Le SIDA… ça eut payé !

Il est un fait avéré que les temps changent. Ainsi, un certain Christophe Morat vient-il d’être jugé pour avoir eu des relations sexuelles avec plusieurs dames, tout en sachant qu’il était séropositif ; c’est-à-dire plombé par le SIDA.

L’homme n’est était pas à son premier coup, ayant déjà été condamné pour avoir contaminé deux autres femmes, en 2005, ce qui lui avait valu six ans de prison. Peine ayant un goût de trop ou de pas assez, sachant que son slip dissimulait de potentielles armes de destruction massive. Depuis, le matamore a réitéré ses exploits sur six autres victimes, dont l’une au moins aurait été déclarée séropositive. Le Roméo toxique risquerait donc une peine de trente années de prison.

Pourtant, comme écrit plus haut, les temps changent. Rappelez-vous, 1993 et un César du meilleur film décerné aux Nuits fauves de Cyril Collard. Récompense assortie des César de meilleure première œuvre, meilleur espoir féminin (Romane Bohringer) et de meilleur montage. Et encore oublie-t-on les citations aux César de meilleur réalisateur, meilleur scénario et meilleure musique. De quoi s’agit-il ? La jaquette du DVD, aujourd’hui quasi introuvable, nous en dit plus : « Jean a 30 ans. À vouloir vivre trop intensément sans savoir choisir, sans savoir dire non, il s’est brûlé les ailes : il est séropositif. La menace qui pèse sur lui et sa rencontre avec Laura, 17 ans, vont bouleverser son existence : il va s’ouvrir au monde, apprendre à aimer les autres, apprendre à aimer la vie. » Et, au passage, à repasser le mistigri mortifère à ses rencontres d’une nuit.

En 1994, Luc Ferry écrivait dans L’Express : « Que dit son personnage [Cyril Collard, donc] au sujet de la jeune femme qu’il aime [Laura, 17 ans, en l’occurrence] ? “J’étais lâche. Je croyais venir vers Laura lavé des souillures de mes nuits. Mais je lui imposais en silence la pourriture de mon sang. Je crachais mon virus en elle et ne disais rien”. » On notera encore qu’au lendemain de la mort du jeune artiste, un François Mitterrand vieillissant assurait à la famille du défunt que leur « fils était un exemple pour la jeunesse française »…

Dans le même temps, Françoise Giroud, pourtant peu connue pour être grenouille de bénitier, flétrissait la légende naissante de ce jeune homme ayant trop fait rimer Éros et Thanatos… Pour mieux se resituer dans le contexte d’alors, laissons la parole à Luc Ferry, toujours, quant au début de culte dévolu à Cyril Collard : « Bévue monumentale, qui s’explique par l’environnement de l’époque : on cherchait alors à rassurer, à contrer, d’abord, les odieuses propositions de l’extrême droite plutôt qu’à s’attaquer au fléau. » Il est vrai qu’alors, un certain Jean-Marie Le Pen avait évoqué la possible création de « sidatoriums ». D’où scandale… Comme si ce qui était accordé aux « poitrinaires » ne devait pas l’être aux « sidaïques », pour reprendre les mots du pétulant président du Front national.

De Cyril Collard, ces petits souvenirs pour finir, issus de la plume de votre serviteur et publiés dans Le Choc du mois de janvier 1988, évoquant ses mésaventures dans les cités. Voulant mettre en scène « ces quelques corps arabes qui portent encore des traces fugitives des fantasmes pasoliniens de virginité sous-prolétarienne », le futur « césarisé » se fit rosser d’importance pour avoir tenté des tournantes dans des caves d’immeubles. Tournantes sans filles, mais avec des gaillards qui n’entendaient pas simuler le plaisir en mordant l’oreiller. On rappellera que l’artiste ne dut sa survie qu’à sa capacité à courir vite… très vite. L’élite dominante a les héros qu’elle peut.

Il y a vingt ans, tout cela était applaudi par l’intelligentsia culturo-médiatique. Aujourd’hui, c’est la case prison, direct. Va comprendre, Charles.

Lu sur Boulevard Voltaire

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