Affaire Benalla: il ne s’agit pas d’une affaire individuelle, mais d’une affaire institutionnelle qui va beaucoup plus loin

Gérard Collomb maintient sa démission après le refus du président de la République. Le départ de l’actuel ministre de l’Intérieur constitue-t-il, selon vous, une bonne ou une mauvaise nouvelle ?

C’est une bonne nouvelle dans la mesure où Gérard Collomb n’a jamais su s’imposer en tant que ministre de l’Intérieur. Humainement, c’était quelqu’un de très sympathique. Nous avons eu l’occasion de le rencontrer à diverses occasions. Malheureusement, en tant que ministre, il s’est fait manger par l’Élysée. À sa place, je me serais également mis en vacances et j’aurais démissionné. Sur l’antiterrorisme, par exemple, l’Élysée a pris le dessus en créant une « task force » et en dépossédant, au passage, le ministre de l’Intérieur. Pour la police de sécurité du quotidien, l’Élysée a décidé qu’il allait servir de boîte aux lettres. Et, pour finir, l’Élysée espérait qu’il serve de fusible concernant l’affaire Benalla. Il est resté là et a assuré son poste de ministre en disant qu’il n’était pas responsable, que l’Élysée portait toute la responsabilité.
Maintenant, il va partir. On passe à autre chose. Je peux comprendre qu’il n’ait pas eu un parcours facile.

À propos de l’affaire Benalla, d’autres rebondissements ont eu lieu. Il a été question de rencontres avec Alexandre Djouhri, le sulfureux homme d’affaires londonien, et un fiché S. Est-ce que vous y voyez plus clair dans cette affaire ?

Certaines choses commencent à s’éclaircir, mais il faudrait que nous ayons des éléments matériels en dehors des déclarations de presse, même si, a priori, elles sont très fondées. On comprend qu’il puisse y avoir des dissimulations de preuves, étant donné les liens qu’entretient monsieur Benalla avec le Maghreb, l’Arabie saoudite, le Maroc et la Grande Loge nationale de France.
De ce point de vue, on peut comprendre que des protections aient été mises en place et que des choses soient cachées. Mais les faits annexes à notre enquête ne nous intéressent pas. Notre intérêt se porte sur les conséquences sur la police nationale. Nous ne voulons pas savoir les raisons pour lesquelles il a été protégé. Nous voudrions qu’il soit sanctionné pour ce qu’il a fait. Nous essayons, aussi, de remonter vers l’Élysée pour comprendre pourquoi ils ont laissé tourner des vidéos dénonçant des violences policières alors qu’il s’agissait plutôt de « violences élyséennes ». Nous pensons qu’il ne s’agit pas d’une affaire individuelle, mais bien d’une affaire institutionnelle qui va beaucoup plus loin que le cas de monsieur Benalla.

En tant que syndicaliste policier, y a-t-il une personnalité que vous aimeriez voir arriver Place Beauvau et avec qui vous aimeriez travailler ?

Il faut rester pragmatique et réaliste par rapport à la majorité déjà en place. Je pense donc éventuellement à monsieur Fauvergue, ancien patron du RAID. Il a bonne presse chez les collègues. En revanche, c’est un très mauvais communicant. Sur le dernier rapport qu’il a rendu, nous ne sommes pas d’accord avec lui sur de nombreux points, mais nous pensons que nous pourrions parler du fond et essayer de le faire réfléchir par rapport à ce qu’il a vécu.
Ce serait l’idée pragmatique, même s’il n’est pas un candidat idéal. Dans la situation actuelle, je pense que c’est un compromis correct entre un professionnel et un membre de la majorité.

Interview d’Alexandre Langlois – Boulevard Voltaire

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