Zoom sur… Enquête et Débat

Enquête : les médias du web (2)

Enquête et Débat est un site thématique, qui a pour but de faire avancer et bouger les idées par l’analyse et l’explication. Les sujets politiques sont mis en avant, mais on y trouve aussi des articles traitant de l’économie, la culture ou les médias. Riche et précis, on peut reprocher au site d’être trop « plein ». Mais peut-on blâmer un pure-player de proposer trop d’informations ? Le média utilise, dans le cadre d’interview, des vidéos qui permettent de sortir du traditionnel contenu papier. Il se démarque aussi par les rubriques qu’il propose. La partie « Idées reçues » est significative de l’état d’esprit du site. Prendre une opinion véhiculée généralement dans les médias, et la contredire tout en avançant preuves et argumentation.

Bien que libre d’accès, le site propose une souscription aux lecteurs, qui octroie divers avantages aux adhérents (participation à la stratégie du site, invitation à des soirées et réunions d’abonnés).

Le slogan d’Enquête & Débat : « ouverture d’esprit et liberté d’expression » traduit la volonté de Jean Robin, son créateur,  de sortir du moule dans lequel se seraient enfermés les médias traditionnels. Le site n’hésite pas à provoquer le débat, parfois sans nuance ni retenue. Un bon point si vous cherchez un contenu non-aseptisé. Que l’on soit en phase ou non avec les arguments du site n’a, dès lors, plus grande importance.

Pour compléter la présentation de chaque site, nous avons interrogé leur rédacteur en chef. Rencontre avec Jean Robin.

« Nous avons choisi de défendre la liberté d’expression »

 

Combien de journalistes travaillent pour Enquête et Débat ?

Aucun en théorie, puisque personne n’a la carte de presse, moi le premier, et nous en sommes fiers. Ce système de la carte de presse rend les journalistes dépendants d’un système de privilèges et se base sur des critères datés, nous ne nous y reconnaissons pas même si nous laissons ceux qui veulent choisir ce système libres de le faire et de nous proposer des papiers, évidemment, mais nous ne les rémunérerons pas. Beaucoup de gens nous proposent des articles de grande qualité, de façon bénévole, ils sont souvent bien meilleurs que tout ce qu’on trouve dans la grande presse. Je pense notamment à un article sur Kadhafi qui fait la une en ce moment, et un autre sur l’analyse du discours de Tariq Ramadan, par un étudiant en linguistique, tous deux passionnants et auxquels je renvoie vos lecteurs.

Quel est l’audience de votre site ?

30 000 visiteurs uniques/mois environ. Nos vidéos sont beaucoup plus virales, puisque rien que nos deux vidéos les plus vues, la remise du prix de la liberté d’expression à Eric Zemmour, et le débat entre Dieudonné et Christine Tasin sur l’islamisation, ont été vues plus de 30 000 fois chacune. En tout nos vidéos ont dépassé les 500 000 vues depuis le début. Nous en sommes à un rythme de 100 à 120 000 visionnages par mois.

Comment se différencie Enquête et Débat des autres pure players ?

Nous sommes un média militant, comme les autres, mais la différence c’est que nous le disons, l’affirmons même. Nous avons choisi de défendre la liberté d’expression avant tout, car c’est elle qui nous paraît la plus menacée quand on parle de qualité de l’information aujourd’hui. En se plaçant sous son égide, ce que tout média digne de ce nom devrait faire, nous donnons la parole à tout le monde, surtout ceux qui ne l’ont jamais ailleurs, et y compris nos propres adversaires, ceux qui ne défendraient jamais notre liberté d’expression. Nous nous honorons de cette différence entre eux et nous, et nous le mettons en pratique quotidiennement. Il nous est même arrivé de prendre la défense de la liberté d’expression d’Houria Bouteldja (dont les amis m’ont pourtant gravement menacé en marge d’une manifestation que je couvrais) depuis qu’elle est traînée devant les tribunaux par l’AGRIFF de Bernard Anthony. Nous pensons que toute tentative de censure, que ce soit contre Dieudonné ou Eric Zemmour, est contre-productive et nuit gravement à la santé de la démocratie.

Décrivez un peu le “business model” d’Enquête & Débat ?

Nous proposons des souscriptions et vente de DVD pour l’instant, et nous attendons les premiers contrats de l’agence multimédia. Pour l’instant, nous préférons nous focaliser sur les souscriptions car c’est plus rentable pour nous, et cela nous permet de nous concentrer sur notre cœur de métier, l’enquête et le débat.

Votre forme de souscription est assez originale puisque payer n’octroie pas davantage sur la lecture des articles … D’où est venue cette idée ? Ce modèle est-il viable ?

Si, elle permet aux souscripteurs d’obtenir les DVD que nous produisons à moitié prix. Par exemple, nous sommes l’éditeur officiel du DVD des assises de l’islamisation. Par ailleurs nous avons lancé des interviews freemium, dont certaines parties sont gratuites, et d’autres accessibles uniquement aux souscripteurs. Nous le ferons de plus en plus avec nos grandes interviews. Nous avons commencé avec une interview en plusieurs parties du leader suisse Oskar Freysinger, que Nouvelles de France avait d’ailleurs cité pour la partie sur l’avortement.

Nous allons aussi organiser une réunion le 6 avril, uniquement ouverte à nos souscripteurs, et à ceux qui vont le devenir d’ici là, où nous réservons une sacrée surprise aux personnes qui seront présentes. Toutes les informations seront révélées bientôt sur notre site, auquel on peut s’abonner gratuitement par fil RSS ou newsletter.

Combien avez-vous d’abonnés à ce jour ?

Environ 500 abonnés à la newsletter, autant au fil RSS et 153 souscripteurs très exactement, contre 53 au bout de 6 mois. Il y a donc une accélération indéniable. Mais nous avons besoin de 1000 souscriptions annuelles pour être rentable, le chemin est donc encore long. Mais nous avons lancé des formules de souscriptions à 5€ / mois, et à 20€ / an pour les étudiants, chômeurs et radins, sans demande de justification. Nous prévoyons une grande fête qui sera ouverte uniquement à nos 300 premiers souscripteurs, avec beaucoup de surprises pour les remercier d’avoir été les précurseurs.

Vous êtes-vous fixé une date concernant la rentabilité du site ?

Le site a été rentable en janvier et en février 2011, mais nous avons perdu de l’argent les 6 premiers mois, ce qui est normal. Mars s’annonce difficile, mais nous restons concentrés ; nous allons proposer pas mal de surprises dans les semaines et les mois qui viennent, ce qui devrait déclencher pas mal de souscriptions, en tout cas nous l’espérons. Nous aimerions atteindre les 1000 souscriptions à la fin de l’année, et même si cela paraît encore un peu idéaliste, je pense que c’est réalisable.

« Ouverture d’esprit et liberté d’expression » est le slogan de votre site. Vous ne vous interdisez vraiment aucun sujet ou vous instaurez-vous des limites ?

La loi française est notre seule limite. La plupart des sujets et débats interdits ne le sont pas du fait de la loi, mais de la morale, du nouvel ordre moral. Ainsi, pour parler d’un thème qui vous est cher, le débat sur l’avortement est interdit par les grands médias et la plupart des politiques, pourtant c’est un débat essentiel pour notre démocratie. Nous avons organisé un débat entre Philippe Isnard (bien connu de vos lecteurs) et Anne Zélensky, initiatrice du manifeste des 343 salopes pour un avortement libre et gratuit. Malheureusement, quelques jours avant le débat, Mme Zélensky est revenue sur sa décision, en nous envoyant une lettre que nous avons publiée, de même que la réponse de M. Isnard à cette lettre. Le débat a donc eu lieu, pour la première fois depuis 35 ans en France, mais à distance et de façon plutôt limitée, mais c’est mieux que rien. Nous continuerons inlassablement à faire tomber les faux tabous, les uns après les autres. Nous venons d’ailleurs de diffuser le premier débat public en France sur l’affaire Al-Dura, qui n’avait jamais eu lieu en 10 ans, tant les enjeux sont importants. Dorénavant c’est fait, et c’est en une du site en ce moment.

Quel était votre but quand vous avez créé Enquête et Débat ? Développer une nouvelle forme de journalisme ?

Comme son nom l’indique, notre but était de proposer aux internautes ce que les médias classiques ne proposent quasiment plus, à savoir de la vraie enquête et du vrai débat.
La vraie enquête n’est pas, selon nous, l’affaire Bettencourt, comme le dit Pierre Péan aussi. La vraie enquête consiste à identifier des discours légitimes mais jamais médiatisés, ou des affaires inconnues de tous mais fondamentales, ou encore des faits jamais relayés par les médias bien qu’importants. Ainsi nous avons révélés, sans être repris par la grande presse, que Charles Pasqua n’avait en réalité pas d’accent, ce qui peut paraître anecdotique au premier abord, mais qui l’est moins quand on se dit qu’il nous a roulé dans la farine depuis 40 ans sans jamais être démasqué par l’intégralité des médias, alors que de très nombreux journalistes, notamment politiques, sont au courant. Autre affaire, qui devrait mobiliser le pays tout entier, le procès en appel de Jean-Baptiste Rivoire, journaliste à Canal +, condamné en première instance pour violences volontaires ayant pu entraîner la mort de Didier Contant, un autre journaliste, retrouvé mort en bas de chez lui alors qu’il s’apprêtait à publier la deuxième partie de son enquête sur l’assassinat des Moines de Tibhirine. Nous sommes à ce jour le seul média à couvrir cette histoire cruciale puisqu’un journaliste a été retrouvé mort en France de façon très suspecte.

Quant au vrai débat, il s’agit de permettre aux personnalités de réellement échanger des arguments, sans public, sans animateur, et sans autre contradicteur que la personne qu’ils ont en face. Le seul outil est une pendule d’échec, qui permet aux intervenants de se répartir eux-mêmes le temps de parole, et ainsi réellement dialoguer, et aller jusqu’au bout de leur raisonnement. Les débats dans les grands médias ne sont que des simulacres, le public hue ou applaudit, tout le monde se coupe la parole, le citoyen ne comprend rien, c’est juste un spectacle. Nous voulons sortir de cette logique délétère pour la qualité du débat et donc de la démocratie, pour revenir à des fondamentaux socratiques et platoniciens, qui placent les arguments au centre de la discussion.

Une vingtaine de débats d’une heure environ sont déjà en ligne sur le site.
Nous venons d’interviewer le grand sociologue Raymond Boudon, qui est bien plus connu à l’étranger qu’en France, où Bourdieu a toutes les faveurs. Boudon est son opposé, puisqu’il est plutôt libéral, et nous sommes en train de publier en de nombreuses parties les 3h30 d’entretien qu’il nous a accordé. Parmi les questions que je lui ai posées, il y a « comment lutter contre l’idéologie », et il répond par 2 choses : « Lire et Discuter ». Lire au sens de comprendre réellement un texte, et Discuter au sens de réellement dialoguer. Sans le savoir, il décrit précisément le rôle que s’est attribué notre site, et nous sommes fiers d’être en phase avec cette pensée profonde, qui n’est passée que deux fois en 40 ans à la télévision française !

En tant que directeur de la publication, comment voyez-vous le futur pour Enquête et Débat ?

Hélas, la liberté d’expression totale n’est pas pour demain. Nous avons donc de longs et rudes combats à mener, à commencer par notre pétition pour une liberté d’expression totale, qui réunit déjà plus de 600 signatures, parmi lesquelles André Bercoff, Robert Ménard, Dominique Jamet, Raymond Boudon, Tristan-Edern Vaquette, Christine Tasin, Pierre Cassen, Paul-Eric Blanrue, et bien d’autres.

Pas encore de grandes personnalités catholiques, j’espère que cela viendra, grâce à cette interview qui sait ? Eric Zemmour a été sollicité par nos soins, il est d’accord sur le fond de notre pétition, puisque c’est exactement ce qu’il a déclaré devant les députés UMP, mais il a refusé de la signer car, dit-il, il ne signe pas de pétitions. C’est bien dommage, car cela aurait donné d’autant plus de poids à ses arguments, alors qu’en s’abstenant de signer, il ne va pas jusqu’au bout de sa logique. Nous espérons le faire changer d’avis dans les mois qui viennent.

Cette pétition sera en permanence sur notre site, et nous allons nous appuyer sur elle pour organiser des interviews et des événements dont nous réservons la primeur aux lecteurs d’Enquête et Débat.

Par ailleurs, le futur des médias comme le vôtre ou le nôtre, à savoir des médias de niche sur Internet, est très prometteur. Les grands médias généralistes nous laissent des boulevards de par leurs limites, manque de courage, adversaire de la liberté d’expression, manque de clarté de la ligne éditoriale, réseaux d’amis à favoriser sur l’information, etc. Nous sommes la concurrence, et je n’ai aucun souci sur le fait que nos médias remplaceront un jour les médias dominants, à moins que ceux-ci ne se réforment fondamentalement. Cela semble relativement impossible de mon point de vue à court ou même à moyen terme. Quant au long terme, l’Histoire tranchera !

Enquête et Débat en quelques infos :

Site créé le 14 Juin 2010

Fondateur : Jean Robin

Directeur de la publication et rédacteur en chef : Jean Robin

Audience (visiteurs uniques/mois) : 30 000

> Lire aussi : Zoom sur… Slate.fr

 

 

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