Elections européennes/ L’immigration, un enjeu majeur

 Les élections européennes vont avoir lieu en France le 26 mai prochain. Ce scrutin a une importance particulière en matière d’immigration. Alors que les pays européens sont confrontés à une pression migratoire sans précédent, c’est un choix de société auquel les électeurs répondront dans quelques semaines.


Les enjeux

Les enjeux de l’élection des députés européens sont nombreux, en particulier concernant l’immigration. Les institutions européennes ont en effet plusieurs compétences dans ce domaine : la définition et le contrôle des règles européennes relatives aux frontières intérieures et extérieures, l’encadrement juridique de l’immigration et de l’asile et l’adoption d’un budget européen dédié, la conclusion d’accords avec des pays tiers (Turquie, Libye, etc.), etc.

Ces sujets ont des impacts dans chaque pays européen. Plusieurs d’entre eux subissent, particulièrement depuis 2015, un afflux massif de migrants et de demandeurs d’asile. Les derniers chiffres connus à mi 2018 évaluent à 2,6 millions le nombre d’entrées illégales en Europe (1) depuis 2015. Entre 2015 et 2017, près de 2,4 millions de demandes d’asile ont été déposées dans les pays de l’Union européenne (2). Les premiers titres de séjour délivrés y sont en augmentation constante depuis 2014 (3). La France est particulièrement concernée, avec un nombre d’entrées d’étrangers– légaux et clandestins – arrivant sur son sol qui ne fait que progresser (4).

Les compétences de l’Union européenne en matière d’immigration

Les députés du parlement européen qui vont être élus vont avoir en charge, comme leurs prédécesseurs, de nombreuses attributions en la matière :

  • La définition, la mise en œuvre et le suivi des politiques migratoires et d’asile,
  • L’adoption de directives et de règlements sur le droit d’asile et le droit des migrants,
  • Le vote des dépenses communautaires dédiées aux politiques migratoires et d’asile, comme le Fonds asile, migration et intégration (FAMI) et le Fonds Sécurité Intérieure (FSI) (5).

La politique migratoire de l’Union européenne

Plusieurs documents définissent la doctrine des institutions européennes en matière d’immigration. On peut citer :

  • Le traité de Maastricht (1992), qui classe au rang de «  question d’intérêt commun » « les conditions d’entrée, de circulation et de séjour, des ressortissants des pays tiers ».
  • Le sommet de Tampere de 1999,qui définit une politique d’immigration commune fondée sur l’évaluation des besoins économiques et démographiques de l’Union Européenne.
  • Le Pacte européen sur l’immigration et l’asile adopté en 2008, qui vise notamment à mieux organiser l’immigration légale.

Le 13 mai 2015, la Commission européenne a publié un agenda européen en matière de migration. Ce carnet de route n’échappe pas à la novlangue technocratique. On y lit que les pays européens doivent « mieux gérer les migrations dans tous (ses) aspects » (6). Un des objectifs fixés est d’ « instaurer une nouvelle politique de migration légale (…) en fixant de nouvelles priorités aux politiques d’intégration (…) ».

Des déclarations récentes du commissaire européen à l’immigration nous en disent plus. Selon Dimitris Avramopoulos, l’immigration répond à « un impératif moral », mais également à « un impératif économique et social pour notre continent vieillissant ». « Nous ne pouvons pas, nous ne serons jamais capables d’arrêter les migrations » (7). Il précisait sa doctrine à Genève en mars 2017 : « L’Europe va avoir besoin de 6 millions d’immigrés » (8).

La politique migratoire portée par les institutions européennes vise donc à donner un cadre légal et budgétaire pour atteindre cet objectif.

Les leviers des députés européens

La politique actuelle des institutions européennes en matière d’immigration n’est pas gravée dans le marbre. Les députés européens peuvent, par leurs votes, favoriser l’accroissement de l’immigration ou sa limitation à un strict minimum. Ils ont plusieurs leviers à cette fin, législatifs et financiers. La prochaine mandature peut ainsi permettre :

  • La réforme de l’accord Schengen, afin de de rétablir de façon définitive les frontières intérieures des pays européens. A l’heure actuelle, seul un rétablissement partiel, justifié par des raisons de sécurité intérieure et limité dans le temps, est autorisé (9). L’échec du respect des frontières extérieures de l’Europe est patent : il se constate notamment par les passages massifs de clandestins à la frontière franco-espagnole.
  • Le renforcement des frontières extérieures de l’Europe, avec des moyens supplémentaires pour le corps des garde-frontières européens Frontex et la consigne de ramener les embarcations de clandestins en Afrique. La possibilité de refoulement des embarcations nécessite la dénonciation des textes érigeant actuellement la supériorité des droits individuels aux droits des peuples (10).
  • Le versement d’aides au développement conditionné à l’acception par les pays d’origine de leurs ressortissants en situation irrégulière. A l’heure actuelle, de nombreux pays extra-européens refusent la réadmission des déboutés du droit d’asile et des clandestins, tout en acceptant les subsides versés par l’Union européenne et les différents Etats. Cette situation aboutit à favoriser l’économie souterraine et l’immigration clandestine.
  • L’utilisation des budgets européens pour limiter l’immigration légale et clandestine.

Le parlement européen a pris une direction opposée : par un récent vote de la majorité des parlementaires européens, le budget du Fonds asile, migration et intégration, destiné à « soutenir la migration légale vers les Etats membres en fonction de leurs besoins économiques et sociaux» a plus que doublé pour la période 2021-2027.
Ce budget doit toutefois être définitivement validé après les élections européennes. L’Europe devrait ainsi prochainement consacrer, avec les impôts des citoyens européens, dix milliards d’euros à l’accueil des migrants et des demandeurs d’asile (11). Cela en plus des budgets dédiés par chaque pays. L’adoption de ce fonds réjouit les députés européens socialistes et radicaux, pour qui « la crise migratoire n’existe pas » (12). Ce vote est révélateur de la volonté de la majorité actuelle au Parlement européen non seulement de poursuivre la politique migratoire actuelle, mais également de l’amplifier. La future majorité au Parlement européen pourrait choisir de ré-allouer une partie de ces fonds à la sécurisation des pays européens au travers du Fonds Sécurité Intérieure, dédié au contrôle des frontières extérieures, à la coopération policière et à la prévention.

La France, le bon élève

A maints égards, le Président Macron veut faire de la France le bon élève de l’Union européenne (13). Il fustige à intervalles réguliers les pays qui entendent garder le contrôle des flux migratoire et applique à la lettre le carnet de route des institutions européennes : ouverture du marché du travail, effort budgétaire sans précédent pour l’accueil et l’intégration, « priorité gouvernementale » au relogement des réfugiés (14), etc. Alors que la France accueille massivement ce que l’on appelle pudiquement « les flux secondaires », des déboutés du droit d’asile issus d’autres pays européens, la politique d’éloignement des étrangers en situation irrégulière est un « échec total » selon un récent rapport sénatorial (15).

La politique européenne en matière d’immigration est à plusieurs titres « hors sol » :

  • Le droit de tirage des fonds européens ignore la situation particulière des pays. La France, qui se singularise par un chômage de masse et un communautarisme grandissant a-t-elle besoin de favoriser encore et toujours l’immigration ?
  • Les règlements et directives visent à donner sans cesse plus de droits à des individus, au détriment de celui des peuples à pouvoir assurer leur continuité historique.
  • Les institutions européennes ont totalement évacué la dimension « civilisationnelle » de l’immigration. Comme le faisait remarquer la démographe Michèle Tribalat en 2013, « la notion européenne d’intégration nie toute assimilation » (16). Le multiculturalisme en est la conséquence inévitable.

On le voit, le rôle du parlement européen est important en matière d’immigration. Les parlementaires européens ont entre leurs mains plusieurs leviers. Les résultats de la future échéance électorale seront un indice majeur de la direction que les électeurs veulent donner à l’évolution ethnique et culturelle des pays qui composent l’Union européenne

Paul Tormenen  – Polémia

(1) « Europe, le nombre de migrants décroit très fortement ». Libération. 3 octobre 2018.

(2) « 131 000 nouveaux demandeurs d’asile dans l’Union européenne depuis début 2018 ». Toute l’Europe. 20 juin 2018.

(3) « Les nouveaux titres de séjour délivrés par les Etats membres restent supérieurs à 3 millions en 2017 ». (Derniers chiffres connus). Eurostat. 25 octobre 2018.

(4) « Emmanuel Macron : l’immigration à marche forcée ». Polémia. 8 février 2019.

(5)« Elections européennes 2019 : un enjeu majeur pour les politiques d’asile et d’immigration ». Forum réfugiés. 5 février 2018.

(6) « Politique d’immigration ». Parlement européen. Octobre 2018.

(7) « Nous n’arrêterons jamais l’immigration, affirme un commissaire européen ». Valeurs actuelles. 19 décembre 2017.

(8) « L’Europe va avoir besoin de 6 millions d’immigrés ». La Tribune de Genève. 7 mars 2017. 

(9) Règlement UE 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016.

(10) « Frontex, le bras armé de l’Europe forteresse ». Demain le monde. Mars avril 2013. Sur les dérives droits de l’hommistes : « le droit des européens à la continuité historique ». T. Mercier. Livr’arbitres. Printemps 2018.

(11) « Immigration, coup de pouce financier de l’UE pour les pays d’accueil des migrants ». RFI. 14 mars 2019.

(12) Communiqué de presse des eurodéputés socialistes. 13 mars 2019.

(13) « Emmanuel Macron, l’immigration en marche forcée ». Polémia. 8 février 2019.

(14) Circulaire du 4 mars 2019 sur l’accélération du relogement des personnes bénéficiaires d’une protection internationale.

(15) « Projet de Loi de finances pour 2019. Mission asile, immigration, intégration ». Sénat. 22 novembre 2018.

(16) « Assimilation, la fin du modèle français ». Michèle Tribalat. Editions du Toucan. 2013.

 

 

Polémia

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