La possibilité d’une île : La question monétaire

par Jonathan Schramm

Préambule

Dans la perspective de la création d’une entité géographique indépendante d’inspiration libérale-libertarienne, la monnaie est une donnée essentielle. Ceci d’autant que les monnaies fiduciaires non adossées à des actifs physiques présentent un risque systémique de défaillance accrue depuis quelques années (notamment de type hyperinflationiste). Un risque dont une communauté indépendante souhaitera se protéger.

Bien que d’autres alternatives soient possibles (dont le Bitcoin), il sera ici proposé des monnaies aussi proches que possible d’un véritable étalon-or. Un étalon bi-métallique est envisageable, mais pas forcément souhaitable, du fait de l’usage de l’argent-métal comme matière première à l’époque moderne (notamment dans l’électronique) et de la difficulté de fixer arbitrairement la parité entre les 2 métaux (1).

Cas d’indépendance partielle

N’étant pas une entité indépendante, la communauté ilienne devra se plier aux règlementations locales concernant la monnaie et la taxation (bien qu’on puisse espérer des arrangements, rien ne les garantit).

Une possibilité pour permettre à la communauté de disposer d’un système monétaire indépendant tout en restant dans la légalité pourrait être d’utiliser des services (ou de recréer des services similaires) à ceux proposés par la société « Aucoffre.com ». Il s’agit d’une carte bancaire dont le compte lié n’est pas en monnaies fiduciaires, mais mesurée en or pur. Tout achat ou dépôt d’argent des clients étant immédiatement transformé par la société en vente ou achat d’or sur le marché international (2). Ainsi, cela permettra virtuellement de commercer entre les membres de la communauté avec un système monétaire basé sur l’or, tout en bénéficiant de la praticité des paiements électroniques.

Cependant, il faut bien réaliser que la fluctuation importante de l’or mesurée en monnaie fiduciaire risque d’encourager des mouvements spéculatifs des participants, ceux-ci retardant leurs achats lorsque l’or est « bas » (et donc leur compte débité de manière plus importante pour le même bien mesuré en monnaie fiduciaire). Une règle envisageable pourrait être de s’imposer le règlement par carte-or lors des transactions entre membres de la communauté, ceci afin d’éviter un blocage de l’économie locale lorsque l’or subit d’important troubles sur les marchés internationaux.

Il faudrait également évaluer selon le pays « d’accueil » la viabilité d’une telle option en rapport au code des impôts locaux, notamment par rapport à la TVA locale.

Cas d’indépendance totale

En cas d’indépendance, un système envisageable pourrait être calqué sur la banque d’Amsterdam, au XVIIe siècle. Ce système est entièrement basé sur l’or ou l’argent pour représenter la monnaie, même si les échanges se faisaient via les coupons émis par la banque, coupons donnant droit au retrait des métaux précieux qui correspondent. Cette banque ne pratiquait aucune forme de réserve fractionnaire, et donc affichait à son bilan uniquement ses fonds propres et ne prêtait pas les fonds déposé par ses clients. Elle constituait donc essentiellement en un dépôt sécurisé de pièces d’or et d’argent, dépôt pour lequel les déposants payaient, au lieu d’être rémunérés comme c’est le cas dans le système bancaire moderne (paiement valant 0,25-0,5% du montant total) (3).

La principale vertu de ce système est sa quasi-impossibilité de faire faillite, étant donné qu’à tout moment, l’ensemble des sommes que la banque affirme représenter, via les coupons qu’elle émet, sont réellement présentes dans les coffres. Pour autant, elle évite la contrainte important que représente l’usage des métaux précieux pour les transactions quotidiennes (poids, risque de vol, fractionabilité, etc.), en les remplaçant par une attestation papier (monnaie papier) ou électronique (il faut bien vivre avec son temps !). La monnaie utilisée ici serait donc les coupons d’attestions de dépots émis par la banque « centrale », représentatif d’une quantité donnée d’or dans des coffres sécurisés.

Une telle banque centrale n’a qu’un rôle extrêmement limité pour l’approvisionnement en crédit de l’économie liée. En effet, elle ne peut prêter qu’au niveau de ses fonds propres, et non au niveau de ses dépôts totaux. Les prêts de financement pour les investissements doivent donc être à la charge des banques d’investissements, dont les actionnaires sont libres de prendre les risques qu’ils souhaitent avec leur propre argent (la banque centrale n’ayant bien sûr pas à « sauver » une banque d’investissement défaillante).

Le parallèle de cette limitation est la garantie pour les déposants de la banque centrale de toujours récupérer leurs dépôts, sauf malversations. Tout déposant souhaitant être rémunéré pour son épargne peut choisir une structure commerciale adaptée, tout en étant conscient du risque supérieur qu’il prend.

Alternative anarcho-capitaliste

Plutôt que d’imposer a priori un système monétaire à cette communauté, il peut également être fait le choix de la liberté monétaire. Dans cette idée, tout échange volontairement accepté par deux parties responsables est valable. Le système monétaire verrait donc cohabité les Bitcoins, l’or, l’argent, les monnaies fiduciaires, les coquillages, les noix de cocos, l’heure de travail, etc. Ce sera finalement le marché (au sens du libre choix des participants du système) qui imposera une monnaie comme celle la plus communément acceptée, ceci étant valable en cas d’indépendance ou non.

Cette idée présente l’immense avantage de ne pas imposer a priori un système, et d’éviter que la monnaie ne devienne une source de clivage entre les partisans de systèmes différents. En effet, si l’or fait le plus de consensus, il n’est pas pour autant perçu par tous les acteurs comme idéal.

Cette alternative anarcho-capitaliste présente cependant le défaut d’un risque de séparation de la communauté économique suivant ces clivages, générant des systèmes parallèles…

1. http://fr.wikipedia.org/wiki/Loi_de_Gresham
2. http://www.contrepoints.org/2012/12/05/106864-aucoffre-com-lance-une-carte-de-credit-adossee-a-lor
3. http://en.wikipedia.org/wiki/Bank_of_Amsterdam

Pour bien comprendre le projet, lire :
La France ailleurs et toujours : la possibilité d’une île, par Éric Martin
Sécession, An I, par Pierre-François Ghisoni
La France, Louis de Bonald et l’émigration : la vraie patrie, par Philippe de Lacvivier
> L’Île, prolégomènes pour une fondation, par Pierre-François Ghisoni (parties 1 et 2, à suivre chaque jour de cette semaine sur NDF.fr…)

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25 Comments

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  • 0 / 10
  • Clairon , 2 mai 2013 @ 17 h 49 min

    Et bien mourrez…

  • jejomau , 5 mai 2013 @ 18 h 04 min

    Pierre-François Ghisoni souligne à mon avis une chose d’importance quand il dit :

    “Il me semble cependant que l’on peut séparer
    – les échanges internes : où (au moins dans un premier temps) tout type de transaction est possible.
    – les échanges externes : dans ce cas une monnaie internationalement reconnue et aussi peu dévalorisée que possible est nécessaire. Reste à la trouver. Retour à la case départ”

    Cette solution me convient pour la bonne raison que de nombreux pays issus du monde colonial et qui ont cherché à exister en tant que tel … ont adopté ce principe et voient cohabiter ce genre de systèmes monétaires.

    Il me semble donc qu’il faut se baser sur ce que l’histoire nous enseigne si l’on veut être sûr de voir notre projet aboutir. En clair, il faut savoir être concret, réaliste.

    ECHANGES INTERNES

    Ainsi de très nombreux pays africains et asiatiques voient au sein même de leurs pays l’existence d’une monnaie nationale cohabiter avec une monnaie internationale comme le dollar par exemple. Cela permet à un jeune Etat de pouvoir avoir une maîtrise sur les échanges commerciaux de base (nourriture, habillement, industries locales, etc..) entre nationaux sans que ceux-ci soumis aux variations des échanges monétaires internationaux créant des tensions insupportables localement au regard de l’inflation ou inversement. De la sorte donc, nous pouvons assurer la subsistance chez nous et le panier de la ménagère est toujours rempli !

    N’oublions pas que si nous réussissions, nous aurons des ennemis qui feront tout pour détruire notre communauté…

    ECHANGES INTERNATIONAUX

    Au regard de la monnaie qui servirait aux échanges internationaux, l’or est évidemment une bonne chose, mais de là à obtenir des stocks d’or, il risque de s’écouler de l’eau sous le pont !

    En revanche, il me semblerait judicieux de créer carrément une monnaie fondée elle-même sur un panier de monnaies.

    Par exemple, on pourrait choisir 5 monnaies internationales importantes comme le dollar, le yuan, le yen, l’euro, le dollar canadien .

    Ce ne sont que des exemples mais cela me parait très judicieux car nous échapperions de la sorte à la concurrence acharnée que se livre les grandes puissances pour imposer leur modéles TOUT en protégeant notre économie. Par exemple s’il s’avérait que dans un avenir moyen terme, le dollar s’effondre… remplacé par le yuan chinois… Nous n’en subirions pas beaucoup les contrecoups puisque parallèlement à l’effondrement “dollar” dans notre panier de monnaies, nous voyons se ré-évaluer le “yuan” chinois….

    Par ailleurs, notre monnaie devenant une sorte de “sécurité” de par sa stabilité relative face à la guerre économique mondiale qui se joue aujourd’hui dans un monde voué au chaos, elle pourrait peut-être alors intérresser même d’autres pays . De la sorte nous permettons à notre petite économie de se développer et notre île paraîtra peu à peu un ilôt de stabilité sûr pour beaucoup.

    Je voulais simplement apporter ici une contribution positive à ce qui me semble un projet faisable si l’on cherche d’abord à mon avis de la simplicité et du réalisme. En tout cas dans un premier temps. Car rien n’empêche PAR LA SUITE, une fois notre petite communauté stabilisée et alors que tout “marche bien”…….. d’envisager alors des systèmes plus complexes ou simplement différents si l’on pense qu’ils peuvent être meilleurs du fait de la conjoncture.

  • Pierre-François Ghisoni , 5 mai 2013 @ 19 h 11 min

    Merci pour avoir développé ce point. Je ne suis pas un économiste, mais il m’est arrivé de discuter assez longuement avec au moins une personne qui l’était à très haut niveau, et avec d’autres, qui en savaient bien plus que moi. D’où mes petites idées.
    Dans ce domaine comme dans d’autres, la force est un mélange d’intelligence des faits concrets et de souplesse.
    Le panier que vous évoquez comme référence me semble procéder de cet esprit. Au fond, cela ressemble à un “euro intelligent”.
    A mon avis une piste à creuser sérieusement.
    Si vous souhaitez le faire… bienvenue.

  • Jonathan Schramm , 6 mai 2013 @ 10 h 46 min

    Une première réponse : bien sûr, dans l’idée d’une banque centrale stockant l’or pour les ressortissants de l’île, cet or n’est pas stocker à l’extérieur dans une institution bancaire potentiellement frauduleuse.
    De même, les barre d’or devront effectivement être testée (même si la question du tungstène est selon moi grandement exagéré, la fraude ne semblant tout de même pas massive).
    La proposition d’utilisé “aucoffre.com” permettait aussi aux lecteurs de visualiser de quoi il était question. L’idéal serait certainement de reproduire ce service “à domicile”, avec des contrôles extérieurs rigoureux.

  • Jonathan Schramm , 6 mai 2013 @ 10 h 49 min

    Bien qu’en tant que minarchiste, j’approuve l’idée d’un état minimal, la proposition ci dessus à volontairement laissée la porte ouverte à d’autres approches. Certains objecteront que cet état minimaliste verra ses agents augmenter plus rapidement que la population, et fera s’effondrer l’idée d’origine. En l’absence d’une décision prise par les volontaires sur la question de l’existence ou non d’un état, l’option de monnaie libre ne peux pas être exclue des hypothèses.

  • Jonathan Schramm , 6 mai 2013 @ 10 h 52 min

    Ce n’était pas le sujet ici, mais doit il y a voir des taxes, voir même un état ? A titre personnel je serais pour, mais ce sera aux participants éventuels de le décider. Cependant on peux imaginer des taxes sur la consommation, sur les importations (forcément libélée en monnaies “extérieures”), sur un pourcentage du revenu (quelques soit la monnaie dans lequel celui-ci est exprimé). Un système monétaire libre n’exclue pas nécessairement la taxation.

  • Jonathan Schramm , 6 mai 2013 @ 11 h 00 min

    L’idée est de se protéger d’un crash hyperinflationiste ou autre, de l’Euro,du Dollar, du Yen, etc… Si ces monnaies perdent toutes valeurs, les valeurs détenues en liquides par les habitants seraient elles aussi liquidées. Dans l’idée de lutter contre le système (y compris monétaire) en place, cela peux faire sens de chercher dans un premier temps à en sortir.

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