Réponse d’un « tartuffe anti-corrida » à Franz-Olivier Giesbert

Tribune libre de Christopher Lings*

Le débat sur la corrida battant son plein – le Conseil constitutionnel doit se prononcer sur son cas le 21 septembre -, opposants et aficionados s’affrontent à coup de tribunes et de mobilisations. Parmi eux, Franz-Olivier Giesbert, patron du magazine Le Point, qui y publie aujourd’hui une attaque contre les “tartuffes anti-corrida”.

Dans son papier, FOG dénonce l’hypocrisie de la société française qui, d’un côté, s’indigne de ces spectacles et, de l’autre, ignore les conditions d’abattage des animaux d’élevage. Argument totalement démago et risible : un juste combat n’en rend pas moins légitime un autre. Selon le journaliste, il faudrait fermer les yeux sur la corrida sous prétexte que, dans nos abattoirs, il se passent des choses bien plus “scandaleuses et répugnantes”.

Et ce dernier de persister dans l’absurdité à propos des scènes d’abattages : “Seulement voilà, elles se passent derrière des murs qui étouffent les cris des bêtes. Elles ne gênent donc pas les tartuffes du XXe siècle qui ne supportent pas la vue du sang dans une corrida ou d’une partie de chasse.” Quelle est la valeur de cet argument ? Aucune. La réponse se trouve dans la question : si les abattages suscitent moins d’indignation, c’est parce qu’ils se passent dans l’ombre, derrière les murs. Et s’ils se passent dans l’ombre, justement, c’est parce que la mort n’est pas un spectacle.

Comment peut-on comparer des animaux d’élevage destinés à être abattu pour nourrir l’homme, et une pratique primitive consistant à mettre en scène la supériorité de son espèce sur le monde animal ? Dans les abattoirs, aucune tribune n’est installée, aucun beauf avide de sang ne vient applaudir la mort. On ne compare pas une pratique de nécessité de survie, l’élevage et l’abattage, à une distraction futile et cruelle.

La torture n’est pas une culture. La corrida est ce qu’il y a de plus minable en l’humain, flatte ses plus bas instincts. Et on ose encore appeler cela un combat ! Pendant plusieurs minutes, un taureau seul et paniqué fait face à une dizaine de pantins aux allures de poupées (dixit Cabrel) qui se servent de sa naïveté et de sa peur pour, lentement, l’affaiblir, le saigner, lui ôter tout moyen de défense et, au final, le mettre à mort dans des conditions bien souvent horribles. Où est le combat ? Où est la fierté de la bête qui, selon les amateurs, a le “privilège” de “mourir en combattant” ? Plus en savoir plus sur les conditions de mise à mort, je vous renvoie à mon article détaillé sur le sujet.

Malgré tout, FOG continue de se demander : “Quelle sera la plus belle mort ?”

Comme précisé plus haut, il ne s’agit pas de culture ni de tradition. À travers la corrida, l’homme offre en spectacle sa supériorité. Il n’est pas question de tuer pour se nourrir, comme dans les abattoirs (aussi cruels soient certains d’entre eux, qu’il faut combattre également), mais de tuer pour jouir. Jouir de sa puissance, jouir de sa première place dans l’ordre de préséance des espèces. Cruauté gratuite et auto-gratifiante. Je persiste : cette démonstration de force sadique reflète les plus bas instincts de l’homme.

Dans un feu d’artifice d’âneries, Franz Olivier-Giesbert conclut : “Il s’agit surtout de cacher ce sang qu’on ne saurait voir. Tuez, bonnes gens, massacrez et torturez, pourvu qu’on n’entende rien et que ce soit à l’abri des regards !” Pathétique. Voilà que ce dernier culpabilise l’homme d’avoir à tuer pour se nourrir. Difficile de faire mieux !

Oui M. Giesbert, la mort n’est pas quelque chose d’amusant et c’est pourquoi, justement, les animaux sont tués dans des abattoirs clos et pas dans des arènes. Que leurs conditions d’élevage et d’abattage soient souvent indignes ne fait aucun doute. Personne ne le conteste. Est-ce une raison pour traiter les anti-corrida de “tartuffes” ? Un juste combat n’en annule pas un autre. Au final, M. Giersbert, avec votre naïveté et votre indignation irréfléchie, c’est vous qui, après ce papier vide de sens et de cohérence, approuvez ces deux scandales.

L’un se passe derrière des murs et est destiné, au fond, à la survie de l’espèce humaine ; l’autre se déroule dans des arènes remplies de milliers de personnes jouissant de cette horreur et applaudissant la mort. Là est toute la différence.

« Je les entends rire comme je râle. Je les vois danser comme je succombe. Je pensais pas qu’on puisse autant s’amuser autour d’une tombe. » 
Francis Cabrel, “La corrida”.

*Christopher Lings est le directeur de publication du Bréviaire des patriotes.

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34 Comments

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  • christian , 21 septembre 2012 @ 11 h 38 min

    La tauromachie est tout un ensemble d’activités dont la corrrida n’est que l’aboutissement, comme la chasse. C’est une culture transfrontalière, propre à une partie de l’Europe.
    Je m’op^pose aux opposants pour deux raisons que je considère comme essentielles :
    1) je comprends que l’on puisse ne pas aimer mais de là à s’arroger un rôle de censeur public il y a un océan qui ne devrait pas être franchi. C’est à la faux présomptueux et démagogue. Rien n’oblige à y assister.
    2) Ces gens ont une relation avec le monde animal totalement fausse. La relation homme animaux – qui plus est sauvages – est une relation de domination et cela ne peut être autrement. Cela n’empêche pas le respect pour l’animal et même bien plus que le respect, que ce soit pour les taureaux ou pour les animaux de chasse.
    Mais évidemment cela suppose de vivre dans un autre environnement que les cafés parisiens.
    Je ne veux pas d’une société qui considère l’animal à l’égal de l’homme.
    Que penser de tous ces toutous réduits à un rôle de carpette d’appartement alors qu’ils devraient gambader dans la nature, chasser le loup ou rassembler les troupeaux.
    je ne crois pas à la bonne foi de ces opposants qui visent avant tout, comme le mariage gay, à déstructurer la société, juste pour passer le temps.

  • mateo , 21 septembre 2012 @ 12 h 33 min

    Une majorité de Français est contre la corrida : selon vos principes, il faut donc interdire la corrida en France. Si on vous suit dans votre logique habituelle, le conseil constitutionnel a tort de contredire la majorité…

    ^^

  • Lach-Comte , 21 septembre 2012 @ 16 h 23 min

    j’avoue qu’il suffit de lire vos âneries pour voir où sont les limites de l’être humain et que certains croisements auraient mieux fait de n’être pas opérés.
    De toute façon, on s’en fout et, seul, l’avis du Conseil Constiutionnel puisque, “bêtement”, certains avaient fait appel à lui, nous intresse.

  • Lach-Comte , 21 septembre 2012 @ 16 h 35 min

    tout à fait exact et j’ajoute que, nous commençons à en avoir par dessus la tête des trous du cul germanopratins, qui se le (le cul) promènent à Cannes ou à Deauville pour les festivals, ou à Saint-Trop’ l’été. Que ça ne leur plaise pas, d’accord. Qu’ils ne comprennent rien au mythe du taureau et aux rites initiatiques à la mort, encore d’accord. Mais qu’ils se foutent de l’économie d’élevage et de la manne touristique de régions entières où la corrida n’est que l’aboutissement de longs processus, là, je me fâche !
    Retournez à la terrasse du Flore et défouraillez entre vous, mais par pitié, foutez nous la paix !

  • Hazel , 24 septembre 2012 @ 13 h 31 min

    Pourquoi pensez-vous que tous les anti-corrida ou anti-chasse passent leur temps dans des cafés parisiens (à comploter pour déstructurer la société) ? Vous mettez les gens dans des petites boites.
    Vous avez raison pour le chien, cet animal a été élevé et éduqué pour satisfaire aux besoins de l’homme. Seulement là où je ne vous suis plus, c’est qu’il soit carpette, chasseur ou berger, il a son utilité. Je trouve également un peu triste de voir des chiens de certaines races de berger sans « occupation », et même désolant quand on en voit dans des appartements en ville, mais le chien est une fabrication de l’homme pour ses besoins, et si les besoins de l’homme dans l’animal résident maintenant dans le chien-carpette, les races évoluent en conséquence et cela n’empêchera pas de conserver aux anciennes races les qualités pour lesquelles les hommes les avaient élevées pour la chasse ou le pastoralisme.
    La corrida est un moyen de montrer son courage, de la frime pourrait-on dire méchamment, le problème étant qu’elle exploite notre mauvais penchant pour la violence et le spectacle de la violence sur des êtres vivants. Vous accusez les anti-corridas de ne pas regarder la mort en face, mais ce n’est pas la mort qui pose problème ici, seulement la douleur et la cruauté. Il existe des variantes de corridas n’impliquant pas toute cette souffrance, pourquoi cela ne suffirait-il pas ? Parce que le danger, la fierté et le courage ne seront pas exaltés sans mise à mort et sans cette violence, avec l’apothéose du concept de mâle dominant. Le taureau lui-même est fier me disait mon grand-père quand, enfant, je regardais les corridas avec lui. A vrai dire, il avait surtout l’air d’être affolé. Un animal apeuré, quand il ne peut pas fuir et qu’il est blessé de surcroit, essaie de se défendre, voilà pour la fierté. Certains reprochent aux anti-corridas de prêter des sentiments aux animaux mais quand j’entends dire qu’un taureau est courageux ou fier, cela me laisse tout aussi perplexe, un animal n’est jamais courageux ou fier, il essaie de se sauver des mauvaises situations et ne combat que dans ses derniers retranchements. Mon grand-père me rappelait que si le taureau combattait bien, il pouvait être gracié, il avait donc « toutes ses chances », comme si l’animal avait conscience de ces règles humaines et faisait en conséquence…je comprends qu’un chat puisse jouer avec une souris, c’est un animal et il n’entoure pas ça de toute une flopée de grands principes culturo-philosophiques. De plus, comprendre n’est pas aimé et si l’occasion m’est donnée d’achever la souffrance de la bête je le fais sans hésiter, vous pensez qu’on ne peut pas avoir pitié d’une bête…c’est votre avis, le mien est qu’un animal n’est pas courageux et qu’il n’a pas de sentiments mais qu’il peut souffrir. De la part d’un être raisonnable comme l’homme, je trouve que la corrida est une régression vers un état bestial sous prétexte de jouer à « cékikialaplugrosse ». Quant au patrimoine culturel, je garderais de l’Espagne de mes aïeuls d’autres choses que ça.
    Pour la chasse, je n’apprécierais pas de la pratiquer, et ce n’est pas un loisir qui me fait particulièrement sourire, cependant j’aime le gibier (et tant qu’à manger de la viande, la chasse est le mode le plus écolo qui soit tant qu’elle reste mesurée) et ensuite parce que je reconnais son rôle régulateur pour certains animaux, mais je trouve dommage d’entendre des chasseurs justifier leur passion comme cela : « la chasse est avant tout pour moi un moyen d’être à l’extérieur, de me promener en forêt, de pister et observer les animaux ». Mais, pourquoi lui faut-il une arme dans ce cas ? Non, le principal dans la chasse c’est de tuer, tuer pour tuer car même si le gibier c’est très bon, ce n’est pas une nécessité (comme on pourrait se passer de manger de la viande d’ailleurs). Bizarrement, on dirait que « tuer », pour certains chasseurs, est un gros mot, et pourtant, la chasse est un jeu pour tuer et pas un moyen d’apprécier la nature davantage que les autres, sinon pourquoi un fusil…

  • Olivier , 25 septembre 2012 @ 1 h 06 min

    De tout temps, l’être humain a fait de la chasse, de la tuerie du cochon, de l’abattage du taureau, un rituel, parfois sérieux et codifié par un règlement, parfois festif et convivial. Doit-on rappeler que les vétérinaires ont isolé une hormone sécrétée par l’animal au moment où il capture sa proie? Doit-on rappeler que l’être humain est aussi un animal? Cet article laisse entendre que capturer sa proie est la mettre à mort est un sale boulot, qu’il faut laisser donc à quelques larbins qui n’auraient pas pu faire un meilleur choix dans leur vie: la mort doit être cachée, c’est quelque chose de terrible, autant le laisser aux gens qui ne méritaient pas mieux.

    Pourquoi donc le fait de capturer sa proie ne doit-il pas être accompagné de “jouissance”? Au passage, les quelques arguments dignes du plus mauvais Freud (instincts sadiques ou autre joyeuseté) que je lis ici sont ridiculement navrants de pauvreté.

    On apprend aussi (tiens donc) que la corrida n’est pas faite pour se nourrir. Et où vont les carcasses de taureaux, après avoir subi force contrôles vétérinaires? Cet article prouve une méconnaissance du sujet de la part de son auteur, méconnaissance du déroulement de la corrida, méconnaissance de tout ce qui tourne autour. La seule référence est la chanson de Cabrel.

    Désolé, FOG était beaucoup plus précis.

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