Jean-Michel Ribes, héros de ses propres farces

Dans le genre artiste officiel, on connaissait Olivier Py, le directeur du Festival In d’Avignon. À Paris, au théâtre du Rond-Point, temple de la gauche culturelle et mondaine, il y a Jean-Michel Ribes. L’un au nord, l’autre au sud, les deux font la paire dans cette culture ministérielle qui, aujourd’hui, remplace l’art et la liberté de création. Deux vraies caricatures. Plus ministériels que le ministre : de Jack Lang à Franck Riester, ils auraient tous pu les inventer ! Avec de tels censeurs, au politiquement correct sans faille ni retenue, inutile d’instituer une censure : elle se fait toute seule.

Inventeur de l’impertinence conforme, de l’insolence et du rire de résistance subventionnés, défenseur du théâtre populaire du VIIIe arrondissement, Jean-Michel Ribes est un auteur de talent qui excelle dans les petites formes, même si son écriture pâtit souvent d’une gauchitude post-soixante-huitarde désuète. Hélas, avide de briller dans la bien-pensance médiatique, friand de mondanités courtisanes et de réceptions officielles, il se répand sur les plateaux de télévision afin de délivrer, comme un oracle, son message gouvernemental, dans un discours rempli des sempiternelles métaphores sur la peste et le fascisme. Le point Godwin devenu ligne sans fin d’un propos tellement conformiste et intolérant qu’il en devient grotesque. Ah ! si Hitler n’avait pas existé… Comme sorti d’une de ses pièces, il finit par devenir un personnage de farces et attrapes.

Tous les pouvoirs totalitaires, à commencer par celui de Staline, ont eu leurs artistes officiels, flatteurs, courtisans, toujours prêts à porter leur propagande. Le nôtre n’échappe pas à la règle, avec son ministère de la Culture et de l’Endoctrinement. Jean-Michel Ribes, c’est la quintessence culturelle de la dévotion au pouvoir. Un véritable porte-voix !

Pour preuve dernière, sa récente diatribe contre Salvini sur LCI. Après avoir considéré que le comparer à Ubu n’est pas suffisant, il le traite de « pourriture absolue », de « bubon » dont il faut extraire le pus ! Et file la métaphore. Salvini ira bientôt se « planquer en Amérique latine ». Comme les criminels nazis, c’est bien sûr ! Lui, en tout cas, restera planqué au Rond-Point des Champs-Élysées. Rien que de l’original et de l’inouï !

C’est une sorte de manie, aujourd’hui, chez tous ces artistes auxquels le pouvoir donne un peu de gloriole en échange de leur servilité au discours bien-pensant, tous ces combattants du consumérisme ultralibéral, bien installés dans leur confort et privilèges, et qui en jouissent sans entraves et sans vergogne, et sans s’interroger sur leurs contradictions et leur hypocrisie. On les voit brasser du vent et montrer leurs belles âmes devant les caméras, comme telle actrice devenue la madone des violences sexistes, ou tel acteur venu de son hôtel particulier jouer les Tartuffes nouveaux de ma pièce du même nom – que, soit dit au passage, ce défenseur de la liberté d’expression n’a jamais acceptée au Rond-Point, et pour cause, comme me disait un spectateur à l’issue d’une représentation à Avignon : « Il en est un lui-même ! »

Salvini fait partie de ces hommes politiques, souverainistes, considérant qu’on « ne peut accueillir toute la misère du monde », qu’un pays n’accueille bien et n’intègre des migrants que s’il a su préserver sa force et son identité : il refuse donc de le laisser envahir jusqu’à la saturation, c’est pour cela que le peuple italien l’a élu. Mais c’est cela, aussi, qui rend ce démocrate de la théâtralité si virulent. Les États-Unis ont Richard Gere, venu de sa villa à 64 millions de dollars tancer Salvini. Paris a l’engagé médiatique Ribes venu du rond-point des Champs-Élysées pour le traiter de « pourriture absolue ».

Et, certes, on peut ne pas être d’accord avec le ministre italien et prêcher, a contrario, pour un internationalisme absolu, pour l’ouverture des frontières à tous ou pour un pacifisme bêlant — comme celui qui a laissé prospérer Hitler en Europe —, mais les idées et la politique de Salvini ne méritent pas un tel déchaînement. Il fut un temps où défendre son pays, assurer son harmonie et sa prospérité n’attiraient pas de tels qualificatifs !

Jean-Michel Ribes aura réussi cet exploit sans précédent : être l’un de ses propres personnages loufoques. Désopilant ou consternant ?

Jean-Pierre Pélaez – Boulevard Voltaire

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