A Lagos, Manu descend au tombeau! (Vidéo)

Le président français sera mardi au Shrine, salle de concert historique de Lagos fondée par le père de l’afrobeat et artiste contestataire Fela Kuti, pour annoncer l’organisation de la Saison des cultures africaines en France en 2020.

Un chef d’État au Shrine ?

Relayée depuis quelques jours au Nigeria, l’information a parfois du mal à être prise au sérieux tant elle surprend. Et pourtant, Emmanuel Macron sera bien présent, mardi 3 juillet, pour une soirée culturelle dans la mythique salle de concert fondée par le musicien Fela Kuti, le Shrine (Tombeau).

L’idée de voir débarquer dans cette salle celui que ses détracteurs surnomment “le président des riches” surprend les connaisseurs de Fela Kuti, artiste contestataire des années 1970, critique de la corruption au sommet de l’État.

Dans un Nigeria qui sortait tout juste de la guerre du Biafra (1967-1970), c’est dans cette petite salle que le créateur de l’afrobeat parlait politique à son public venu s’entasser pour l’écouter, ses mots se transformant petit à petit en chansons et en hymnes des laissés-pour-compte. À cette époque, le Shrine est le sanctuaire de celui que le New York Times a qualifié de “personnalité la plus importante du siècle en Afrique dans le domaine culturel”.

Le Shrine historique a été détruit en 1977 mais les fils de Fela Kuti en ont bâti un nouveau, plus grand, désormais lieu de passage obligé à Lagos pour tous les fans de l’artiste. “Même si ce n’est pas le Shrine où il se produisait, cette salle est devenue un lieu emblématique où l’on retrouve tout l’héritage de Fela”, explique le danseur-chorégraphe Serge Aimé Coulibaly, créateur d’un spectacle consacré à la vie de Fela Kuti, “Kalakuta Republik”, à France 24. “On y ressent tout de suite l’esprit de Fela, poursuit-il. On retrouve ses mots partout avec des affiches, des pochettes de disques collées aux murs, des slogans inscrits aussi. Le Shrine reste encore un lieu de liberté qui symbolise la contestation par rapport aux pouvoirs africains, un lieu de réveil pour la population.”

Riche soirée culturelle au programme

Si la démarche d’Emmanuel Macron peut donc surprendre, elle colle finalement avec sa communication maîtrisée qui entend renvoyer aux Africains l’image d’un président français en rupture avec ses prédécesseurs.

“L’Élysée veut une politique africaine jeune, tournée davantage sur les pays anglophones”, a expliqué à l’AFP Olivier Laouchez, PDG du groupe Trace, chaînes musicales, et organisateur de cette soirée.

Au programme de l’événement : concerts, défilés des plus grands créateurs de mode du continent, rencontres avec les incontournables de l’art contemporain africain. Et Emmanuel Macron pourrait même jouer une scène de théâtre avec des acteurs nigérians, glisse-t-on en coulisses.

“L’idée est de montrer la richesse et la diversité des cultures africaines, explique Olivier Laouchez. L’Europe ne connaît pas l’Afrique, en tout cas, pas sa dimension culturelle. Et Lagos est désormais la plus importante capitale culturelle en Afrique.”

“C’est vrai que l’Europe connaît mal la richesse culturelle africaine, confirme Serge Aimé Coulibaly. Lagos est une ville en mouvement, qui bouillonne et qui a pris une couleur et une dimension qui font penser aux États-Unis. Malheureusement, l’imaginaire des Français est très limité. Ils ne voient pas au-delà des images de guerre et de misère que diffusent les médias en permanence.”

“Macron représente tout ce que combattait Fela”

C’est d’ailleurs pour contribuer à mieux faire connaître les cultures africaines, insiste l’Élysée, que le président français a choisi de se rendre au Shrine. Il y annoncera l’organisation en France en 2020 de la Saison des cultures africaines.

Emmanuel Macron rencontrera également des acteurs de Nollywood, la deuxième industrie cinématographique au monde en terme de production de films. Les films de Nollywood ont encore du mal à percer en dehors du continent africain, mais de Dakar à Nairobi en passant par Douala et Harare, les acteurs nigérians ont un fan club digne des plus grandes stars d’Hollywood.

Malgré ces bonnes intentions affichées par le président français, sa présence au Shrine chagrine les admirateurs de Fela Kuti. “Emmanuel Macron représente tout ce que combattait Fela, donc le symbole est contradictoire, souligne Sergé Aimé Coulibaly. Si c’était pour rencontrer la jeunesse, il y avait beaucoup d’autres endroits à Lagos pour le faire.”

Un avis que partagerait sans doute celui qui a passé sa vie le poing levé à se révolter contre tous les puissants de ce monde et dont le portrait domine la scène du Shrine telle une figure christique dans une église.

 

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