César Ritz (Vidéo)

Supposé rouvrir à l’été 2014, le Ritz Hôtel aura finalement dû attendre juin 2016. Avec un investissement de départ de 140 millions d’euros, le Ritz version 2016 va proposer “un confort feutré dans ses 71 chambres et 71 suites ainsi que l’élégance et l’excellence de l’art de vivre à la française”, comme l’annonce de site de l’hôtel.  Il faut remonter à 1979 et son rachat par l’homme d’affaires égyptien Mohamed al-Fayed pour sa dernière rénovation. Cette renaissance va lui permettre d’enfin candidater à la Distinction Palace, qui lui fut refusée avant sa fermeture en 2012 du fait  de sa vétusté.  Si le Ritz est un symbole de luxe, l’on ne parle que peu ou pas de son créateur: César Ritz. (NDLR)

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Rien ne prédestinait César Ritz à devenir l’un des grands innovateurs du luxe. Né en 1850 au fin fond des alpages suisses, l’homme qui a inventé le palace moderne grandit au milieu des chèvres, avant d’être placé en apprentissage comme sommelier dans une auberge à l’âge de 14 ans. L’expérience est loin d’être concluante, mais ce cadet de treize enfants n’a d’autre choix que de continuer à travailler. Et puis, César Ritz est ambitieux. Il persévère donc, et gravit un à un les échelons, devenant serveur, puis maître d’hôtel dans un restaurant parisien. Et enfin directeur, en 1877, de l’Hôtel National de Lucerne. En un peu plus de dix ans son univers a radicalement changé, et il maîtrise parfaitement les codes de la grande bourgeoisie.

Lorsque, quatre ans plus tard, on lui propose le poste de directeur général du Grand Hôtel de Monte-Carlo, César Ritz ne choisit pas : il répartit son temps entre Lucerne, l’été, et Monaco, l’hiver. C’est là qu’il fait la rencontre d’un jeune maître queux, Escoffier, qui organise de grands dîners à Paris, Londres et Berlin. Il le recrute pour relancer l’établissement un peu vieillissant. La table du Grand Hôtel devient rapidement courue, ce qui conforte Ritz dans l’idée que la gastronomie est une composante essentielle de l’hôtellerie. «L’association de Ritz et d’Escoffier compte parmi les événements les plus heureux de leurs vies», notera sa veuve dans un livre consacré à son mari.

En 1890, Ritz prend la direction du Savoy, à Londres, et il confie celle du restaurant à son chef préféré. Il a alors acquis suffisamment d’expérience, à Paris, Baden-Baden (où il a racheté un hôtel avec Escoffier) et Monaco pour savoir ce qui fait le charme et la distinction d’une adresse remarquable : le sens de l’élégance et la qualité du service, qui doit être efficace et attentionné, sans être servile. Et il le répète sans cesse à ses équipes : «Le client a toujours raison.» Le propriétaire du Savoy, un riche impresario de théâtre, n’a qu’une notion très vague de la façon de gérer un hôtel. César Ritz s’offre donc carte blanche pour tester ses intuitions. Il va faire du Savoy le lieu le plus chic et le plus branché de Londres. C’est là qu’il faut voir et être vu. Elisabeth de Gramont y est la première femme à oser fumer en public.

Pendant que la jet-set s’amuse, l’homme d’affaires a créé sa propre société et songe à la prochaine étape. Congédié du Savoy à la suite de la disparition de vins, il décide de réaliser son rêve : créer l’hôtel idéal. A Paris, le 15 place Vendôme est à vendre. C’est là, en juin 1898, qu’est inauguré le Ritz, premier palace à bénéficier de l’électricité, d’un téléphone et d’une salle de bains avec WC dans chaque chambre. Les décors et meubles sont XVIIe siècle et Empire, le menu du restaurant «à la carte», une nouveauté. Proust va en faire son second domicile, y dînant souvent seul. Le maître d’hôtel lui distille les potins qui lui servent à décrire la haute société.

César Ritz a tout pensé dans le moindre détail, jusqu’à la teinte abricot rosé du tissu des abat-jour qui donne bonne mine à ses clients. Aux petits soins, il sait mémoriser leurs habitudes et leurs préférences afin de les anticiper à chaque nouveau séjour. Son génie de l’hospitalité se double d’une excellente perception de l’air du temps, car avec les premiers trains de luxe, le tourisme commence à se développer. Il reste cependant réservé à une élite pour laquelle Ritz imagine des raffinements dignes d’une demeure princière. Un deuxième Ritz ouvre à Londres en 1905, un troisième à Madrid en 1906, et l’adjectif anglais «ritzy» devient synonyme d’élégant, à la mode. L’expression est maintenant un peu désuète, mais le nom de Ritz, qui brille encore au fronton des hôtels qu’il a créés, demeure une référence du luxe moderne.

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