres pays. Le président des Etats-Unis, pris de court semble-t-il, et principal intéressé,  a refusé le contact.  Se prétendant mandaté par ses partenaires pour  dialoguer  avec Téhéran , Macron s’est fait désavouer comme un gamin.  Le résultat de cette manœuvre parait somme toute  plus favorable à Washington qu’à  Téhéran : le sommet de Biarritz a   fait avaliser par les Européens, jusque-là réticents,  que l’accord de  Vienne conclu par Obama était caduc , ce que seuls Washington et Tel Aviv avaient dit à ce jour.

Pour le reste, Paris a-t-il  quelque espoir  de servir de médiateur entre Washington  et Téhéran ? Il y  beaucoup d’obstacles à un accord : le premier est que les positions des deux partenaires (quatre si on ajoute Ryad et Tel Aviv) demeurent très éloignées.  L’accord est  possible sur le nucléaire ; il avait  d’ailleurs  été déjà conclu à Vienne et  sa remise en cause par Trump , aligné sur les positions de Netanyahou, porte le risque de ralancer la prolifération,  constituant ainsi une menace sur la paix.  Demander en plus  aux Iraniens, peuple fier s’il en est,  de renoncer à leurs fusées de moyenne ou longue  portée et de cesser d’aider leurs amis chiites (le Hezbollah au Liban, le gouvernement  Assad en Syrie, les Houthis  au Yémen) paraît bien désespéré. Trump a cependant dit à Biarritz qu’il ne demandait pas un changement de régime à Téhéran, ce qui n’avait pas toujours été aussi clair  et que les mollahs auront sans doute bien noté.  L’autre obstacle à un accord est qu’aussi bien le gouvernement américain que l’iranien (comme l’israélien et le saoudien), confrontés  à une société en crise ont besoin d’un ennemi , de spectacle si possible.  La paix avec l’Amérique,  ce  serait sans  doute la fin proche du régime des mollahs et un  hypothèque sur la réélection de Trump –  qui a eu la sagesse de choisir comme têtes de Turc les Iraniens plutôt que les Russes, ce qui est moins dangereux pour la paix  du  monde.

S’agissant de la Russie , si Macron a eu le bonne idée de faire précéder le G7 d’un entretien avec  Poutine, quel besoin avait-il de lui reprocher publiquement  des atteintes aux droits  de l’homme  au moment où il réprime avec la fureur que l’on sait ses  Gilets jaunes ?  Il ne pouvait que faire  renvoyer dans ses buts ; il l’avait bien cherché.  Rappelons que la cote de popularité  à domicile  est de 70 % pour Poutine, 20 % pour Macron.

Toujours  à propos de la  Russie, on aura noté que Trump a plaidé pour qu’elle soit invitée   au prochain G 7 (G8) , et que les gouvernements européens  s’y opposent . Or on sait que la guerre d’Ukraine,  qui est à l’origine de l’exclusion de la Russie,   avait  été explicitement voulue  par les stratèges néo-cons américains,  selon les préconisations  de Zbigniew  Brezinski, pour creuser un fossé irréversible entre l‘Europe occidentale et la Russie ! Pauvre Europe !

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1 Comment

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  • Rossi , 31 août 2019 @ 20 h 30 min

    L’impopularité de Macron retombe sur les Français qui l’ont élus et même sur tous les autres, c’est un excellent comédien qui a épousé son impressario. Espérons que la France s’en remette !

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