Des hommes et des dieux… et la vérité ?

Après trois ans d’attente, le juge antiterroriste français Marc Trévidic, chargé de l’enquête sur le massacre des sept moines cisterciens assassinés en 1996, a enfin reçu l’autorisation de se rendre en Algérie avec sa consœur Natalie Poux. Ils pourront assister à l’exhumation et à l’autopsie des têtes. Mais les autorités algériennes n’ont pas l’air de vouloir le laisser travailler comme il l’entend. Retour sur les enjeux de cette visite.

Moines-TibhirineDans la nuit du 26 au 27 mars 1996, sept moines cisterciens, établis dans le monastère de Tibéhirine en Algérie, disparaissent. Le Groupe islamique armé (GIA) revendique le rapt et, le 21 mai 1996, annonce leur assassinat. Les têtes sont retrouvées, mais les corps ne le seront jamais. Voilà pour la version officielle des faits (donnée par Alger). Mais elle n’est pas sans faille : l’annonce du GIA parle d’égorgement alors que nous avons affaire à des têtes décapitées. Autre problème : les moines étaient-ils décédés avant la décapitation et, si oui, quelle est la cause de leur mort ?

Le 25 juin 2009, la déposition d’un ancien attaché militaire de l’ambassade de France à Alger, François Buchwalter, relance l’hypothèse d’une bavure de l’armée algérienne, puis celle d’une implication des services algériens. Afin d’éclaircir ces zones d’ombre, le juge Trévidic a fait la demande, depuis 2011, de se rendre en Algérie pour pouvoir auditionner une vingtaine de témoins (dont de hauts responsables et des terroristes repentis) et réaliser des tests ADN sur les têtes après leur exhumation.

Mais à quoi joue l’Algérie ?
Cela fait trois ans de blocage ! Il faut rappeler qu’il y avait déjà eu deux reports successifs, malgré un accord de principe donné par Alger en 2013. Marc Trévidic n’est pas au bout de ses peines. Accompagné d’une équipe d’experts pour mener des expertises scientifiques, ce seront néanmoins des médecins algériens qui procéderont aux expertises médico-légales. Ordre d’Alger ! La marge de manœuvre est donc déjà bien réduite.

A côté de cela, les autorités algériennes ont mis leur veto quant aux auditions des 22 témoins par le juge français. Ce dernier doit donc attendre les procès-verbaux des interrogatoires qui sont menés par un magistrat algérien. Selon une source proche du dossier, « à ce jour M. Trévidic n’a pas reçu le moindre PV ». L’Algérie voudrait faire traîner le dossier en donnant des gages de coopération qu’elle ne s’y prendrait pas autrement. Surtout dans le contexte sécuritaire très tendu de l’enlèvement et de la décapitation barbare du ressortissant français, Hervé Gourdel.

L’avocat des familles, Patrick Baudouin, reste prudent : « L’enjeu principal va consister à pouvoir mener l’autopsie dans les meilleures conditions possibles, comme on le ferait dans toute affaire de ce genre. » Certes, mais le véritable enjeu va plus loin encore : du GIA ou de l’armée algérienne à la suite d’une bavure, qui est coupable ? Les familles et les Français ont le droit de savoir.

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