La drogue qui rendait les nazis invincibles… (Vidéo)

 La pervitine, un dérivé de la métamphétamine très connu pour avoir été la « drogue de combat » de l’armée allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, revient en Europe. Fabriquée avec les moyens du bord, elle fauche la jeunesse et les classes sociales déclassées en Moldavie, Ukraine, République Tchèque ou encore Pologne. Avec l’accroissement de la paupérisation des pays de la vieille Europe, qui conduit les drogués à rechercher des stupéfiants faciles à fabriquer soi-même et peu chers, mais aussi le darkweb qui permet à n’importe qui de se procurer de la drogue fabriquée à l’autre bout du monde, le développement de sa consommation en Europe a été fulgurant.

Inventée par le scientifique allemand Edeleano en 1887, l’amphétamine est fabriquée à partir de l’éphédrine. En 1919 le chimiste japonais Akira Ogata synthétise la métamphétamine, qui diffère de la précédente par l’ajout d’un groupe méthyle sur l’atome d’azote. C’est l’ancêtre de la pervitine, fabriquée massivement en Allemagne en 1938 et diffusée notamment dans l’armée. Des dérivés de la pervitine, contenant du phosphore rouge, de l’iode et de l’acide chlorhydrique, sont utilisés pendant la Seconde Guerre mondiale par les pilotes allemands, anglais, japonais et allemands. Cependant après les années 1960 la consommation de métamphétamine décline, sauf chez les hippies (qui la mélangent avec le LSD) et les soldats américains : 10% des GI en consommaient au Vietnam. La métamphétamine refait son apparition dans les milieux festifs au cours des années 1990.

Des ingrédients peu chers et faciles à trouver dans le commerce

La pervitine quant à elle reparaît en Ukraine au début des années 2000, sur fond de déclin économique et de paupérisation. Elle est appelée par son nom historique, mais aussi « vint », « zavodka », « kedy ». Son développement est encore accéléré par la guerre civile et les nombreuses prévarications du gouvernement pro-occidental issu de l’Euromaïdan (révolution financée par des fonds européens et américains) en 2013-2014. Avant le Maïdan, en octobre 2012, le journal ukrainien Segodnya.ua interrogeait un ancien accro à la pervitine. Il explique qu’il a découvert la drogue quand il était en terminale, et qu’il l’avait faite chez un copain de classe, déjà accro. « Nous avons acheté des allumettes – celles qui ont du phosphore rouge – une petite bouteille d’alcool à 90°, une petite bouteille d’iode, du peroxyde d’hydrogène, du vinaigre de table, du déboucheur WC en granulés, de l’essence éthylée, de l’acide chlorhydrique et un sirop contre la toux contenant de la pseudoéphédrine ». Les jeunes hommes finissent par synthétiser « de l’iode, du phosphore et de la pseudoéphédrine. On mélange tout, on met de l’eau, on refroidit, et c’est de la pervitine », un liquide transparent, ou jaunâtre quand sa préparation a été mal faite. Les drogués la consomment par voie intraveineuse ou orale.

Comme d’autres dérivés de la métamphétamine, la pervitine donne du tonus – on peut danser ou travailler d’arrache-pied pendant environ 24 heures. Puis l’on tombe en dépression – on peut même s’enrhumer dans certains cas – et dans l’apathie, jusqu’à la dose suivante ; lors de la période de manque, la dépression peut s’accompagner de prurit ou de hallucinations paranoïdes qui peuvent rendre le drogué hyper-violent. Les drogués deviennent accros rapidement. Par ailleurs la présence de traces de soude, acide chlorhydrique et phosphore dans la drogue peut provoquer des conséquences graves sur la santé : dégénérescence du système nerveux et des connexions cérébrales, nécroses osseuses, cirrhoses du foie, troubles du sommeil, crises de paranoïa et hallucinations… Le sevrage est très difficile : selon le site russe netnarkotik, « 93 % des personnes qui ont tenté une cure post-pervitine ont recommencé l’usage de cette drogue ».

La pervitine plus dangereuse que la cocaïne

Depuis l’Ukraine, la pervitine s’est répandue en Russie – en suivant les migrations de travail des ukrainiens, notamment vers Moscou et son agglomération – mais aussi en Moldavie, Pologne, Slovaquie, Roumanie, car cette drogue ne coûte pas chère et touche en priorité les classes sociales défavorisées. A Bălți (Bieltsy), la troisième ville de Moldavie avec 149.200 habitants, la pervitine est consommée par un drogué sur cinq, selon le journal moldave Publika, fin décembre 2014 ; la ville compte plus de 3000 consommateurs réguliers de produits stupéfiants. Un ancien consommateur, interrogé par le journal, explique que la drogue est fabriquée avec «du déboucheur WC, de l’iode, du phosphore rouge. Le tout coûte 100 leu [4,76€], ça suffit pour faire de la drogue pour trois personnes ». Il affirme que les effets de l’usage de la pervitine sont tout de suite évidents : « il y a des gens qui ne dorment pas 24h voire 48 heures. Après que l’effet de la drogue soit passé, on mange et on dort beaucoup. Les accros sentent toujours l’iode ».

Le neurologue Viktor Krivoï affirme que cette drogue est bien plus dangereuse que la cocaïne ou les psychotropes : « déjà, le foie et la rate sont touchés de plein fouet. Mais surtout c’est la structure du cerveau qui est endommagée. Les hallucinations visuelles et auditives, comme les tentatives de suicide, peuvent survenir dès la première prise. De toutes les drogues qui existent, la pervitine est celle qui conduit le plus vite à la dégradation physique et à la mort », en deux ans environ en cas de prise régulière. D’autant plus que les consommateurs habituels de pervitine passent souvent à des drogues plus dures, comme l’ecstasy ou la désomorphine – une morphine de synthèse nettement plus connue sous le nom de « drogue crocodile », qui s’est développée en Russie à partir de 2002 et en Europe de l’Est, et qui a atteint depuis 2010 les Etats-Unis – où elle avait été inventée en 1932 – ainsi que les Pays-Bas et l’Allemagne. Cette drogue est aussi fabriquée dans des conditions artisanales, à partir de codéine, d’iode et de phosphore rouge. En cas de prise régulière, la mort intervient au bout d’un an voire un an et demi ; cette drogue détruit l’épiderme, occasionnant des lésions très spectaculaires, et favorise aussi les nécroses, les caillots sanguins, les thromboses aortiques… qui sont souvent la cause du décès de ses consommateurs.

La République tchèque, usine à pervitine de la vieille Europe

En Europe, face au « crocodile » mais surtout à la pervitine, on trouve la Pologne, la Slovaquie et la République tchèque. Début 2013 les douaniers tchèques et polonais ont créé une équipe commune pour stopper l’entrée illégale de médicaments contenant de la pseudoéphédrine. Si la République Tchèque a interdit leur vente en pharmacie sans ordonnance, ils sont disponibles librement en Slovaquie et en Pologne, et dans des concentrations jusqu’à quatre fois supérieures à celles autorisées en République Tchèque. Résultat, la pervitine fauche la jeunesse des trois pays, déjà raréfiée par l’immigration massive vers la vieille Europe, plus riche, et la dénatalité. A noter au passage qu’une quinzaine de médicaments contenant de la pseudoéphédrine sont en vente libre en France.

Via le darkweb – le web « souterrain » où s’échangent informations confidentielles, armes, drogues, porno hard ou encore numéros et codes de cartes bancaires volées, les consommateurs de l’Europe de l’ouest commandent de la pervitine, qui est synthétisée depuis 2010 dans des laboratoires clandestins à Prague ; appelée localement « pico » et produite de façon quasi-industrielle, elle est réputée un peu moins nocive que celle qui est faite en Ukraine ou Moldavie. La presse tchèque se fait écho en septembre 2015 d’une plongée dans le dark web. Sur le site Silk Road, une sorte d’Amazon du Dark Web, on trouve toutes les drogues, y compris de la pervitine, ainsi que leurs matières premières – codéïne pour le « crocodile » ou pseudoéphédrine pour la pervitine.

En septembre 2014, le journal tchèque Lidovky expliquait que la pervitine était la drogue la plus vendue par les dealers tchèques du darknet- fabriquée sur place, elle coûte bien moins cher que dans les pays environnants – et qu’ils l’envoyaient à leurs clients par la poste, cachée dans des pochettes de DVD ou des pièces détachées pour ordinateur. Ni la Poste Tchèque, ni les entreprises privées – le journaliste avait interrogé des responsables de DHL Express – n’ont les moyens de vérifier tous les petits colis expédiés dans le pays, afin d’interrompre le trafic.

Louis Benoît Greffe

Photo : Wikimedia
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