Deux ou trois choses sur Mandela

Par Alain Sanders

On peut dire beaucoup de choses – et les hommages lacrymatoires tournent au tsunami – sur Nelson Mandela. Mais force est de constater que cet homme, qu’on nous a donné subclaquant depuis des mois, n’a pas manqué de résistance. Ce qui nous permet de revenir sereinement sur le destin hors du commun de ce personnage lui-même hors du commun.

Son background d’abord. Né au Transkei en 1918, il fut – à partir de 1951 – le président de la section des jeunes de l’African National Congress (ANC). Ce qui lui valut, la même année, neuf mois de prison – avec sursis – pour avoir enfreint la loi sur le communisme. Car, on a tendance à l’oublier, Mandela fut un agent communiste avec, à la clef, un plan prévoyant le débarquement en Afrique du Sud de « forces amies » ! Et il fut, par ailleurs, l’auteur d’un texte très stalinien : Comment être un bon communiste (1).

Au procès de Pretoria, il fut prouvé qu’il avait suivi un entraînement militaire dans des camps du FLN algérien et qu’il avait constitué des groupes de combat terroristes se réclamant d’un communisme pur et dur.

On dit – et lui-même le confirma – que son interminable détention (27 ans) à Robben Island l’amena à réviser cet engagement marxiste-léniniste. Et il est vrai que, devenu le président de l’Etat sud-africain, il ne donnera jamais dans les délires racialistes d’un Mugabe qui, au Zimbabwe (ex-Rhodésie) appela au massacre des Blancs expropriés, par ailleurs, de leurs fermes qui faisaient la richesse du pays. Aujourd’hui, le Zimbabwe est l’un des pays les plus pauvres du monde.

En instituant ce qu’on a appelé la « nation arc-en-ciel », Mandela a évité que l’Afrique du Sud ne sombre dans le chaos (même si Johannesburg et le Cap se classent parmi les villes les plus dangereuses du monde).

Après Mandela, quoi et qui ? Avec Winnie Mandela, dont il avait vite divorcé, la « guerre de l’héritage » pourrait être sanglante. Sans compter qu’il y a 40 % de chômeurs chez les jeunes des townships (qui n’ont jamais été résorbés) et que ces laissés pour compte – qui ont violemment manifesté et qui ont été sévèrement triqués par la police lors de la visite d’Obama – constituent une véritable armée insurrectionnelle, très critique à l’égard de la corruption tentaculaire de l’ANC : « Les gens sont libres, peut-être, mais ils n’ont plus de travail. »

La situation est donc explosive. Les Afrikaners, à la différence des Anglo-Saxons qui donnent volontiers dans l’angélisme, le savent. A tout moment, la xénophobie latente – mais aussi en action depuis longtemps : meurtres, vols, viols – peut être utilisée de manière dilatoire par les nouveaux maîtres. A l’égard des Blancs, bien sûr. Mais aussi à l’égard des Zoulous, qui ne se font aucune illusion sur la détestation dont ils sont l’objet de la part des Xhosas.

De façon plus mesquine, compte tenu de l’iconisation du disparu, on va assister à de sordides règlements de compte familiaux. Mandela s’est marié trois fois : très jeune, avec Evelyn Mase ; puis, en 1958, avec Winnie Mains-Rouges ; puis, à 80 ans, avec Graça Machel.

Des deux premiers mariages sont nés six enfants (trois sont morts). Il y a 17 petits-enfants et 14 arrière-petits-enfants. Du vivant de Mandela, ils se haïssaient discrètement. Maintenant que papy (et grand-papy) n’est plus là, ils vont se lâcher. Et d’abord parce qu’il y a de l’argent, beaucoup d’argent en jeu…

(1) On y lisait notamment : « Sous régime communiste, l’Afrique du Sud deviendra un pays de cocagne. Dans notre pays, la lutte des masses opprimées est menée par le Parti communiste africain et s’inspire de sa politique. »

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