Les Filles au Moyen-Age, refusé à Cannes parce que réactionnaire!

 

Le film Les Filles au Moyen-Age est un petit bijou  qui tranche sur la production habituelle du cinéma français. Son réalisateur, Hubert Viel (également auteur d’Artémis, Cœur d’Artichaut), nous parle de l’accueil de son film par le public et les festivals.

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— Comment vous est venu ce projet iconoclaste de réhabiliter le Moyen-Âge, période supposée d’obscurantisme religieux et hostile aux femmes ?

— En tombant tout simplement sur l’étonnant et passionnant livre de Régine Pernoud : La Femme au temps des Cathédrales. Je l’avais lu à la base par simple curiosité, n’y connaissant pas grand-chose au Moyen Age. Puis, rapidement et étrangement, j’ai eu l’idée d’en faire une libre et partielle adaptation. Mais une adaptation drôle et décalée. C’est là la genèse du projet.

— Comment expliquez-vous la méconnaissance et les préjugés du public à propos de cette période historique majeure ?

— La pensée dominante est beaucoup plus libérale qu’on ne le croit. En ce qui concerne l’histoire, c’est presque un cas d’école. A partir des Lumières, jusqu’aux années 1920-1930, l’étude du Moyen Age ne s’est faite que contre lui, surtout au XIXe avec des personnalités comme Michelet. La bourgeoisie libérale ou simplement républicaine n’a cessé d’aborder cette période que sous le mode de la calomnie et du mensonge. Ce qui est étonnant c’est que l’opinion commune reste calquée au XXIe siècle sur des études fallacieuses du XIXe, qui ont depuis été remises en cause par la quasi-totalité des médiévistes. Pour faire plus simple, il règne dans l’opinion comme dans le monde de l’éducation, une certaine haine de la Tradition. Les Sociétés traditionnelles seraient intrinsèquement obscurantistes, autoritaires, violentes etc.

— Comment le film a-t-il été accueilli par la critique des media institutionnels ainsi que par le public ?

— Le film a été globalement très bien accueilli, et ce dans des journaux de tendances politiques très diverses. Je note cependant un clivage entre la réception des critiques de gauche qui ont défendu le film dans de petits articles presque publicitaires, et les critiques de droite (Figaro, Valeurs actuelles, Éléments) qui ont accordé chacun des pages entières, avec des analyses parfois poussées, et en insistant sur le caractère politique du film. Quant au public, j’avoue avoir eu une grande majorité de retours enthousiastes. Les Parisiens cinéphiles autant que les provinciaux.

— Comment votre film a-t-il été perçu par les festivals auprès desquels vous avez présenté votre réalisation ?

— Le festival de Cannes a apprécié la démarche artistique de mon film, mais malheureusement ils l’ont jugé trop réactionnaire et l’ont donc refusé. A Belfort, on a trouvé le propos machiste et cliché ! (Oui, oui). Bordeaux, qui pour l’anecdote est présidé par les Inrocks, est le seul festival qui a bien voulu le prendre en compétition. Le film y a été totalement défendu, dans son fond et dans sa forme (comme quoi). Il y a même reçu un prix féministe, qui a été remis des mains de Céline Sciamma, la réalisatrice de Tomboy (NDLR : ce film a été instrumentalisé par les tenants de l’idéologie du genre pour servir de propagande dans les écoles).

— La vie d’Adèle a reçu la palme d’Or à Cannes en 2013, en plein débat du mariage homosexuel. Fatima a créé la surprise aux Césars cette année, faisant réagir l’acteur Guillaume Gallienne qui a dénoncé un choix politique « prônant la diversité culturelle » . Quel regard portez-vous sur le cinéma français d’aujourd’hui ?

— Le cinéma français est tellement idéologisé aujourd’hui qu’il s’essouffle. Les subventions ne sont accordées que si les critères de la ligne officielle sont remplis, ce qui est une forme de censure en soi. Ce qui fait que le cinéma français a perdu énormément de l’audace qu’il avait il y a encore 40 ans. Il n’est fait que de lacunes. Il n’est plus politique, il n’est plus poétique, il n’est plus non plus populaire. Les spectateurs ne se reconnaissent plus dans les personnages, car les auteurs s’embourbent dans une description narcissique du monde, ils se contentent de ne mettre que leurs propres codes sociaux, ce qui donne des films faits par et pour l’auteur.

Propos recueillis par Louis Lorphelin pour Présent

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