Taux d’intérêt négatifs : les banques refusent de rembourser des emprunteurs

400 familles ont saisi l’Association française des usagers des banques. La cause: elles avaient contracté des prêts immobiliers à taux variable et ce taux se retrouve maintenant en négatif. Elles demandent donc une rémunération de la part de leur banque, qui refuse :

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  • mariedefrance , 5 mai 2016 @ 18 h 49 min
  • aixois , 6 mai 2016 @ 10 h 41 min

    On marche sur la tête! loin d’être un expert financier, je n’ai jamais compris qu’un taux d’intérêt puisse être négatif. Donc dans ces conditions, c’est la banque qui devrait rembourser les inrérêts d’emprunt de ses clients? C’est du Shadock!!!!!!!

  • Marino , 9 mai 2016 @ 21 h 05 min

    Les taux bas et négatifs font plonger les géants de la finance dans une ère nouvelle et les oblige à transformer leur modèle.
    -Qu’est-ce qu’un taux ?
    Il n’existe pas un, mais bien plusieurs taux d’intérêt. Celui qui donne le ton, le taux directeur, est le loyer de l’argent fixé par la banque centrale. Et le principal taux directeur est le taux auquel les banques se refinancent auprès de l’institution. C’est lui qui oriente la fixation des taux du marché interbancaire (entre banques) et celui des prêts accordés par les établissements de crédit aux clients particuliers et entreprises. Pour encourager le crédit et donc stimuler l’inflation, la banque centrale réduit son taux. On différencie par ailleurs le taux nominal – taux facial affiché dans un contrat ou une transaction – du taux réel. Ce dernier n’est autre que le taux nominal défalqué de l’inflation

    -Pourquoi les taux sont-ils si bas ?
    La BCE cherche à réduire le coût du crédit et à réveiller l’inflation en inondant les banques de liquidités. Dès le déclenchement de la crise financière, la BCE agit énergiquement, ramenant son taux directeur de 4,25 % en octobre 2008 à 1 % en mai 2009, puis à 0 % en mars dernier. Autre décision radicale de la BCE : pénaliser les excédents de liquidités bancaires (voir question suivante). Le taux de dépôt au jour le jour a ainsi été diminué à sept reprises depuis 2011. Mais, pour renforcer son action, Mario Draghi, le président de la BCE, a aussi agi de façon plus indirecte, en dégainant en mars 2015 son fameux QE (pour « quantitative easing » ou assouplissement quantitatif). Le principe ? Racheter aux banques chaque mois pour 80 milliards d’euros de dettes de bonne qualité (emprunts d’Etat et d’entreprise considérés comme sûrs). Résultat ? Les taux d’emprunt des Etats ont plongé, offrant un ballon d’oxygène aux finances publiques et mettant à disposition des banques de nouvelles liquidités. L’ensemble des emprunteurs, publics et privés, ont vu plonger les taux de crédit. Cerise sur le gâteau, la BCE accorde des prêts spéciaux aux banques (TLTRO), dont certains seront même octroyés à taux négatifs. Dans certains cas, la BCE les paiera donc pour emprunter.

    -Comment un taux peut-il être négatif pour un client ?
    Là encore, le rôle de la BCE est déterminant. En inondant les banques de liquidités, Francfort a fait plonger en dessous de zéro l’Euribor (jusqu’à douze mois), c’est-à-dire le taux auquel les banques se prêtent entre elles. Cela a permis à certains emprunteurs – au Danemark et en Belgique – qui avaient souscrit un crédit immobilier à taux variable (indexé sur l’Euribor) de voir leurs taux passer en territoire négatif. Dans ce cas de figure, c’est bien leur banque qui leur doit des intérêts et non l’inverse  ! Mais ces cas restent pour l’heure rares. « Dans l’économie réelle, pour les emprunteurs particuliers et les entreprises moyennes, les taux ne sont pas négatifs, ils sont bas à moyen-long terme », tranche un grand patron de banque française.
    Mais la BCE a aussi suscité le débat en abaissant en dessous de zéro son taux de dépôt appliqué aux liquidités que les établissements bancaires déposent auprès de la banque centrale. Le taux est devenu négatif en juin 2014 (–0,1 %), puis très négatif en mars dernier (–0,4 %). Pour les banques, il n’y a que deux portes de sortie pour éviter cette taxation : limiter leurs dépôts en prêtant toujours plus. Ou alors parvenir à leur tour à appliquer un taux négatif à leurs plus gros déposants. Une manœuvre forcément délicate sur le plan commercial.

    -Pourquoi la marge des banques est-elle attaquée ?
    Dans un contexte ordinaire – comprenez si le QE n’existait pas –, il existerait une forte différence de taux entre les prêts accordés sur une durée courte (considérés comme moins risqués) et ceux accordés sur des durées longues (par exemple, sur une dizaine d’années, comme un crédit immobilier), a priori plus risqués et donc plus chers. C’est en jouant sur cet écart entre le court et le long – la pente des taux – que les banques réalisent leurs marges : elles transforment des ressources de court terme (et bon marché) en crédits de long terme accordés à un niveau de taux plus élevé. Mais cette courbe s’est « aplatie » . Le bazooka monétaire de Mario Draghi a été si efficace que l’écart de taux entre les prêts courts et longs s’est fortement resserré. Une bonne nouvelle pour les emprunteurs, mais un casse-tête pour les banquiers.
    Quels sont les effets négatifs des taux très bas sur les banques­ ?
    Le contexte de taux touche les banques dans leur métier cœur : le crédit. D’un côté, la marge nette d’intérêt est mise à mal en raison de l’aplatissement de la courbe des taux (question 4). De l’autre, les emprunteurs ont massivement renégocié leurs prêts ces dernières années, ce qui va à terme éroder le rendement moyen des encours, c’est-à-dire les intérêts produits par l’ensemble des prêts. L’atrophie des rendements sur l’ensemble des marchés met par ailleurs le modèle d’affaires des sociétés de gestion à rude épreuve. Pour conserver les mêmes niveaux de performance que par le passé, celles-ci sont obligées d’investir dans des actifs toujours plus risqués et d’échéance toujours plus éloignée. Les emprunts d’Etat pouvant désormais difficilement être considérés comme des actifs sans risque, elles ont également dû revoir le rôle des titres souverains dans la construction de leurs portefeuilles. Les performances délivrées aux investisseurs étant orientées à la baisse, les « asset managers » sont également contraints de reconsidérer leurs frais de gestion. Les filiales d’assurance-vie sont quant à elles en première ligne. Il devient en effet de moins en moins rentable de vendre de l’assurance-vie en euros, offrant la garantie du capital et, pour ce faire, investie essentiellement en obligations. Pour toutes ces raisons, la BCE commence à s’inquiéter d’un problème de rentabilité des banques. « Les grandes banques diversifiées sur plusieurs métiers et plusieurs géographies vont limiter les pertes de revenus et les risques, mais les banques de dépôt toutes simples, qui font du crédit immobilier et financent les PME, risquent de calancher les unes après les autres », analyse un grand banquier français.
    -Les taux bas sont-ils là pour longtemps ?
    Tous les spécialistes en conviennent : les taux ne sont donc pas près de remonter . « Pour une remontée des taux longs, il faudrait soit une remontée de la croissance potentielle, soit une hausse de l’inflation […], soit un important recours aux déficits budgétaires, soit un krach obligataire, soit une combinaison de ces facteurs », relève un rapport d’Amundi. En ce qui concerne la croissance, les moteurs traditionnels sont aujourd’hui trop peu puissants, au point que se développe la thèse d’une « stagnation séculaire ». Un changement rapide en matière d’inflation et de politique monétaire n’est pas plus probable. A la BCE, on est d’ailleurs loin de crier victoire sur le terrain de l’inflation, qui a peu de chances de redevenir positive avant l’automne. « Et, ensuite, il y a un risque de voir l’inflation se fixer autour de 1 %, ce qui justifiera de maintenir une politique accommodante », commente un proche de l’institution.
    -Quels sont les effets d’aubaine pour l’industrie bancaire ?

    Les banques pourraient potentiellement réaliser de jolies plus-values sur les obligations souveraines présentes à leur portefeuille, en les cédant à la BCE. Pour quelle raison ? Les banques sont généralement gorgées d’emprunt d’Etat, avec une forte appétence pour la dette de leur pays d’origine. Or, si les Etats les plus sûrs de la zone euro (Allemagne, France…) s’endettent à très bon compte actuellement, cela n’a pas toujours été le cas. Par exemple, pour un emprunt à 10 ans souscrit en 2011, la France devait consentir un taux d’environ 3,5 %, un niveau de rendement très recherché aujourd’hui, qui renforce mécaniquement la valeur de ce titre. Depuis le début du QE (entre mars et décembre 2015) les banques de la zone euro auraient ainsi cédé pour 283 milliards d’euros nets d’obligations de long terme. Autre effet positif : les taux très bas solvabilisent les emprunteurs, si bien que les banques profitent d’une véritable chute de leur coût du risque. Concrètement, elles réduisent les provisions sur les risques de non-remboursement de crédits. Cet effet puissant a permis à BNP Paribas et à Société Générale d’afficher des bénéfices en hausse au premier trimestre 2016.
    -Quelles ­conséquences ­sociales ?

    Pour faire face à l’érosion de leur marge structurelle provoquée par l’aplatissement de la courbe des taux, les banques françaises multiplient des plans d’économies. « Il faut s’attendre à ce que les banques réduisent leur nombre d’agences, indique le sous-gouverneur de la Banque de France, Robert Ophèle, dans une contribution pour l’Institut Messine sur les taux négatifs. Beaucoup d’emplois dans le secteur bancaire pourraient à terme être menacés, dans un secteur qui représente aujourd’hui tout de même près de 400.000 emplois directs en France. »
    Comment les taux bas poussent les banques à faire évoluer leurs modèles ?
    Pour faire face, les banques doivent faire évoluer leur modèle commercial, en privilégiant les revenus de commissions (facturation d’un service) sur les revenus d’intérêts, fortement sous pression. Toutes y travaillent, notamment en remodelant leur grille tarifaire. Ce n’est pas un hasard si les grandes banques commerciales ont décidé de facturer la tenue de compte en 2016, à raison de plusieurs dizaines d’euros par an et par client. Pour les banques en ligne, fondées sur un modèle de rémunération exclusivement lié à la transformation d’épargne bancaire, le choc est encore plus rude. Si bien qu’ING Direct s’est mis à facturer certains comptes bancaires. Au-delà de l’arme tarifaire, les banques doivent faire preuve de créativité en inventant de nouveaux services pour leurs clients, sources de nouveaux revenus. Leurs filiales d’assurance-vie doivent elles aussi changer de paradigme, en réorientant davantage les épargnants vers les unités de compte (UC), des supports qui ne donnent pas la garantie du capital et qui reposent sur une partie d’actions. La vente d’UC a connu un frémissement en 2015, mais se heurte toujours à l’aversion au risque de la majorité des épargnants.
    Quels sont les risques d’une sortie de cette politique de taux bas ?
    Les banques françaises prêtent actuellement à des taux particulièrement faibles, ce qui n’est pas sans risque pour l’avenir. Le cas du crédit immobilier est emblématique : les banques prêtent actuellement sans peine à 1,81 % en moyenne. Mais, à force de conditions extrêmement favorables aux clients, le rendement moyen de l’encours (les intérêts produits par l’ensemble des prêts accordés par la banque) s’érode et les revenus de la banque diminuent dangereusement. Si à l’avenir les taux remontaient, les banques seraient prises en tenaille : côté dépenses, des ressources onéreuses. Côté recettes, un portefeuille de crédits très peu rémunérateur.
    Pour les assureurs-vie, une remontée des taux d’intérêt n’aura pas du tout les mêmes conséquences selon qu’elle se fera en douceur ou brutalement. Pour ces grands détenteurs d’obligations, l’idéal serait une hausse progressive et sans trop de volatilité. Alors qu’ils doivent acheter en permanence de nouveaux titres pour remplacer les obligations arrivant à maturité, cela leur permettrait de réinvestir au fil de l’eau sans subir trop de pertes. A contrario, ils redoutent une remontée trop abrupte des taux. Cela pourrait inciter certains opérateurs à ouvrir de nouveaux fonds plus rémunérateurs et tourner au scénario catastrophe, si un nombre important de clients décidait de fermer leurs vieux contrats pour profiter de cette aubaine. Un tel cas de figure pourrait causer de sérieux problèmes de liquidité à certains assureurs.

    *Source Les Echos

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