L’observatoire de la crétinofolie présente: les panneaux en provençal!

 

Et une petite polémique locale qui mérite bien de franchir les frontières départementales, histoire d’animer la torpeur estivale ! De quoi s’agit-il ? On dit que force doit être à la loi. Et il y a tant de zones de non-droit, dans ce pays… Alors, un président de conseil départemental, courageusement, a décidé de prendre le taureau par les cornes. Bon, on se calme : pas question de s’en prendre à ces coutumes récemment implantées en France (« récemment », cela veut dire moins d’un demi-siècle, dans un vieux pays comme le nôtre) sans qu’on n’ait demandé l’avis aux indigènes. Ça, on ne sait, on ne peut ou on ne veut pas faire.

Alors, quoi donc ? Roahzon, Hendaia, Strassburg, Aiacciu : vous avez peut-être croisé, sur votre route des vacances, ces noms aux entrées des villes de Rennes, Hendaye, Strasbourg et Ajaccio. Eh bien, il paraît que c’est illégal ! On vient d’exhumer un texte de 1967 – comme quoi l’archéologie administrative a de beaux restes, en France. On ? Ce n’est pas n’importe qui : c’est le conseil départemental de Vaucluse. France Bleu nous rapporte les faits. Les Taillades, commune de 2.000 habitants dans le Luberon. En début d’année, le maire reçoit un courrier du conseil départemental : « Les panneaux officiels, qui portent le nom de la ville, ne doivent avoir en dessous plus aucun autre panneau, que ce soit “village fleuri” ou l’indication qu’il y a des caméras dans la commune. » Or, depuis trois ans, la commune, comme beaucoup d’autres en Provence, avait fait installer des panneaux indiquant le nom du village en provençal : « Li Taiado ». Le texte de 1967 ? Il s’agit d’un arrêté du 24 novembre 1967 – un pensum d’environ 27.000 mots dont nous vous épargnerons la synthèse -, signé de Christian Fouchet, ministre de l’Intérieur, et de François Ortoli, ministre de l’Équipement et du Logement, arrêté qui s’appuie sur la loi du 3 juillet 1934 sur la signalisation routière. Comme quoi, une bonne loi est une loi qui ne se modifie pas tous les quatre matins… Mais nous nous éloignons de la route principale.

On vous épargnera la différence entre un panneau et un panonceau évoquée dans ce chef-d’œuvre de la littérature administrative française, différence qui doit être du même ordre que celle entre la cabane et le cabanon, mais, arguant de cet arrêté, il ne serait donc pas réglementaire d’installer un panneau en dessous de l’officiel sur les voies dépendant du département. Où est le problème ? Doubler le siglage réduirait la visibilité, paraît-il. Remarque rapportée par France Bleu Vaucluse : « Si cela avait lieu en Bretagne, au Pays basque ou en Corse, ce serait déjà la révolution. » ». Mais nous ne sommes pas en Bretagne, au Pays basque ou en Corse… Maurice Chabert, président du conseil départemental, s’est justifié, ces jours-ci, dans la presse quotidienne régionale, en parlant de quiproquo. « Il n’a jamais été question de supprimer ces panneaux. Il faut juste les déplacer à l’intérieur des communes, c’est tout. Depuis des années, nous nous battons pour défendre le paysage des communes en supprimant les panneaux publicitaires à l’entrée des communes… »

C’est pourquoi, au lieu d’avoir, dirons-nous, deux panneaux accolés – deux en un, en quelque sorte -, on verra s’ériger des successions de panneaux. Ça, c’est de la décision ! Qui ne passe pas comme une lettre à la poste. Ainsi, le maire de Pernes-les-Fontaines (Perno li Font), en Comtat Venaissin, a décidé de résister, déclarant qu’« il y a des problèmes bien plus importants à régler ». Pas faux. Et puis, on imagine que les agents du département n’ont rien d’autre à faire que de déplacer les panneaux. Ah si, peut-être : remplacer les panneaux 80 km/h…

Mais l’affaire n’en restera peut-être pas là, car en 2012, la cour d’appel administrative de Montpellier avait annulé une décision du tribunal administratif de 2010 enjoignant la commune de Villeneuve-lès-Maguelone (Hérault) de retirer ses panneaux en occitan « Vilanòva de Magalona ».

Georges Michel – Boulevard voltaire

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