La force du droit

Tribune libre de Christian Vanneste*

Le « droit » est un mot qui s’use à force de servir. L’intervention française au Mali se fait au nom du droit. Un État souverain était menacé d’une subversion totale. Il risquait de tomber entre les mains de groupes islamistes auxquels  la communauté internationale et la France, en particulier, avaient abandonné l’immensité du nord de ce pays où ils font régner une terreur fanatiquement contraire à notre conception des Droits de l’Homme. La France ne devait pas s’engager sur le terrain et attendait pour apporter son soutien que les États africains interviennent dans le cadre de leurs organisations et avec l’aval des Nations Unies. Devant l’urgence, elle a pris l’initiative et il faut s’en féliciter afin qu’une base arrière du terrorisme, une zone de non-droit immense ne se constitue pas entre Soudan et Mauritanie, au sud de l’Europe. Mais il ne faut pas gratter beaucoup la surface pour découvrir bien des lézardes dans la légitimité de la situation. Certes, le gouvernement malien a souhaité l’action française, mais il est issu d’un coup d’État. Le tracé géométrique des frontières montre assez leur absence de fondement légitime. Les Bambaras ou les Peuls qui gouvernent à Bamako accordent-ils une autonomie suffisante et des moyens de développement au peuple touareg ? La situation systématiquement excentrée des capitales de ces pays du Sahel montre assez le caractère artificiel de ces États. Quant à la notion de « guerre juste », si elle semble vérifiée dans le cas présent puisque des États, des autorités à un certain degré fondées en droit, se trouvent en situation de légitime défense face à l’agression, se heurte néanmoins au fait que les agresseurs se réfèrent « justement » à un tout autre droit et considèrent leur combat comme juste et même saint.

Plus gênantes encore sont les contradictions qui entourent l’attitude occidentale : en Syrie, elles appuient une rébellion soutenue par les pétro-monarchies et en première ligne de laquelle se situent des islamistes, contre un État certes peu démocratique, mais laïque et reconnu depuis longtemps par la communauté internationale. Au Mali, c’est l’inverse, et cela pour faire face aux conséquences de la situation créée en Libye par notre intervention : chute d’une tyrannie pathologique, anarchie avec présence éminente de fondamentalistes, meurtre de l’ambassadeur américain, diffusion des armes, incapacité de l’État de faire respecter sa souveraineté sur son territoire, comme l’a souligné le raid islamiste sur un complexe gazier algérien voisin de la Libye. L’existence des blocs garantissait une vision westernienne du droit : le bon à l’Occident, le truand en face et quelques brutes au service des deux camps. La chute du mur et de l’Empire du Mal blotti derrière a permis la belle époque du droit d’ingérence. Tartuffe a pu imposer le bon droit des Croates, des Bosniaques et des Kossovars musulmans contre les méchants Serbes, la survie des monarchies des sables gorgés de gaz et de pétrole contre l’ennemi public irakien. Le Tibet chinois ou la tchéchénie russe appartiennent à des puissances politiques et militaires qui montrent les limites physiques du droit et de la force : au-delà d’une certaine pression, le droit disparaît, on n’envoie pas le Charles de Gaulle mais Raffarin faire du commerce.

La compétition des « droits » et l’inflation des revendications sont en train de créer une confusion qu’on ne semble gérer que par le relativisme brouillon de nos dirigeants ou par leur hypocrisie professionnelle. À la fin du XIXe siècle, les choses paraissaient claires : les États-nations européens en même temps qu’ils s’ouvraient à la démocratie, colonisaient le monde au nom du progrès, ce droit et ce devoir de celui qui est « en avance ». Le modèle de l’État-nation s’est, ensuite, universellement imposé. La souveraineté réelle des États que l’Histoire avait ainsi façonnés devenait un droit revendiqué par des nationalités qui n’avaient jamais connu d’unité politique. C’est ce « droit » abstrait qui a fait disparaître la civilisation austro-hongroise et permis les emprises totalitaires sur l’Europe des nazis puis des communistes. Curieux droit à l’indépendance que celui qui prive des hommes des moyens de garder leur liberté. La décolonisation a, elle-aussi, fait apparaître des États artificiels, qui conçus sur le modèle de l’État-nation, n’ont ni l’organisation d’un État, ni l’unité d’une Nation. Pendant ce temps, paradoxalement, les États européens se diluent dans une Europe incertaine, animal politique sans tête, marché grand ouvert à la mondialisation, vieux continent sur le déclin. Le mot de nation y est devenu suspect. La nationalité se réduit à une carte d’identité porteuse de droits. Le fait d’en détenir plusieurs permet ainsi de choisir entre le pays qui vous a nourri, élevé et protégé et celui pour lequel vous allez vous battre ou dont vous utiliserez la fiscalité. Au moment même où les Kurdes ou les Touareg veulent être une nation, beaucoup d’Européens se sentent citoyens du monde ou membres d’une communauté étrangère à l’histoire et à l’identité européennes.

Les droits abstraits tuent les droits réels. Dans nos vieilles sociétés, le confort intellectuel de la partie la plus protégée de la population stimule l’imagination de droits artificiels. Celle-ci mine l’existence des réalités politiques et sociales sans lesquelles les droits ne sont que des bulles de savon : la nation protectrice des citoyens et actrice de leur volonté , la famille protectrice des enfants et première sphère de liberté et de solidarité au sein de la nation.

*Christian Vanneste est un ancien député UMP du Nord.

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13 Comments

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  • Christian33 , 20 janvier 2013 @ 16 h 34 min

    ne serait ce pas l’Elysée qui aurait sollicité du Mali un “appel” plus tôt que prévu ceci dans le but de détourner l’attention des fraançais sur ce qui se passe en France : manif anti mariage-gays – affaire Cahuzac – baisse du pouvoir d’achat – baisse des retraites – hausse du chômage – affaire Renault etc…en voulez vous d’autres???
    apparement les militaires ont été pris de court, ce qui explique un peu cette arrivée en ‘ordre dispersé” (militaire que je respecte au plus haut point d’ailleurs)
    dito pour l’intervention en Somalie (heureusement qu’elle était préparée de très longue date!!!sinon….)
    QUI MENT DANS CES HISTOIRES….????

  • PAILHES , 20 janvier 2013 @ 16 h 57 min

    Qui a défini “l’urgence”…ce piège ?

  • Isabelle , 20 janvier 2013 @ 17 h 11 min

    Pourquoi “ancien député” ???? C’est bien parce que, sous la pression des manœuvres de Gay lib et de la LGBT, L’UMP a viré Christian Vanneste du loft. Et il faudrait faire confiance à l’UMP maintenant pour protéger la famille et les structures naturelles du droit et même leur donner les commandes du front du refus au mariage pour tous ?

  • ranguin , 20 janvier 2013 @ 17 h 22 min

    Nous avons les gouvernants que nous méritons.
    Les Français ne peuvent même pas s’entendre entre eux, donc il est facile d’avoir des hommes politiques qui en profitent.
    Nous sommes des grandes gueules. C’est tout !
    Le droit est le pendant du devoir. Je n’entends parler que du droit on oublie, volontairement ou non, de citer le devoir. L’un ne va certainement pas sans l’autre.
    Il faut manifester devant l’Elysée quand Flamby y est avec sa famille recomposée. Ensuite devant le ministère de la justice rien que pour montrer à Toubira que nous aussi nous savons faire de la résistance.

  • petitjean , 20 janvier 2013 @ 18 h 28 min

    “L’UMP a viré Christian Vanneste du loft.”

    plus précisemment c’est Copé !

    l’ump c’est ça:

    1/- Durant ses 10 ans de gestion du pays, l’UMP a accueilli entre 200 000 et 300 000 immigrés chaque année, sans compter les clandestins et, malgré tout le cirque fait, en a renvoyé moins que Lionel Jospin. L’immigration choisie n’a donc pas existé, et gauche et droite sont d’accord pour l’immigration de masse ;
    2/- L’UMP n’a pas empêché, malgré là encore les grandes déclarations, à l’Islam de se développer, et n’a pas empêché les subventions publiques aux mosquées ;
    3/- Nicolas Sarkozy a maintes fois eu l’occasion de dire qu’il était favorable au mariage homosexuel (l’association Gaylib faisant partie de l’UMP), au droit de vote des étrangers (tout comme une bonne partie de la droite, notamment de la droite forte), et a fait un grand discours pour le métissage (Polytechnique) ;
    4/- La priorité nationale pour l’université, le logement et l’emploi n’a pas été appliquée ;
    5/- La ratification du référendum sur l’UE, contre l’avis de la population, a été votée en grande pompe par l’UMP comme par le PS ;
    6/- De même, ces deux partis sont d’accord lorsqu’il s’agit de défendre les droits des immigrés clandestins –qui par définition n’en ont pas– de manifester ou de les loger au détriment des Français ;
    7/- Nicolas Sarkozy comme François Hollande sont atlantistes ; ils ont intégrés l’OTAN, privant à la France de son rôle de chef des non-alignés cher au général De Gaulle ;
    8/- En 10 ans, le pouvoir a tué l’éducation nationale : plus d’histoire de France, destruction de l’apprentissage du Français, perte de l’autorité à l’école, pas d’aide à l’enseignement libre ;
    9/- L’UMP n’a jamais remis en question les mesures absurdes votées sous la gauche alors que toute l’Europe les avait pour certaines abandonnées (ou refusées) : ISF, 35 heures, fiscalité et taxes (plusieurs dizaines créées par N. Sarkozy) excessives, décentralisation, etc ;
    10/- L’UMP s’est pliée clairement au politiquement correct de la gauche (sur l’Islam en empêchant une conférence d’Alexandre del Vall dans leurs locaux, en excluant Christian Vanneste, défendant avec Copé les religions comme étant paix et amour, en adoptant les thèses officielles sur la deuxième guerre mondiale, sur le multiculturalisme, etc.), étant par-là loin des phrases chocs de De Gaulle sur les juifs, les Arabes ou les Blancs ;
    11/- Elle a grassement subventionné SOS Racisme, la LICRA, le MRAP, Act Up, le CRIF, donnant par là un pouvoir démentiel à ces commissaires politiques tout en s’en plaignant par la suite (JF Copé) ;
    12/- L’UMP n’a jamais lutté contre ce qui gangrenait le pays :

    •a/ Pas de soutien à la liberté d’enseignement et de recherche (pas de mesures fortes contre les blocages des facs des gauchistes), mais éternel soutien à l’UNEF, UEJF et autres syndicats étudiants minoritaires et liberticides ;
    •b/Grasses subventions aux syndicats politisés (cf. les milliards des syndicats) et non représentatifs de professeurs ou d’ouvriers, qui tous les ans bloquent le pays ;
    13/- Le pouvoir UMP a généreusement donné des dizaines de millions au PS, MODEM, Verts et PCF, et n’a laissé que des miettes au FN ; de même, il a engagé l’ouverture à gauche et instauré des scrutins non favorables au Front national ;
    14/- Cette collusion de tous les partis s’est notamment vue en 2002 lors de la présidentielle et en 2008 à Hénin Beaumont (tous contre le FN) ;
    15/- Dans les conseils régionaux, il est clair que l’UMP se plie devant les majorités socialistes et ne soutient pas les groupes Front national : l’UMP n’a d’ailleurs jamais parlé des scandales, dans certains bastions de gauche, qui ébranlaient le PS local (exemple du Nord Pas de Calais) ;
    16/- Il y a quelques années, le club de JF Copé rencontrait celui de Manuel Valls, sans que cela fasse sensation ; de même, JL Mélenchon a avoué avoir déjeuné avec messieurs Buisson et Dassault, et Christian Estrosi a déclaré avoir des choses en commun avec JL Mélenchon ; en revanche, quand des UMP parlent de discuter avec le FN, ils sont exclus ; de la même manière, dans les années 80 les présidents de région s’étant fait élire avec les voix du FN ont été exclus ; ce ne fut pas le cas de Chirac quand il s’est fait élire avec les voix du PS en 2002 : 2 poids, 2 mesures;
    17/- L’UMP a passé des accords avec le Parti communiste chinois (et non avec la Chine) ;
    18/- Enfin, faut-il rappeler que notre fausse droite est celle qui a voté la loi Pleven, la loi Gayssot, la loi Veil, qui a organisé l’immigration de masse, a empêché la France d’emprunter à sa propre banque (loi de 1973), etc.

    L’UMP fait partie d’un système qui gangrène notre pays (voir les livres de Philippe Nemo) et qui est très loin des valeurs qu’elle prétend défendre : liberté, nation, morale, travail, excellence, sécurité, identité, défense de la famille, etc.

    Dans l’état actuel des choses, la question de l’union des droites peut-elle encore se poser ? Cela paraît difficile : la droite, depuis des années, ne fait que jouer à être de droite, mais une fois au pouvoir que fait-elle ? Une politique de gauche !”

    http://www.polemia.com/article.php?id=5207

  • flammande , 20 janvier 2013 @ 19 h 08 min

    L UMPS ou l entreprise de démolition de la Maison France !!!

  • JSG , 20 janvier 2013 @ 22 h 08 min

    ” La force du droit ”
    a ne pas confondre avec
    “la farce du drôle”. enfin si on peut trouver ça gay…

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