La tragédie et l’héroïsme de Simone Veil  instrumentalisés pour la première de nos grandes lois de la culture de mort

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Hier, dans un débat avec Daniel Cohn-Bendit, Alain Finkielkraut faisait remarquer que ça avait été « un coup de génie » de Giscard d’Estaing que d’avoir été chercher Simone Veil comme ministre de la Santé pour faire passer la loi (signée Giscard d’Estaing, Chirac, Veil) de légalisation de l’avortement.

Finkielkraut ajoutait qu’avec Françoise Giroud, à laquelle on avait pensé aussi, la loi n’aurait eu aucune chance de passer.

En effet, une bonne partie de la droite qui vota la loi, avec le renfort de la gauche, était tétanisée à la perspective de s’opposer à une femme qui était en quelque sorte devenue intouchable et irréfutable, héroïcisée par l’immense tragédie dans l’enfer nazi d’Auschwitz où ses parents avaient été parmi tant d’autres assassinés et à laquelle elle avait survécu.

Simone Veil elle-même raconta dans ses souvenirs que si l’épiscopat français s’était unanimement dressé contre la loi qu’elle avait pour mission de rapporter devant la chambre, jamais celle-ci ne serait passée.

De la même manière mais inversement on peut penser que, bien que rescapée de l’abomination nazie, c’est parce qu’elle a été la grande actrice de la loi sur l’avortement que Simone Veil est entrée hier au Panthéon et son mari Jean Veil avec elle.

D’autres rescapés héroïques des camps de la mort ne rentreront pas en effet dans ce Panthéon.

La vérité, la triste vérité, c’est que la tragédie et l’héroïsme de Simone Veil dans sa lutte victorieuse pour la vie dans un camp de la mort furent politiciennement instrumentalisés pour la première de nos grandes lois de la culture de mort.

Et ajoutons que nos grands décideurs, Giscard et Chirac, et leurs instigateurs, au premier chef le concepteur de la loi, le docteur Simon, ne pouvaient ignorer alors que les quelques « garde-fous » que Simone Veil avait voulu placer dans le texte qu’elle défendait, ne tiendraient pas très longtemps devant une praxis bien vite plus mortifère encore.

Les tombeaux de Simone et Jean Veil sont allés rejoindre ceux des « grands hommes de la République » dans le monument désacralisé qui avait été précédemment l’église Sainte Geneviève et que les gouvernants révolutionnaires de l’État républicain puis de la monarchie de Juillet, imprégnés de paganisme antique, avaient décidé d’appeler Panthéon (le monument de tous les dieux) dans une sorte de mépris néo-païen des juifs et des chrétiens…

Ironie encore de l’histoire, leurs dépouilles voisineront là avec notamment celle de Jean Jaurès, méchamment placée en ce lieu dix ans après sa mort nonobstant la profonde aversion qu’il avait de ce lieu, qui, comme le rapportait Aristide Briand, avec lequel il l’avait parcouru, lui causait « une impression effroyable de temple obscur et vide ».

Jaurès, cet impénitent prophète qui se trompa beaucoup, n’avait-il pas en effet proféré ceci : « Il est certain que je ne serai jamais porté là. Mais si j’avais le sentiment qu’au lieu de me donner pour sépulture un de nos petits cimetières ensoleillés et fleuris de campagne, on dût porter ici mes cendres, je vous avoue que le reste de ma vie en serait empoisonné », et il ajoutait : « Temple impérissable et éternel, sans définition, sans dates, sans style, sans histoire, temple de la pensée et du rêve, environné de silence et soulevé par une muette exaltation ».

Certes, le Panthéon est aujourd’hui massivement fleuri. Mais qu’en est-il du destin de ses morts ?

 

Bernard Anthony

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