Là où les nègres sont maîtres

Voici l’histoire d’Annamaboe, plaque tournante de la Côte-de-l’Or (Ghana) au XVIIIe siècle.
On sait les polémiques suscitées par la traite négrière et par la responsabilité des Européens et des Euro-américains dans l’esclavage et le commerce des esclaves. Randy J. Sparks élargit ce débat en revenant sur le terrain de façon dérangeante : au lieu de choisir les grands ports occidentaux du commerce triangulaire comme Liverpool, Nantes ou Middleburg, son attention s’est portée sur l’Afrique quand la traite atteint son zénith.
Sans jamais perdre de vue la place de la traite dans l’économie-monde des échanges transatlantiques,  l’auteur fait revivre, avec d’étonnantes archives, ce que vécurent concrètement les hommes et les femmes de ce port où s’entrecroisent Anglais, Français, Danois… Tous contraints de négocier avec les grandes familles africaines qui jouent à merveille des uns et des autres.
Randy J. Sparks est également un conteur. On en jugera par les portraits croisés de Corrantee, chef commercial et politique du peuple fante, et de Brew, son interlocuteur anglais, principal négociant de la place, toujours furieux de devoir transiger voire s’incliner « là où les Nègres sont maîtres ». On suivra également avec émotion le destin ou les fragments de destin que fait renaître une remarquable documentation.
Annamaboe est au cœur d’une première mondialisation. C’est aussi le lieu d’une réalité violente qui nous parle aussi bien de la Côte-de-l’Or que de l’Europe. Cette plongée novatrice dans la vie d’un port esclavagiste africain est paradoxalement une nouvelle manière de décrire la naissance de l’Amérique.

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