Voilà pourquoi les surgelés Picard sont si chers!

C’est un exemple qui pourrait nourrir à la critique du néolibéralisme de Frédéric Lordon. L’Agefi révèle que les surgelés Picard vont augmenter leur dette de 88% pour pouvoir payer un dividende de 600 millions. Comme une impression de rançonnage ou de pillage par des actionnaires-brigands…

Des chiffres qui donnent le tournis

Les chiffres sont étourdissants et merci à l’Agefi de parler de ce qui n’est pas juste un fait divers mais est sans doute trop typique du mode de fonctionnement de notre économie, où les actionnaires se comportent comme les piranahs des entreprises qu’ils possèdent, qu’ils pressurent ou découpent comme des carcasses de bêtes mortes. Picard réalise 1,3 milliards d’euros de chiffres d’affaires pour 10% de marges. D’abord racheté en 2001 par Candover, puis par BC Partners en 2004, avant de devenir la propriété de Lion Capital en 2010, pour 1,5 milliard d’euros dont 975 millions à crédit, Picard va émettre 425 millions de dettes à 5 ans et augmenter de 325 millions sa ligne à taux variables.

Comme le rapporte l’Agefi, « Fitch a placé sous perspective négative sa grille de notation (…) L’agence souligne que l’opération va faire bondir de 88% » la dette. Les près de 750 millions de dettes de plus vont permettre à Picard de verser un dividende exceptionnel de 602 millions d’euros, près de la moitié du chiffre d’affaires annuel et 4 à 5 fois les bénéfices annuels ! Comment ne pas avoir l’impression que les surgelés Picard sont rançonnés par leurs actionnaires, contraints qu’ils sont d’emprunter pour payer des dividendes juteux, qui permettront à Lion Capital de mettre du beurre dans ses épinards, et faire in fine payer par les consommateurs les juteuses rémunérations du fond.

Un capitalisme actionnarial indécent

Malheureusement, les exemples effarants se multiplient, outre ceux cités par Frédéric Lordon. Et le monde de la finance n’est pas le seul à s’être illustré. Il y tout juste un an, la bible de la globalisation néolibérale, The Economist, s’était ému des 2,5 milliards de dollars de bonus extraordinaires des 40 dirigeants d’ABI (dont 289 millions de dollars pour le seul PDG), obtenus en vendant pour quelques années des filiales de l’entreprise à des fonds d’investissement, pour les racheter quelques années plus tard, bien plus cher, dans un jeu financier effarant. The Economist a aussi dénoncé la vogue des rachats de leurs propres actions par les entreprises, pas moins de 500 milliards de dollars !

Tout ceci montre qu’il y a un vrai problème structurel dans l’organisation de nos sociétés, qui donne un pouvoir délirant aux actionnaires (qui sont sans doute aussi ceux dont HSBC organisait la désertion fiscale), qui se comportent comme des vautours pour l’économie réelle. Car derrière ces milliards de dettes, de dividendes, et de rémunérations pour les actionnaires et les dirigeants (dont les intérêts sont alignés avec les premiers), il y a aussi de nombreux emplois détruits ou transférés dans des pays à bas coût. L’indécence de ce capitalisme actionnaire dérégulé devient chaque jour plus éclatante, au point que mêmes les gazettes qui défendent cette dérégulation en prennent un peu conscience.

Merci donc à l’Agefi de faire la chronique de ce capitalisme devenu cannibale où une petite élite largement inconsciente, se repêt des entreprises qu’elle possède ou dirige. Il faut rappeler ces anecdotes qui n’en sont pas pour permettre la prise de conscience de la nécessité d’un vrai changement.

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