Il y a 221 ans, la Révolution décapitait Marie-Antoinette…

Commémorer la mort de Marie-Antoinette, ou pas, là est la question. Le 16 octobre 1793, à midi et quart, la reine déchue est décapitée à la hache. Discrètement, presque confidentiellement, la mémoire de Marie-Antoinette est, depuis lors, régulièrement honorée. Ce 16 octobre, une messe de requiem se tenait en la basilique royale de Saint-Denis, une autre en la chapelle des Pénitents blancs à Montpellier, une autre encore, célébrée dans la forme extraordinaire en la chapelle Sainte-Eugénie de Nîmes et tant d’autres à Grenoble, Bordeaux, etc.

D’aucuns y associent le martyre de Mme Elisabeth, sœur du roi (décapité le 21 janvier 1793), allant jusqu’à souhaiter la béatification de celle qui fut immolée, à l’âge de trente ans, le 10 mai 1794, sur l’un des innombrables autels de la peur de la Convention, selon l’éloquente expression d’Anatole France. L’épouse, la sœur, mais aussi le fils du roi, le petit Louis XVII qui serait mort le 8 juin 1795, à l’âge de 10 ans, épuisé par les mauvais traitements de ses geôliers de la prison du Temple.

Peuple étrange que le nôtre qui s’entiche désormais d’une Marie-Antoinette qu’il honnissait il y a plus de deux cents ans. Un mythe « Marie-Antoinette » s’est forgé, dont la peinture (Charles Benazech, Alexandre Kucharski), le cinéma (Jean Renoir, W.S. Van Dyke, Sofia Coppola) et l’historiographie (que Stefan Zweig contribuera, le premier, à humaniser) s’empareront, au point, paradoxalement, de renforcer sa part mystérieuse et, finalement, fascinante.

Pourtant, jamais souveraine ne fut autant calomniée, salie, jusqu’à l’ignominie. Les épithètes des plus sarcastiques au plus haineuses ont ceint son règne d’une vénéneuse couronne d’épines. De « l’Autrichienne » – la plus connue – à la « Guenon couronnée », de « Madame Veto à Madame Déficit », rien ne lui aura été épargné.

Et aujourd’hui, l’on s’émeut du sort tragique qui fut le sien, de la Conciergerie à l’échafaud, jusqu’à l’indicible douleur causée par la séparation d’avec ses enfants. Somme toute, n’est-ce pas là la clé de compréhension de ce doux attachement national, au-delà des seuls irréductibles royalistes ? Cette femme qui fut une mère. Quelques heures précédant son châtiment, après que l’implacable Robespierre et le cruel Fouquier-Tinville l’eurent accablée, elle écrivit une touchante lettre d’adieu à sa belle-sœur : « Je viens d’être condamnée non pas à une mort honteuse – elle ne l’est que pour les criminels – mais à aller rejoindre votre frère. Comme lui innocente, j’espère montrer la même fermeté que lui dans ses derniers moments. Je suis calme comme on l’est quand la conscience ne reproche rien ; j’ai un profond regret d’abandonner mes pauvres enfants. Vous savez que je n’existais que pour eux et vous, ma bonne et tendre sœur. […] Pensez toujours à moi ; je vous embrasse de tout mon cœur, ainsi que ces pauvres et chers enfants. Mon Dieu ! qu’il est déchirant de les quitter pour toujours ! ».

« En coupant la tête à Louis XVI, la Révolution a coupé la tête à tous les pères de famille », écrivait Balzac. En immolant Marie-Antoinette, elle rendit la nation orpheline.

Lu sur Boulevard Voltaire

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