Noble départ de Benoît XVI

Tribune libre de Charles Le Bourgeois*

C’est un coup de tonnerre au plus haut sommet de l’Église. Le renoncement de Benoît XVI à poursuivre son pontificat a pris tout le monde de court. Partout, l’annonce a provoqué une onde de choc. Une grande partie des fidèles salue le courage du souverain pontife et juge son choix lucide, mais d’autres comprennent mal sa décision.

Il a pris le monde entier au dépourvu, mais il n’avait pas caché cet éventuel départ. Dans Lumière du Monde, publié en 2010, Benoît XVI déclarait : « Quand un pape en vient à reconnaître en toute clarté que physiquement, psychiquement et spirituellement, il ne peut plus assumer la charge de son ministère, alors il a le droit et, selon les circonstances, le devoir de se retirer ».

C’est désormais chose faite. La décision est grave reconnait Benoît XVI, et d’une grande importance pour la vie de l’Église. L’annonce a suscité de nombreuses réactions. Dans l’Église d’abord. Le cardinal Angelo Sodano, doyen du collège des cardinaux, a été le premier à réagir, en exprimant sa solidarité au nom des cardinaux. « Nous vous sommes plus que jamais proches, comme nous l’avons été au long de ces huit années d’un pontificat lumineux » a-t-il confié au Saint-Père directement après sa déclaration officielle. Mais la stupeur s’étend au-delà de l’Église catholique. Le chef spirituel des anglicans, Justin Welby, dit « comprendre » la démission de Benoît XVI, mais confie avoir le « cœur lourd ». De son côté le grand rabbin ashkénaze d’Israël, Yona Metzger, a déclaré que le Pape Benoît XVI avait amélioré les relations entre le christianisme et le judaïsme, contribuant  à une « diminution des actes antisémites dans le monde ».

Des quatre coins du monde chacun essaye de comprendre cette décision inédite dans l’histoire de l’Église moderne. Entre stupeur et admiration, les commentaires se multiplient également chez les chefs d’états et autres personnalités diplomatiques. A l’instar du président américain, Barack Obama, qui exprime au Saint-Père sa « reconnaissance » et ses « prières ». Gratitude également de la part du secrétaire général de l’ONU, Ban Ki-Moon, qui affirme avoir apprécié la volonté du pape de « relever les défis mondiaux que constituent la réduction de la pauvreté, la lutte contre la faim et la promotion des droits de l’homme et de la paix ».

Reste que pour de nombreux catholiques, cet acte, posé avec discernement par Benoît XVI, est une belle leçon d’humilité. « Après avoir examiné ma conscience devant Dieu, à diverses reprises, je suis parvenu à la certitude que mes forces, en raison de l’avancement de mon âge, ne sont plus aptes à exercer de façon adéquate le ministère pétrinien…Du fond du cœur je vous remercie pour tout l’amour et le travail avec lequel vous avez porté avec moi le poids de mon ministère et je demande pardon pour tous mes défauts ». Reconnaitre, en personne, son incapacité à bien administrer la charge qui lui a été confiée, allant même jusqu’à demander pardon pour ses défauts, exige une bonne dose de modestie. Et il faut aussi beaucoup de courage, en tant que chef d’état, pour reconnaitre ses limites, et quitter ses fonctions.

Courageux et humble, il quittera donc sa charge définitivement le 28 février prochain à 17 heures. Il laissera derrière lui un pontificat de huit années difficiles, parfois délicates, mais riches. Sans jamais fuir les polémiques qui ont jalonné son pontificat. Benoît XVI a affronté avec détermination la crise des prêtres pédophiles, il a institué une autorité financière au Vatican, il a tendu la main aux fidèles de Mgr Lefebvre, il a fait preuve d’une  profonde dignité face au scandale du Vatileaks, allant jusqu’ à gracier celui qui l’avait trahi. Bref, en huit ans il aura sérieusement marqué l’histoire de l’Église.

Profondément enraciné dans la foi, Benoît XVI a privilégié la dimension religieuse de son ministère, en accordant une large part de son pontificat à la théologie catholique. Il a notamment effectué 24 voyages apostoliques à travers le monde, rédigé trois encycliques, proclamé 44 nouveaux saints, et, chose extraordinaire, il a béatifié son prédécesseur, le pape Jean-Paul II. Loin du charisme médiatique de ce dernier, Benoît XVI, par son intelligence et sa modestie est devenu aussi populaire que lui, notamment auprès des jeunes.

En renonçant à poursuivre sa charge, Benoît XVI pose un geste historique, en rupture avec une longue tradition. Mais comme les étoiles continueront de briller dans le ciel, disait le cardinal Angelo Sodano, l’étoile du pontificat de Benoît XVI continuera de briller dans l’Église.

*Charles Le Bourgeois est journaliste. Il a notamment travaillé à Radio Vatican.

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31 Comments

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  • Marcelline , 17 février 2013 @ 23 h 51 min

    Si tu mettais un couteau sous la groge de Benoît XVI pour lui dire : tu renies ton Dieu ou je te tue, il souffrirait le martyr également plutôt que de le renier; Ce n’est pas de cela dont il est question ici.
    Vu les cirscontances et les défis terribles que l’Eglise a à relever aujourd’hui, il faut effectivement un pape qui ait toutes ses forces et toute sa tête, et non pas un pape malade qui laisse son équipe gérer à sa place

  • Marcelline , 17 février 2013 @ 23 h 56 min

    Etre prêtre est un sacerdoce. Et Benoît XVI reste prêtre consacré à Dieu. Etre pape est une charge. ce n’est pas la même chose. Tout comme un curé d’une paroisse peut renoncer à sa charge et redevenir simple prêtre ou être envoyé sur une autre paroisse. Il reste tout de même prêtre et consacré à Dieu. Nous sommes à une époque où le pape ne peut pas se permettre d’être malade et de laisser son équipe mener la barque à sa place. Benoit XVI a toujours été hyper présent malgré son grande âge et sa fatigue, et sentant qu’il doit lever le pied, il ne veut pas laisser l’Eglise dépourvue de la présence de son pape.

  • Aimegeaielle , 19 février 2013 @ 9 h 39 min

    Gomez n’oublie qu une seule chose dans son raisonnement péremptoire : l allongement considérable de la vie au XXe siècle, qui est du jamais vu dans toute l histoire de l humanité. On savait bien que la question allait se poser tôt ou tard. A situation entièrement nouvelle, Benoît XVI a choisi de donner une réponse nouvelle. Quand Gomez parle de cardinaux centenaires, il n y en avait pratiquement jamais. Jusqu à Pasteur et au vaccin, l espérance de vie était de 28 ans. C est une chose que JPII ait choisi, en conscience et devant Dieu, de rester jusqu au bout et de donner ce beau témoignage de la valeur de la souffrance et de la fin de vie, c aurait été autre chose que d avoir un souverain pontife centenaire , d avoir tous les 15 ans une longue période de pontificat où le pape ne gouverne plus lui-même. Gomez qui se dit attaché à la Tradition devrait reconnaître que le fonctionnement de l Eglise catholique demande que le pape gouverne en personne et pas par curie interposée. Nous ne fonctionnons pas avec un Saint Synode comme les Eglises orthodoxes, où le patriarche a peu de pouvoir décisionnaire. Nous ignorons jusqu à quel âge Benoît XVI va vivre. S il vit jusqu à 100 ans, croyez vous que l Eglise puisse se payer le luxe de n être plus gouvernée les 15 années à venir ?? Vous refusez de voir que lallongement de la vie est totalement nouveau, c est un fait incontournable. Quand on connaît un peu Benoît XVI, on sait bien quil ne se retire pas pour son confort personnel, “pour avoir la paix”, “parce quil est découragé”. Mais uniquement parce que, dans la prière, il a compris que cest le bien de lEglise. Il n y a que cela qui compte pour lui, il a donné toute sa vie à Dieu depuis 70 ans.

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