La disparition de Bernard de Fallois

Editeur, homme de droite, bourreau de travail

Bernard de Fallois appartenait à une génération (il était né en 1926) où il était fréquent de prendre sa retraite – ou plutôt sa préretraite – à 60, voire 55 ans. Fallois, lui, s’est éteint le 2 janvier 2018 à l’âge de 91 ans, et il aura été actif jusqu’à la fin de sa vie. Décidément, la littérature conserve ! On pense à Michel Déon, Félicien Marceau, Ernst Jünger et quelques autres, qui firent de beaux centenaires, et restèrent de grands écrivains jusqu’au bout.

Le président Macron a rendu hommage à Fallois en ces termes : « Bernard de Fallois était une figure centrale de l’édition française. Il était de ceux qui avaient connu et guidé des auteurs aujourd’hui entrés au Panthéon des lettres comme Roger Nimier, Georges Simenon ou Marcel Pagnol. »

Ami de Laudenbach et de Jean Turlais

Fallois a peu écrit mais beaucoup publié. Sans jamais renier ses amitiés politiques et littéraires, malgré l’énorme succès de beaucoup de ses titres (Le Choix de Dieu, par Mgr Lustiger, La Vérité sur l’affaire Harrry Quebert, par Joël Dicker, ouvrage couronné par l’Académie française, Fortune de France, de Robert Merle, ou Le Temps des Amours, de Marcel Pagnol, C’était de Gaulle, d’Alain Peyrefitte etc.).

C’est seulement en 2013 que Bernard de Fallois avait commencé à prendre de la distance avec son métier, ayant fermé ses bureaux de la rue La Boétie, mais conservant un pied dans ce milieu de la littérature qui, avec la politique, était sa passion.

Fallois, agrégé de lettres et enseignant, était un ami de jeunesse de Roland Laudenbach, le futur flamboyant patron des éditions de la Table ronde, et de Jean Turlais. Turlais est un écrivain maudit qui reste à redécouvrir : jeune milicien, il s’engage ensuite dans l’Armée française, fait la campagne d’Alsace et trouve une mort héroïque en Allemagne. Turlais mériterait une biographie, un travail d’érudit. Une idée à souffler à Philippe Vilgier, l’excellent biographe de Jean Fontenoy.

Bernard de Fallois, lui, était entré chez Gallimard, où il avait réalisé un coup de maître en retrouvant et en publiant deux inédits de Proust : Jean Santeuil et Contre Sainte-Beuve.

On retrouve ensuite Fallois chez Hachette, où il développe le Livre de Poche avec Roger Nimier et Guy Schoeller (le créateur, en 1979, de la collection Bouquins, un autre joli coup d’édition). Il est également critique de cinéma, sous le pseudonyme René Cortade, pour la revue des « Hussards » Arts, que finance Jacques Laurent.

Puis il prend la tête des Presses de la Cité, en 1975. Il y assurera la publication des chefs-d’œuvre de Simenon (140 titres !), Saint-Loup, Lartéguy, Cécil Saint-Laurent et beaucoup d’autres non-conformistes de l’après-guerre.

C’est en 1987, à 61 ans, qu’il quitte Les Presses de la Cité… pour créer les éditions Bernard de Fallois. Mohammed Aïssaoui, dans Le Figaro du 4 janvier, rendant hommage à Fallois, rappelle aussi que Jean Raspail avait publié chez lui « l’un de ses plus beaux romans, Sire ». Selon Aïssaoui, Jean Raspail estimait que Fallois « était le seul à pouvoir l’éditer et le défendre ».

Ajoutons enfin que Bernard de Fallois était l’ami de l’immense critique littéraire Jean Bourdier, qui fit les beaux jours de l’hebdomadaire Minute.

Hasard ou curieux signe du ciel : le même jour (2 janvier 2018) disparaissait un autre éditeur, Paul Otchakovsky-Laurens, fondateur des éditions POL. L’un était issu de « l’extrême droite », l’autre de l’extrême gauche. L’un fut l’éditeur de Jacqueline de Romilly, Raymond Aron, Marcel Pagnol, l’autre celui de Marguerite Duras ou Marie Darrieusecq. POL avait rejoint le groupe Gallimard en 2003, l’entreprise était sur le point de faire faillite. Fallois, lui, avait toujours voulu garder sa maison d’édition indépendante, de taille modeste, ne cherchant pas à l’étendre.

 Bernard de Fallois. (Wikipédia)

Francis Bergeron – Présent

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