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Editorial d’Eric Martin* paru dans le n°3 des Nouvelles de France

RÉFLEXIONS SUR LE CONSERVATISME

QU’EST-CE QU’UN CONSERVATEUR ? Un opposant résolu à toute évolution, ainsi qu’aime l’imaginer Jean-François Copé [1] ? Ou quelqu’un qui souhaite – entre autres – “reprendre le fil interrompu de la longue mémoire, les traditions culturelles et historiques” [2] ?

Refuser par principe le changement n’est pas pire que refuser par principe l’absence de changement. Le conservatisme formel, puisqu’il s’agit de cela, est un réflexe humain bien compréhensible que je m’abstiendrai d’accabler dans ces colonnes, bien qu’il soit de bon ton de le faire.

Le conservatisme fondamental nous intéresse davantage : voilà un ensemble de valeurs assises sur les principes de (vraies) libertés et (donc !) de responsabilité, toutes intimement liées : famille, libertés individuelles et économiques, subsidiarité, défense forte du territoire et de l’identité… Le conservatisme fondamental fait sienne la devise d’Amundi Asset Management : “From Values Comes Value” (“Des valeurs découle la création de valeur”), tant il est vrai qu’une société en bonne santé mentale, physique et morale est économiquement performante et, seule peut tenir l’État castrateur et spoliateur à distance. Le conservatisme fondamental, le vrai conservatisme est valeureux.

Pas de vrai conservatisme sans valeurs

La plupart des femmes et hommes politiques français de droite ne sont pas vraiment conservateurs. Les premiers à taxer la gauche de conservatisme (formel) sont les mêmes qui n’admettent pas la remise en cause d’“acquis” comme, en vrac, la loi Veil, l’impôt de solidarité sur la fortune, le droit du sol ou l’impossibilité édictée par la gauche de faire bloc contre… la gauche aux élections. On fait difficilement plus conservateurs formels qu’eux ! Ce soi-disant conservatisme est l’ennemi n°1 du véritable conservatisme (fondamental) qui n’est pas révolutionnaire pour deux sous mais contre-révolutionnaire. Contre la tabula rasa, le déracinement, la substitution de l’État à la famille (cause et conséquence de la crise qui la frappe) ou encore le collectivisme. Le vrai conservatisme part du réel, vomit les idéologies (y compris celles dites “de droite”) car ses promoteurs sont des pessimistes heureux. Autrement dit des réalistes qui ne désespèrent ni ne placent trop d’espoirs dans l’homme.

Comme les “identitaires” ont réussi à imposer le terme qui les qualifie dans les médias – malheureusement négativement, mais à l’impossible, nul n’est tenu – les “conservateurs” doivent, sans excès sur la forme qui passerait pour de la provocation, réhabiliter ce terme qui mérite mieux que d’être employé pour qualifier ceux se complaisent dans le statu quo. Chirac n’était pas conservateur. Thatcher davantage, mais pas totalement. Reagan encore plus. Un conservateur arriverait au pouvoir aujourd’hui en France, il ne conserverait (presque) rien, rien d’autre que les valeurs intemporelles mises à mal par l’hédonisme et l’étatisme ambiants.

*Eric Martin est rédacteur en chef du bimédia Nouvelles de France.

[1] « Si vous commencez déjà à être conservateurs, ce n’est même pas la peine d’être jeunes militants ! » a
déclaré le secrétaire général de l’UMP aux Jeunes populaires le 12 janvier 2011.
[2] Jean-Yves Le Gallou in Nouvelles de France n°1 de novembre 2011.

Sommaire du n°3 (JANVIER 2012) :

3 MÉDIAS TICS
Drudge Report : objet virtuel non identifié, par Eric Martin

4 LE GRAND ENTRETIEN
Contre l’Union européenne,
Bill y va Cash…, par Pierre de Bellerive

6 SOCIÉTÉ
Libéral et pro-vie, c’est possible ! Entretien avec Damien Theillier, professeur de philosophie et président de l’Institut Coppet, par Eric Martin

8 RENCONTRE
Ces libéraux qui ne voteront pas pour Sarko (ou qui hésitent), par Eric Martin

10 ÉCONOMIE
Ite Missa Est, par Thibault Doidy de Kerguelen

11 LIVRESQUE
Vivre à Alger, La guerre et la paix dans l’Algérie des Français, par François Préval

10 RENCONTRE
Général de Saint-Chamas : « La Légion étrangère est une sorte de pépite qui contribue au rayonnement de la France », par Pierre de Bellerive

14 DÉLIT D’IM@GES, par Eloi et Miège

15 LA RELÈVE
Gaël Leroux, un jeune chasseur en politique, par Pauline Sicard

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2 Comments

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  • 0 / 10
  • Natrép , 16 janvier 2012 @ 22 h 46 min

    « Reagan encore plus. »
    Grave erreur : http://analyseeconomique.wordpress.com/2011/06/08/reaganisme-et-thatcherisme-entre-legende-et-realite.
    C’est une vérité encore trop méconnue que Ronald Reagan fut, en pratique, un affreux interventionniste (et le lien que je donne plus haut n’évoque même pas l’amnistie qui a profité à quelque 3 millions d’immigrés clandestins (http://en.wikipedia.org/wiki/Immigration_Reform_and_Control_Act_of_1986), ou encore son vain programme de « lutte contre la drogue »).

  • Emilien H. , 29 janvier 2012 @ 18 h 34 min

    Très intéressante analyse d’Eric Martin ! Malgré cela je ne suis pas convaincu par sa thèse. Je vais vous dire pourquoi :

    Le langage est une réalité qui s’impose à nous. Nous pouvons certes essayer de le faire évoluer, et certains y réussissent avec succès. Néanmoins, si nous échouons, continuer à donner aux mots un sens que nous seuls leur reconnaissons nous condamne à être malcompris.

    Partons du langage donc : que signifie le mot « conservatisme » en français ?
    Ce mot comporte deux sens : un sens principal, et un sens secondaire.
    Son sens principal, celui que le dictionnaire Petit Larousse (du moins mon édition de 1995) est le seul à mentionner, c’est également celui qu’utilise J-F Copé : c’est l’immobilisme.
    Le Petit Larousse définit donc le conservatisme ainsi : « Etat d’esprit, tendance de ceux qui sont hostiles aux innovations politiques et sociales ».
    Bref ce sens correspond à ce qu’Eric Martin appelle le « conservatisme formel ».
    Transposé à la politique électorale, le conservatisme formel signifie en fait « être opposé aux réformes du gouvernement », car les réformes mises en œuvre par le gouvernement sont en principe plus visibles que les simples propositions de réformes des partis d’opposition.
    Ce terme désigne donc globalement les partis d’opposition (aujourd’hui PS et FN, demain probablement UMP et FN) et les syndicats _ au moins pour ces dernières années…

    Malgré l’omission du Petit Larousse, il existe bien un sens secondaire au mot « conservatisme ». Dans ce second sens, le conservatisme désigne un certain nombre de valeurs, souvent dites traditionnelles : attachement aux identités régionales et nationales, à la famille, au mariage traditionnel, voire au droit à la vie des enfants à naître…
    Ce seconds sens correspond à une partie de ce qu’Eric Martin appelle le « conservatisme fondamental » (une partie seulement car Eric Martin voudrait y ajouter le « conservatisme fiscal » qui fait partie intégrante du « conservatism » américain). Le terme « conservatisme » compris dans ce sens est utilisé par opposition au « progressisme ».
    Appliqué pour désigner le conservatisme fondamental, l’expression « conservatisme » a une connotation assez péjorative en France.
    Tout d’abord, les conservateurs fondamentaux constituent une minorité de la population française. Leurs idées apparaissent donc néfastes à la majorité progressiste.
    Surtout, LA COHABITATION DES DEUX SENS DU MOT « CONSERVATISME» DANS LA LANGUE FRANCAISE REFLETE LE PREJUGE PROGRESSISTE SELONLEQUEL LES CONSERVATEURS “FONDAMENTAUX” NE LE SONT QUE PARCE QU’ILS SONT CONSERVATEURS “FORMELLEMENT”
    Si certaines personnes aujourd’hui contestent encore la liberté d’avorter, pense la gauche, c’est parce qu’elles sont encore attachées à la France d’avant 1975. Et les jeunes qui sont anti-avortement, le sont parce qu’ils persistent à pratiquer une religion anachronique.

    CHANGER LE LANGAGE ?

    Bien sûr, le langage évolue. Et on peut espérer que l’on puisse un jour employer le mot « conservatisme » sans qu’une connotation négative y soit attachée.
    En fait, le langage devrait être neutre. On devrait pouvoir désigner les choses par leur nom, sans que ce nom opère un jugement de valeur qu’il soit positif ou négatif.
    Mais lorsqu’il n’est pas neutre (pensons aux ambiguïtés des termes « extrême droite », ou « homophobie »), c’est en général qu’il est à l’image des idées ou préjugés de la majorité de la population, ou en tout cas de la majorité des journalistes.
    En tout état de cause, on ne peut réussir à donner une certaine connotation à un terme que si cette connotation reflète les idées de la majorité de la population.
    En revanche, il est plus facile de faire perdre à un mot sa connotation négative, si c’est pour simplement lui rendre sa neutralité, et faire en sorte qu’il puisse être utilisé sans objections par les différents camps de la guerre culturelle.
    C’est plus facile, mais ce n’est pas évident pour autant. Il est souvent plus aisé de se revendiquer d’un autre vocable, que de modifier le langage.
    Nous avons certes l’exemple des Identitaires qui ont réussi à imposer le terme qui les qualifie dans les médias. Néanmoins, il faut noter que le sens qu’ils donnent au terme dont ils se réclament (« Bloc Identitaire”) correspond bien au sens actuel et étymologique du mot : être attaché à l’identité (dans leur cas régionale et nationale) et vouloir la défendre.
    Ils ont eu le courage d’utiliser un concept à l’origine connoté de façon péjorative (car principalement utilisée dans l’expression « repli identitaire ») et ont même réussi à diminuer cette connotation péjorative.
    A l’inverse, pendant de nombreuses années, les partisans du FN ont revendiqué l’appellation « droite nationale » pour remplacer l’étiquette « extrême-droite ».
    Et ce fut un échec flagrant : l’expression « droite nationale » n’a pratiquement jamais été employée en dehors des gens qui revendiquaient eux-mêmes cette appellation.
    Et pour cause : en français courant, « national » ne signifie pas « nationaliste » ni même « patriote » mais tout simplement « français ». A partir de là, le FN était certes un parti de droite « nationale » mais tout autant que le RPR…
    Dans le cas du conservatisme, force est de constater que ni le sens courant, ni le sens étymologique ne correspondent à la notion de conservatisme fondamental.
    Aucune des deux conditions qui ont permis la réussite « linguistique » du mouvement identitaire n’est donc réunie.
    En effet, le sens étymologique (« conserver ») du conservatisme tend à renforcer la signification de conservatisme formel.
    De fait, on ne voit pas spontanément pourquoi il faudrait associer l’idée de « conservation » à celles de « valeurs fondamentales ». Quand bien même on le ferait, les progressistes pourraient fort bien arguer que de leur point de vue, la liberté d’avorter, le droit du sol, ou le droit à la sécurité sociale sont des valeurs fondamentales …
    Par conséquent, les progressistes ne pourront pas utiliser ce mot sans le détacher totalement de l‘idée de conservatisme formel. Et comme les progressistes forment la majorité en France, c’est la définition qu’ils attachent à ce terme qui s’imposera.
    C’est pourquoi, il me paraît totalement illusoire de penser pouvoir changer le sens du mot conservatisme.
    Etant donné le sens actuel de ce mot, je pense qu’il est préférable de ne pas s’en réclamer.
    Et lorsqu’on nous accole cette étiquette de « conservateur », je pense qu’il faut soit la récuser, soit l’accepter en précisant bien le sens qu’on veut lui donner _ c’est fastidieux, mais je ne vois pas d’autre moyen d’éviter la confusion des esprits…

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