Qui est Frère Rachid, fils d’imam et chrétien ?

Frère RachidDans son numéro du 17 juin dernier, la version papier de L’Homme Nouveau a publié un document exceptionnel, celui d’un musulman converti au christianisme, interrogé pour la première fois par un journal égyptien, qui lui a permis d’exprimer son point de vue. Qui est Frère Rachid, ce fils d’iman devenu chrétien ? Quel est le contexte dans lequel s’insèrent son itinéraire et l’entretien qu’il a accordé ? C’est ce qu’explique dans cet article Annie Laurent, journaliste et écrivain, spécialiste de l’Islam.

Au Maroc, la citoyenneté se confond avec l’identité islamique, sauf pour une résiduelle communauté juive indigène. La mention de la confession étant inscrite à l’état-civil, un musulman qui fait profession d’agnosticisme ou d’athéisme, ou encore se convertit au christianisme, ne peut donc pas être reconnu comme tel. Il demeure alors soumis à la charia, la loi islamique, y compris dans les affaires relevant du statut personnel (mariage, filiation, héritage). Ainsi, le Royaume chérifien ne reconnaît pas la liberté de conscience en matière religieuse.

Une situation de dhimmi ?

L’Église catholique locale se soumet à cette situation. Elle bénéficie certes d’une reconnaissance officielle, entérinée par une lettre patente datée du 30 décembre 1983, que le roi Hassan II adressa au pape Jean-Paul II. Mais elle est considérée comme l’Égli­se des étrangers et s’abstient de manière stricte de s’adonner à tout ce qui pourrait s’apparenter à de l’évangélisation. Pour Mgr Vincent Landel, archevêque de Rabat, « il n’est pas question d’enfreindre les lois du Maroc » (Aujourd’hui le Maroc, n° 978, 1er septembre 2005). Son clergé refuse donc d’accueillir des demandes de baptêmes émanant de musulmans maro­cains et même de répondre à leurs éventuelles questions sur le christianisme.

Il n’en va pas de même des protestants anglo-saxons. Par exemple, l’organisation Arab World Ministries, présente au Maroc, a ouvertement pour objet « l’annonce de la Bonne Nouvelle d’un Sauveur aux musulmans du monde arabe, conformément à l’ordre du Seigneur et Sauveur Jésus-Christ de prêcher la Bonne Nouvelle à toute créature » (Maroc Hebdo, n° 723, 8-14 décembre 2006). Le zèle apostolique des évangéliques, qui utilisent surtout les moyens audiovisuels et numériques, suscite des conversions chez les Marocains. Ceux-ci doivent évidemment vivre leur foi chrétienne dans la clandestinité ou bien s’expatrier. Tel est le cas de Frère Rachid qui a émigré aux États-Unis d’où, avec d’autres, il agit à destination de ses anciens coreligionnaires afin d’« ouvrir leurs cœurs à l’intelligence des Écritures », comme le fit le Christ ressuscité dialoguant avec les pèlerins d’Emmaüs (cf. Lc 24, 13-35).

Un apostolat à entreprendre

Depuis plusieurs années, Maurice Saliba, sociologue franco-libanais qui s’intéresse au phénomène de la contestation au sein de l’islam ainsi qu’à celui de ceux qui renoncent à cette croyance, suit de près l’activité missionnaire de ces protestants ; il entretient aussi des contacts avec certains convertis qu’il s’emploie à faire connaître en France, notamment en traduisant leurs écrits dans notre langue, comme il l’a fait pour le livre de Frère Rachid qui vient de paraître (Daech et l’islam. L’analyse d’un ex-musulman, édité par la Fédération des Nord-Africains Chrétiens en France, 426 p., 25 €. Pour le commander : FNACF, 5, rue d’Arcueil, 92120 Montrouge. Tél. : 06 36 35 32 52).

On lui doit aussi la traduction de l’entretien paru dans l’Homme Nouveau dont il convient de souligner le grand intérêt. Il s’agit d’un entretien de Frère Rachid réalisé par deux journalistes musulmans, Ahmed El-Sayyed et Haytham Saïd, et paru dans l’édition du 10 avril 2017 du quotidien égyptien, Ech-Choura (Le Conseil). En ouvrant pour la première fois ses colonnes à un chrétien venu de l’islam et connu pour sa critique publique envers son ancienne religion, ce journal a pris un risque réel, celui de susciter une vraie réflexion chez ceux qui l’auront lu et d’ébranler en eux les certitudes réputées intangibles inoculées par leurs textes sacrés.

Enfin, en mettant ce document à notre disposition, Maurice Saliba veut sensibiliser les catholiques français à cet apostolat particulier, qui reste mal compris par une partie de la hiérarchie hexagonale, et aux attentes, souvent implicites, des musulmans avides de connaître Dieu.

> Cet entretien traduit par Maurice Saliba est disponible dans L’Homme Nouveau du 17 juin 2017.

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3 Comments

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  • HuGo , 5 juillet 2017 @ 4 h 38 min

    Il m’est très difficile de comprendre le refus d’évangélisation et encore plus de baptême émanant de mahométans vers le catholicisme. Et, cela même en pays européens ????
    Pour vivre entre soi ? Perpère et bien tranquillement….
    Imaginerions-nous les apôtres et leurs disciples ayant agi ainsi ?
    Le catholicisme serait très confidentiel, acceptant que nul Homme n’a besoin de rédemption. Pourquoi Jésus, Dieu, s’est il fait Homme ? Pour quelques uns qui prennent bien soin de mettre la lumière sous le boisseau, de peur de ne déranger personne, par confort… Qu’est-ce que cette majorité bien pensante de Église catholique ?

  • Boutté , 5 juillet 2017 @ 9 h 27 min

    Nôtre”Saint-Père le Pape”a renoncé à tout prosélytisme. L’œcuménisme le tente bien plus entre les diverses branches de l’Église du Christ, bien sûr, mais aussi avec les autres religions du Livre. Nombre de Chrétiens y voient une trahison .

  • Paule C , 5 juillet 2017 @ 11 h 57 min

    HuGo L’islam n’est pas une religion, c’est un système politico-religieux théocratique et totalitaire qui exclut toute autre forme de croyance ou de mode de vie. Pour les musulmans, tout ce qui est en dehors de l’islam est nul et non avenu. C’est pourquoi les musulmans sont tenus de convertir, par la force s’il le faut, tous les non-croyants. Ce totalitarisme explique qu’on ne peut pas ne pas pratiquer l’islam, qu’on ne peut pas le quitter, qu’on ne peut pas être athée, qu’on ne peut pas se convertir à une autre religion, sous peine de mort.

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